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Le manque de main-d'oeuvre

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 283 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 02/06/2010
    • de STOFFELS Edmund
    • à ANTOINE André, Ministre du Budget, des Finances, de l'Emploi, de la Formation et des Sports

    Un motif des difficultés du secteur de la construction serait un manque crucial en ce qui concerne les ressources humaines.

    C’est un peu paradoxal. D’un côté, nous plaidons depuis un certain temps pour une augmentation du taux d’emploi et en même temps une diminution du taux de chômage.

    Et d’un autre côté, il y a les entrepreneurs qui éprouvent des difficultés pour recruter les collaborateurs disposant du niveau et du type de qualification recherchés; alors que la Région wallonne et le secteur font sans arrêt des efforts pour remédier à ce paradoxe.

    Il est une chose de préparer un demandeur d’emploi qui ne dispose pas de la qualification demandée à postuler dans une entreprise du secteur en question, il en est une autre de s’occuper des jeunes qui terminent leur formation et qui s’inscrivent comme demandeurs d’emploi.

    C’est très souvent chez ces derniers que l’on déplore un manque de qualification les rendant aptes à travailler dans le secteur.

    Comme solution, plusieurs chefs d’entreprises proposent d’intensifier la mesure consistant à former les jeunes individuellement dans l’entreprise après leur formation scolaire de base – formule visant à une meilleure adéquation entre l’offre d’emploi et la demande.

    L’analyse doit cependant être différenciée selon qu’il s’agit d’une P.M.E., d’une T.P.E. ou d’une grande entreprise, les uns étant confrontés à des questions d’une autre nature ou d’une autre taille que les autres.

    Depuis un certain temps, je plaide activement pour un renforcement de la formation en alternance – pour autant qu’elle soit surveillée de façon à éviter que le jeune soit réduit à de la main d’oeuvre bon marché.

    N’est-il pas utile de mettre en place des politiques croisées entre la Région wallonne et les deux Communautés de façon à encourager un nombre plus important de jeunes à s’intéresser pour ce type de formation?

    N’est-ce pas une formule à creuser pour s’assurer que le secteur puisse disposer de la main d’oeuvre bien qualifiée et en suffisance pour surmonter, enfin, le problème éternel de la pénurie de main d’oeuvre que nous déplorons maintenant depuis des années sans qu’une solution ne s'approche ?
  • Réponse du 04/08/2010
    • de ANTOINE André

    A partir d'un constat de pénuries de main d'œuvre dans le secteur de la construction, l'honorable Membre m'interroge sur les politiques à mettre en place vis-à-vis des jeunes en particulier dans le cadre de l'alternance et des politiques croisées.

    Je voudrais tout d'abord nuancer le constat sur la situation du secteur.

    Si on se réfère au rapport des fonctions critiques publié annuellement par le Forem, et en particulier à la liste des métiers critiques établie par le suivi des offres d'emploi de 2009, on constate que cinq groupes de métiers ont un taux de satisfaction moins bon que la moyenne de l'ensemble des métiers.

    Toutefois, le taux de satisfaction reste important puisque l'offre d'emploi est satisfaite dans plus de huit cas sur dix. De plus, par rapport à la liste des fonctions critiques de 2008, aucun nouveau métier de la construction ne vient s'ajouter. Au contraire, on observe la disparition d'un métier: les monteurs plaquistes en agencement. Enfin, le taux de satisfaction s'est amélioré pour tous les métiers de la construction.

    Certains métiers en demande de main d'œuvre sont également analysés de très près par le Forem depuis 2006, dans le cadre du dispositif Job Focus. Dans le secteur de la construction, 8 métiers ont été traités: maçon, couvreur, coffreur, monteur en sanitaire et chauffage, manœuvre de la construction, conducteur de travaux et chef de chantier, poseur de fermetures menuisées. En 2010, s'ajoutent le dessinateur en bâtiment et l'architecte. Pour chacun de ces métiers, le Forem analyse les compétences demandées par les employeurs et celles portées par les demandeurs d'emploi et sur cette base mène des actions de screening, de formation et de mise en relation avec les offres.

