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La sécurité juridique des partenariats public-privé dans le secteur éolien

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 332 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 02/06/2010
    • de DUPRIEZ Patrick
    • à FURLAN Paul, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville

    Monsieur le Ministre sait que les projets éoliens fleurissent en Wallonie et que de nombreuses communes étudient la possibilité d'investir en partenariat avec un promoteur privé pour bénéficier des dividendes des projets et, le cas échéant en impliquant des coopératives de citoyens dans la gestion et l'exploitation de parcs. Ainsi, quelques initiatives de partenariats public privé (PPP) ont été réfléchies allant parfois jusqu'à leur mise en oeuvre, comme c'est le cas pour la commune de Villers-le-Bouillet au moyen d'Enercity2 SRCL (www.enercity.be).

    Monsieur le Ministre sait aussi qu'un vent de protestation souffle sur la plupart des projets éoliens et que les opposants au développement de l'éolien terrestre cherchent tous les moyens juridiques pour empêcher la délivrance de permis ou casser ceux-ci par le biais de recours, soit auprès du Ministre, soit auprès du Conseil d'Etat.

    Monsieur le Ministre sait par ailleurs que les communes sont sollicitées pour rendre un avis durant la procédure de délivrance d'un permis unique, d'une part, et pour les ouvertures de voirie, d'autre part.

    Le montage d'un PPP comme celui d'Enercity SCRL ne s'est pas créé en un jour. Or, dès que les permis éoliens sont libres de recours, le promoteur s'engage dans la concrétisation de son projet et entame rapidement les travaux de construction.

    Aussi, pour permettre l'élaboration d'un partenariat public-privé, est-il judicieux d'harmoniser les temporalités de décisions entre le partenaire privé (le promoteur) et le partenaire public (la commune). Il serait souhaitable que les communes puissent entamer des négociations économiques avec les promoteurs durant la procédure instruisant la demande de permis unique. Ces négociations viseraient par exemple les modalités de constitution d'une société mixte, des relations contractuelles entre les parties, ...

    Face à ces constats et face à l'opportunité dont les communes disposent pour négocier avec le promoteur afin de créer des PPP, nous aimerions savoir si une commune peut entamer des négociations avec un promoteur sur le volet économique et montage du PPP dès lors que la procédure de permis est toujours en cours, tout en évitant d'attiser le risque que des opposants utilisent la négociation comme argument devant une juridiction administrative ou civile pour tenter de contester des permis (conflits d'intérêts, par exemple).

    D'autre part, de telles négociations pourraient-elles également avoir lieu avant l'introduction formelle de la demande de permis?

    Enfin, Monsieur le Ministre pourrait-il également nous confirmer que la conclusion avec un promoteur éolien d'une convention de partenariat visant pour la commune à créer une société sans le promoteur visant à racheter une ou plusieurs éoliennes d'un parc en développement peut échapper à la législation sur les marchés publics?

    Il me semble que la législation relative aux marchés publics n'est pas applicable à tous les actes des autorités publiques. Cette législation n'est en effet pas applicable aux conventions par lesquelles des biens immeubles relevant du domaine privé d'une autorité publique sont vendus ou cédés sous forme de droits réels à un tiers. En effet, de telles conventions de cession de droits réels ou de la pleine propriété d'un bien ne portent aucunement sur la livraison de travaux, de fournitures ou de services. De même, ne sont pas considérés comme des marchés publics, les contrats d'achats et de locations, conclus par une autorité publique, d'ouvrages déjà existants ou d'ouvrages dont la conception a échappé à l'initiative et à la maîtrise de cette autorité publique(1).

    Quant à savoir si une convention de partenariat entre une commune et un promoteur comme celle qui a été présentée récemment à l'administration de Monsieur le Ministre par la commune de Ciney entre dans le champ des marchés publics, nous pensons que non, considérant que cette opportunité d'opération peut être considérée comme intuitu personnae et tempori servire.

    Outre le fait de savoir si l'opération entre dans le champ d'application des articles 5 & 9 de la loi du 24 décembre 1993 (cfr jurisprudence du CE n° 194.417), le recours à une procédure de marché public est également motivé par la possibilité de procéder à une réelle mise en concurrence, ceci constituant l'essence de la réglementation des marchés publics. Or l'objet même de l'opération visée par cette convention n'appelle pas à un environnement de concurrence, l'opération peut, selon nous, être considérée comme intuitu personnae et tempori servire et dès lors être soustraite à l'application des marchés publics justifiés par les éléments suivants pour ce qui concerne le partenariat évoqué initié par la commune de Ciney.

    Pour justifier le caractère « intuitu personnae » :

    - les droits fonciers conclus entre le promoteur et les tenants des droits réels sur les parcelles comportent des clauses d'exclusivité et sont bien antérieurs à la volonté de la commune de réaliser ce protocole d'accord;
    - le permis unique pour l'exploitation des éoliennes est lui aussi attribué au Promoteur, conformément à une étude d'incidences. Il n'est donc pas raisonnable ni envisageable de lancer un marché public puisqu'il est nécessaire pour que le protocole d'accord aboutisse qu'un permis soit autorisé et des sites fonciers réservés;
    - l'achat « clé sur porte» d'une éolienne est également lié à des contrats d'exclusivité entre le fabricant, les différents prestataires de services et le promoteur.

