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Le sauvetage et la restauration des ruines de l'Abbaye d'Aulne à Thuin

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 427 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 01/07/2010
    • de FASSIAUX-LOOTEN Françoise
    • à LUTGEN Benoît, Ministre des Travaux publics, de l'Agriculture, de la Ruralité, de la Nature, de la Forêt et du Patrimoine

    J'ai découvert avec soulagement récemment dans la presse que les ruines de l'Abbaye d'Aulne à Thuin allaient enfin connaître une restauration d'envergure et une mise en valeur digne de son importance. Je dis « soulagement » en effet puisque ce site abbatial se dégrade inexorablement depuis de nombreuses années, les chutes de pierre étant devenues son quotidien, obligeant les autorités locales à fermer progressivement certaines parties à la visite. Sans travaux de consolidation et de restauration, c'est donc un pan entier de notre patrimoine qui serait appelé à disparaître purement et simplement puisque, faut-il le rappeler, l'abbaye et ses ruines sont classées comme Monument et reprises sur la liste du Patrimoine exceptionnel de Wallonie en tant que Site.

    Je suis donc ravie de voir que la Région wallonne a choisi de reprendre la propriété du site classé pour l'euro symbolique, permettant aux parties en cause dans ce dossier (dont les propriétaires) de sortir d'un imbroglio juridique vieux de plus d'un siècle qui est, selon moi, à l'origine, au moins en partie, de l'état de dégradation catastrophique du site.

    Le projet de restauration envisagé devrait donc s'étaler sur les vingt années à venir et regrouper l'intervention de trois départements de la Région : le tourisme, l'environnement et, bien entendu, le patrimoine. Au terme de ces années de travaux, les ruines seront restaurées mais également mises en valeur sur base d'un schéma de développement touristique qui prévoit divers aménagements destinés à y attirer les quelques 100.000 visiteurs qui gravitent annuellement autour du site, alors que 10% seulement y pénètrent.

    Toutefois, au-delà de la joie suscitée par cette annonce, j'aurais souhaité poser à Monsieur le Ministre quelques questions quant au montage, financier notamment, de ce dossier.

    Tout d'abord, j'aurais souhaité savoir si la reprise de la propriété par la Région wallonne décharge ipso facto la Régie des Bâtiments de ses responsabilités? Celle-ci était en effet responsable de l'entretien des ruines depuis la création de la commission testamentaire en charge la gestion quotidienne du site.

    En ce qui concerne le montage financier du projet, une enveloppe de 20.000.000 euros est dégagée qui incombera au Patrimoine, au Tourisme et au Espaces verts. Monsieur le Ministre peut-il nous dire quelle sera la clé de répartition de cette importante somme entre les trois départements concernés? Ce très vaste projet ne remettra-t-il pas en cause d'autres dossiers, en cours ou à venir, également très coûteux au vu de l'importance des montants cités par rapport au budget global annuel dédié au patrimoine en Wallonie?

    Enfin, il est prévu de créer une structure de gestion quotidienne sous forme d'asbl qui assurera l'animation touristique et la maintenance du site. Dispose-t-il déjà de pistes de financement de cette future structure dans la mesure où celle-ci n'a que peu de chances d'être rentable, voire simplement à l'équilibre?
  • Réponse du 23/07/2010
    • de LUTGEN Benoît

    L'abbaye d'Aulne a été inscrite sur la liste des biens sur lesquels l'Institut du Patrimoine wallon exerce une mission de gestion depuis 1999.

    Or, depuis 1999, aucun signal politique fort n'avait été donné pour sauvegarder ce patrimoine exceptionnel qui se dégrade d'années en années. Ce désinvestissement représentait un danger majeur pour notre mémoire collective.

    Malgré la bonne volonté des acteurs locaux, il était donc indispensable que le Gouvernement wallon prenne ses responsabilités pour donner un avenir à ce site.