    Ce constat maintenant nuancé, venons-en maintenant aux facteurs qui l'expliquent. Les causes de pénurie sont multiples: ces métiers sont enseignés dans des filières techniques et professionnelles considérées trop souvent comme filières de relégation, les étudiants y sont peu motivés et abandonnent souvent leurs études en cours de route, ils arrivent ainsi sur le marché de l'emploi sans le niveau de qualification correspondant au seuil d'employabilité demandés par les entreprises. Par ailleurs, si les conditions de travail se sont améliorées au cours de ces dernières années, il faut constater qu'elles sont méconnues du grand public et enfin, on constate un turnover certain dans le secteur.

    Pour tenter de résoudre ces difficultés, il y a, selon moi, trois catégories de politiques à mener

    1. Rendre les métiers du secteur plus attractifs

    Notre société est telle que les métiers manuels et techniques souffrent d'une dévalorisation de leur image auprès des citoyens et en particulier des jeunes et de leurs parents. Comme vous le savez, la promotion des métiers scientifiques et technique est un des objectifs du Plan Marshall 2.Vert.

    Dans ce cadre, je voudrais souligner trois initiatives que je soutiens:

    - la mise sur pied d'un plan intégré de promotion des métiers, articulant les actions et idées des différents acteurs qui s'y investissent, dont les secteurs bien entendu;

    - l'organisation de séances de sensibilisation aux métiers du secteur dans le cadre des Carrefour Emploi Formation. En 2010, 10.500 bénéficiaires seront touchés dont 15% dans les métiers verts;

    - le lancement des essais métiers au FOREM (et à terme chez différents opérateurs) permettant aux jeunes notamment de s'essayer à différents métiers pour ensuite identifier un projet professionnel en connaissance de cause. Les métiers verts représenteront au moins 15% des 800 essais métiers prévus pour 2010.

    En termes de politiques croisées, j'attire l'attention de l'honorable Membre sur le fait que le plan intégré est une initiative conjointe avec la Communauté française et que des contacts seront entrepris avec les PMS pour la sensibilisation aux métiers verts.

    2. Développer les qualifications

    Les entreprises ont besoin de recruter du personnel ayant les qualifications nécessaires. Or la réserve de main d'œuvre est souvent trop peu formée et/ou expérimentée par rapport aux demandes des entreprises. Ce phénomène est amplifié par le fait que le nombre de jeunes issus des sections de la construction de l'enseignement de plein exercice est faible et en diminution.

    A cet égard, je veille à la mise en œuvre de trois stratégies essentielles:

    1° Le PFI (Plan formation insertion)

    Afin de pallier le manque de formation ou d'expérience des candidats, les pouvoirs publics ont mis à disposition des entreprises le PFI qui leur donne l'opportunité de former des personnes selon leurs besoins, leurs outils, leurs méthodes de travail. La durée de la formation doit s'étaler entre 4 et 26 semaines, mais, moyennant dérogation, la durée du contrat de formation-insertion peut être portée à un maximum de 52 semaines pour le stagiaire qui, au moment de la conclusion du contrat de formation insertion a au moins 25 ans et a obtenu, au maximum, un diplôme inférieur au diplôme du troisième degré de l'enseignement secondaire. Ce dispositif a un réel succès dans le secteur: un peu plus d'un tiers des opportunités d'emploi propose ce type de contrat. Et en 2009, pour la Commission paritaire 124, 1.816 contrats PFI ont été signés.

    2° La formation en alternance

    Je partage l'avis de l'honorable Membre sur l'intérêt de la formation en alternance sur les jeunes. En effet, c'est une filière d'insertion très efficace: A titre d'exemple, dans le secteur de la construction, l'insertion spécifique de l'IFAPME (c'est-à-dire dans les métiers pour lesquels il y a eu formation) est de 65% après 3 mois suivant le terme de la formation et près de 100% après 12 mois dans certaines filières. De plus, l'étude du FOREM sur l'insertion des jeunes demandeurs d'emploi wallons sortis de l'enseignement en 2008, montre que même en période de crise le contrat d'apprentissage est une filière qui conduit rapidement à l'emploi. En particulier, après six mois, plus de 8 jeunes sur 10 ayant terminé un contrat d'apprentissage décrochent un emploi dans les métiers de l'électricité, du carrelage, de la couverture, de la carrosserie ...