    Quant au caractère « tempori servire » :

    - si les contacts entre la commune et le promoteur se déroulent une fois le permis unique accordé, la commune s'adapte donc aux circonstances puisqu'elle ne remet qu'un avis dans la procédure de permis, que plusieurs demandes de permis peuvent être à l'étude avec des phasages différents et qu'il n'est pas possible sur le plan économique d'entreprendre des discussions économiques avec l'ensemble des promoteurs pour des raisons de secret des affaires et de stratégie;
    - c'est un peu le même cas que si la commune achetait un bâtiment clé sur porte à un promoteur immobilier une fois construit;
    - ce caractère est également présent dans la nature des motivations des deux parties, il s'agit d'une volonté commune du promoteur et de la commune de s'associer pour faire aboutir un projet allant dans la droite ligne de la sensibilisation aux changements climatiques;
    - enfin, la volonté du protocole d'accord est née ici alors que le partenaire privé avait déjà investi depuis plusieurs années et, dès lors, il nous semble inadéquat de mettre en place une procédure de marché public puisque les étapes des projets éoliens comportent un taux d'incertitude élevé et une planification à 5 ou 7 ans selon les projets.

    L'avis de Monsieur le Ministre rappelle que le choix d'un partenaire en vue de constituer une société échappe en principe à la réglementation sur les marchés publics puisque le contrat de société est régi, tel que formulé à l'article 1er, alinéa 1er « une société est constituée par un contrat aux termes duquel deux ou plusieurs personnes mettent quelque chose en commun pour exercer une ou plusieurs activités déterminées et dans le but de procurer aux associés un bénéfice patrimonial direct ou indirect».

    Enfin, le partenaire du protocole d'accord impliquant la commune de Ciney n'entrera pas dans le capital de la société créée, puisque le contrat porte sur la cession d'un permis unique et l'exploitation conjointe des éoliennes dans le cadre de la future société à créer. C'est la commune de Ciney qui choisira librement les associés de la société qui exploitera l'éolienne « communale ».

    Compte tenu de tous ces éléments, il nous semble que la présente opération n'entre pas dans le champ des marchés publics, ce sur quoi nous demandons à Monsieur le Ministre de statuer formellement.

    De toutes façons, il serait loisible en vertu du Code des sociétés qu'une commune puisse tout simplement décider de constituer d'abord la société et ensuite d'inviter cette société à conclure un protocole d'accord avec le promoteur pour l'achat d'une éolienne. L'objet de cette société sera en dehors du champ d'application des marchés publics puisque ne correspondant pas à une des conditions de l'article 4, § 2, de la loi du 24 décembre 1993 - cette société n'aura pas été créée pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial - cette société agissant dans un environnement industriel et commercial, elle rie sera pas soumise à la réglementation des marchés en publics.

    Dans la mesure où ce genre de partenariat existe et tend à se multiplier, j'aimerais que Monsieur le Ministre puisse donner, par rapport à ces différentes questions, toutes les garanties juridiques aux communes qui souhaitent s'engager en ce sens.

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    (1) Exposé des motifs du projet de loi, Doc. Parle., Sénat, session 1992-1993, n° 656-1
  • Réponse du 30/06/2010
    • de FURLAN Paul

    La question mérite toute mon attention d'autant plus qu'elle démontre dans le chef de l'honorable Membre une connaissance certaine des problèmes rencontrés dans la matière de l'éolien.

    Si à l'idéal, il serait souhaitable que les pouvoirs locaux aient la main et soient à l'initiative des projets éoliens, la pratique révèle que la réalité est toute autre et qu'elle varie selon le degré d'implication de ces pouvoirs locaux dans la mise en place des projets éoliens.

    En effet, tous les pouvoirs locaux ne souhaitent pas s'investir en amont du projet et le suivre tout au long de sa durée d'exploitation.

    L'honorable Membre le sait certainement, un groupe de travail est en train notamment de faire le point sur cette question dans le cadre de l'actualisation du cadre de référence de l'éolien.

    Une fois les conclusions tirées de ce groupe de travail, j'envisage d'adresser une circulaire à l'attention des pouvoirs locaux reprenant, sinon de manière exhaustive, aussi précisément que possible, l'ensemble des montages juridiques rencontrés à ce jour et envisageables et d'en déterminer les implications sur l'application non seulement de la réglementation sur les marchés publics mais également des règles relatives à la tutelle.

    Pour le surplus, relativement au cas particulier que soulève l'honorable Membre, il comprendra que je ne peux me prononcer officiellement et formellement dans le cadre d'une question écrite sur la validité d'un projet particulier qui nécessite une instruction préalable en bonne et due forme dans le cadre de l'exercice de la tutelle.