    Par ailleurs, il était nécessaire de sortir d'un imbroglio juridique parsemé d'interprétations divergentes sur les droits et les devoirs des signataires d'une convention de 1896 ... elle-même basée sur le « testament mystique de Don Robert Herset » déposé chez un notaire en 1806 et approuvé par un décret impérial de Napoléon.

    En ce qui concerne la responsabilité de la Régie des Bâtiments, il faut signaler que la situation de l'Abbaye d'Aulne est unique.

    Contrairement à toutes les autres propriétés fédérales plus ou moins entretenues par la Régie des Bâtiments, les ruines de l'abbaye n'étaient pas propriété de l'Etat fédéral. Seule une Convention de 1896 liait l'Etat fédéral et l'abbaye d'Aulne. L'abbaye d'Aulne est donc un cas unique.

    Par ailleurs, cette convention n'était pas très explicite en termes d'obligation d'entretien puisqu'elle mentionnait une obligation de conservation. Elle stipulait que l'Etat belge ferait exécuter les travaux qu'il « jugerait nécessaire ».

    Les juristes ont donc émis des avis divergents quant à la responsabilité de la Régie des Bâtiments dans ce dossier.

    Quoiqu'il en soit, le Gouvernement se réserve le droit d'agir, le moment venu, à l'encontre de la Régie des Bâtiments dans le cadre notamment de l'ensemble de la problématique des bâtiments qui sont toujours propriété de la Régie ou qui ont été transférés.

    En ce qui concerne les budgets à prévoir afin de mener à bien les travaux de restauration, d'aménagement et d'équipement touristique, une première estimation a été réalisée par l'Institut du Patrimoine wallon sur base d'une étude de valorisation touristique qui avait été commandée en 2002. Celle-ci est de l'ordre de 20 millions d'euros.

    Il s'agit bien d'une première estimation. J'ai demandé à l'Institut du Patrimoine wallon de réactualiser cette étude mais surtout d'établir un diagnostic précis de l'état sanitaire et de la stabilité d'une série d'éléments comme les ruines de l'église abbatiale ou encore le réfectoire du maigre dont l'état s'est dégradé depuis lors. Les résultats de ces analyses sont attendus pour la fin de cette année. Une vue d'ensemble plus détaillée des investissements à programmer pourra dès lors être dressée.

    L'ensemble de ces travaux fera l'objet d'un phasage sur une dizaine d'années, en agrandissant le rayon de visite au fur et à mesure des phases pour arriver à une accessibilité complète des secteurs concernés par le schéma de développement. Un tel phasage permettra la visite du site pendant la plupart des travaux, ainsi que l'étalement des engagements budgétaires.

    En ce qui concerne la solution juridique que nous avons retenue, nous avons préféré la reprise pure et simple au bail emphytéotique.

    Comme les emphytéoses sont limitées dans le temps, nous aurions en effet perdu le bénéfice des investissements consentis à l'échéance de ce droit.

    Par ailleurs, l'emphytéote ne jouit jamais d'une liberté totale. Par exemple, nous aurions pu nous voir interdire de céder notre droit et ainsi priver la future ASBL de gestion de différentes rentrées financières. II faut en effet savoir que les activités en matière d'Horeca sur le site sont sources de revenus pour les propriétaires du site. Les activités privées sur le site seront maintenues. Les différents baux qui ont été conclus précédemment suivront la reprise.

    La reprise pure et simple a enfin le mérite de clarifier l'imbroglio juridique.

    En ce qui concerne la future gestion future du site, une structure de gestion quotidienne sera indispensable. Celle-ci sera amenée à s'occuper de l'animation touristique, ainsi que de la maintenance du site, cette dernière étant primordiale afin de ne plus laisser se dégrader les ruines. Cette structure devra donc réunir des profils techniques (jardinier, entretien) et administratif ainsi que des profils plus orientés vers la valorisation touristique et la dimension éducative.

    A priori, cette structure aurait un fonctionnement fort comparable à celui d'Espaces Tourisme & Culture qui gère l'Abbaye de Stavelot ou de l'Abbaye de Villers-la-Ville et pourrait donc en reprendre la même forme, soit celle d'ASBL.