    Il faut également relever que, près de 30% de l'activité de formation du réseau de l'IFAPME est dédiée au secteur de la construction. Par ailleurs, pour éviter les éventuelles difficultés liées à ce type d'approche pédagogique, d'une part l'encadrement personnalisée des jeunes est accru pour tenter de diminuer les abandons, d'autre part, des contacts ont pris avec le Forem pour orienter des Demandeurs d'emploi vers l'IFAPME, et pour une transition efficace avec le conseiller référent en fin de formation ou en cas de rupture de formation. Ces éléments seront, à terme, formalisés dans le contrat de coopération pour l'insertion.

    Enfin, le plan Marshall 2.Vert prévoit« l'expérimentation au sein du Forem d'une offre de formation en alternance pour les adultes» qui est d'ailleurs déjà en cours au sein d'un partenariat FOREM-IFAPME. Il s'agira bien d'une véritable alternance, c'està-dire de répartir le plan de formation entre le centre de formation et l'entreprise de manière à faire bénéficier le stagiaire de compétences, d'accès à des outils ou méthodes spécifiques à l'entreprise. Des expériences pilotes ont ainsi été initiées notamment dans le cadre des Task Force Construction locales sur la région de Mons pour les maçons et sur Dinant pour les monteurs sankhauffage ou en passe de démarrer dans d'autres centres de formation essentiellement dans les métiers du secteur de la Construction (couvreur, maçon, poseur routier, peintre en bâtiment, électricien bâtiment et monteur sani-chauffage) qui accompagne d'ailleurs ce projet depuis le début en garantissant que les entreprises candidates à la formation en alternance répondront présentes pour accueillir et former les demandeurs d'emploi.

    Pour ce qui concerne le développement de politiques croisées en la matière, j'attire votre attention sur le fait que nous travaillons étroitement avec la Communauté française sur différents éléments relatifs à la réforme de l'alternance, à savoir la création d'un statut du stagiaire commun (contrat et plan de formation commun), les modalités et critères communs d'agrément et d'incitant pour les entreprises et l'encouragement au tutorat.

    3° Les Alliances Emploi environnement

    Il importe en matière de formation de ne pas voir les dispositifs de manière isolée mais d'avoir une véritable stratégie intégrée. En effet, pour que les entreprises disposent des compétences nécessaires, une série de mesures doivent être prises de manière à se renforcer les unes les autres. A cet égard, nous devons viser différents publics jeunes, demandeurs d'emplois, professeurs, travailleurs), différents objectifs (sensibiliser, former, insérer) et recourir à différentes expertises (Forem, IFAPME, EFT-OISP, ... ). L'organisation d'un tel plan intégré a été établie dans le cadre du Plan Marshall 2.vert. Par ailleurs, dans le cadre de la Première Alliance Emploi Environnement, un groupe de travail dit « formation verte» réunissant les secteurs, des partenaires sociaux, des opérateurs, ... a été constitué qui formulera avant la fin 2010, des propositions d'orientation ou de réorientation de l'offre de formation sur base d'une analyse de la demande des entreprises et de l'offre existante.

    Je voudrais clôturer mon propos en rappelant que les pouvoir publics doivent soutenir l'économie, mais ne pas s'y substituer. Ainsi, on ne peut simplement considérer que seule la formation est une solution, même si elle en est un élément essentiel et majeur auquel j'apporte toute mon attention.

    Force est de constater que le besoin de main-d'œuvre qualifiée du secteur est notamment lié à l'important turn-over qu'il connaît. Selon le rapport Hermès(1) du FFC (Fond de la Formation Construction), en Wallonie, 17 % des ouvriers de la construction quittent chaque année le secteur et 12 % changent d'employeur au sein du secteur.

    Il y a donc là également des sources d'amélioration de la part des partenaires sociaux et des employeurs.


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    (1) FVB/FFC - Etude de la rotation du personnel dans le secteur de la construction: Wallonie données 2008