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Les conséquences d'une déclaration de superficie incorrecte par un exploitant agricole

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 451 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 16/07/2010
    • de DUPRIEZ Patrick
    • à LUTGEN Benoît, Ministre des Travaux publics, de l'Agriculture, de la Ruralité, de la Nature, de la Forêt et du Patrimoine

    J'ai été informé récemment d'un dossier dont je n'exposerai que brièvement le contenu. Il ne devrait en effet pas être inconnu de Monsieur le Ministre puisque son cabinet en a été saisi dès fin 2009.

    Au départ, il y a une demande de permis unique pour extension d'une exploitation agricole à Hotton par la construction et l'exploitation d'une porcherie industrielle. Le permis, initialement refusé par la commune, a été délivré sur recours par le Ministre Antoine, en février 2009.

    L'étude de ce dossier laisse apparaître plusieurs « erreurs» dans les superficies déclarées pour calculer le taux de liaison au sol de l'exploitation dont des erreurs d'addition manifestes.

    A l'observation attentive, c'est toutefois la déclaration de superficie de l'exploitation elle-même qui semble largement incorrecte.

    Il apparaît ainsi que:

    - des terrains se trouvant sur le domaine de la défense (camp militaire de Marche en Famenne) ont fait l'objet de déclaration par l'exploitant alors qu'il n'y dispose d'aucun droit et n'y a nullement accès. Qui plus est, des primes MAE relatives à ces parcelles ont été obtenues par celui-ci;
    - d'autres surfaces déclarées par l'exploitant sont erronées dans la mesure où elles n'ont fait l'objet d'aucun accord avec les propriétaires des terrains concernés qui sont, soit à l'abandon, soit exploités dans le cadre privé.

    Il apparaît donc clairement que la superficie totale de cultures et de prairies pouvant recevoir les effluents d'élevage qui a été prise en compte pour estimer le taux de liaison au sol dans le cadre de la délivrance du permis a été surévaluée, avec comme conséquence un taux de liaison annoncé nettement plus bas qu'il ne le sera dans la réalité.

    A noter également l'octroi de subsides pour des mesures agro-environnementales également calculés sur ces bases erronées.

    Ce différents éléments et d'autres plus détaillés ont fait l'objet de différents courriers adressés par l'ASBL Pro Arduina Nostra à l'administration de Monsieur le Ministre et à son cabinet.

    Je voudrais vous poser les questions suivantes.

    1° Une enquête a-t-elle été menée par l'administration de Monsieur le Ministre afin de vérifier l'exactitude de la déclaration de superficies de cette exploitation à Hotton ? Le cas échéant, quels en sont les résultats?

    2° Il semblerait qu'aucun justificatif ne soit demandé aux fermiers pour étayer leurs droits à déclarer des superficies? Quelles vérifications sont-elles réalisées par l'administration de Monsieur le Ministre au sujet des déclarations de superficies rentrées par les agriculteurs ?

    3° Est-il admissible que des agriculteurs puissent déclarer, sans contrôle apparent, d'importantes superficies sans pouvoir y épandre le moindre lisier et, néanmoins, les faire entrer dans leur calcul de taux liaison au sol? A titre d'exemple, si les terrains militaires ne peuvent faire l'objet d'aucun épandage de lisier, pourquoi ces parcelles entrent-elles dans le calcul du taux de liaison au sol de cette porcherie?

    4° Quelles sont les conséquences pour un agriculteur d'une déclaration manifestement fausse? Quelle attitude adopte l'administration dans pareil cas?

    5° Que se passe-t-il si ces déclarations de superficies erronées ont donné lieu à des subsides ou à des aides financières? Le préjudice pour la collectivité (aides indûment versées: MAE, DPU, aide à l'investissement, ... ), ne justifie-t-il pas une demande de remboursement de la Région wallonne? Dans le cas qui nous occupe, outre les DPU et les MAE ainsi que le fait qu'un permis unique ait été octroyé sur base d'un taux de liaison au sol incorrect, des subsides à l'investissement ont été accessibles à cet exploitant grâce à ce taux considéré comme condition favorable.

    6° Quelles peuvent être les conséquences juridiques pour un permis unique dont il serait prouvé qu'il aurait été accordé sur base d'informations erronées, voire mensongères?

    7° Enfin, les citoyens qui interpellent l'administration ou Monsieur le Ministre au sujet des déclarations de superficie concernant une exploitation agricole, voire concernant leur propre propriété, alors qu'ils ne sont pas agriculteur, peuvent-ils s'attendre à une réponse argumentée et précise de l'administration ?

    Monsieur le Ministre a été interpellé il y a plusieurs mois au sujet de ce dossier. Quelle a été sa réaction à ce sujet?
  • Réponse du 08/09/2010
    • de LUTGEN Benoît

    1.L'administration a en effet mené une enquête, dans les limites des pouvoirs d'enquête conférés aux contrôleurs de l'activité agricole du Département de la Police et des Contrôles de la Direction générale de l'Agriculture, des Ressources naturelles et de l'Environnement du Service public de Wallonie. Ces pouvoirs d'enquête, ainsi que les contrôles, sont réalisés en exécution des dispositions de la partie II, titre III, art. 26 à 46 du règlement (CE) N° 112/2009 de la Commission. Les contrôles sont de deux ordres: administratifs (100% des producteurs agricoles déclarants font l'objet d'un contrôle administratif) et sur place (contrôle réalisé sur un échantillon représentatif et aléatoire de 5% des producteurs agricoles qui introduisent une déclaration de superficie). Un des buts de ces contrôles est de s'assurer qu'une même parcelle n'est pas déclarée plusieurs fois par différents producteurs.

    A noter également que les activités de l'administration sont régulièrement contrôlées par différentes instances: cellule d'audit interne, organisme de certification des comptes, audit externe de l'Union européenne, Cour des comptes belge, Cour des comptes européenne.
    L'exploitation faisant l'objet de la question parlementaire a fait l'objet d'un contrôle administratif, ainsi que d'un contrôle sur place.

    2.L'administration, en vertu de la Réglementation européenne, prend uniquement en compte l'exploitant de la parcelle déclarée pour une année déterminée, peu importe le titre de son occupation (propriétaire, locataire fermier, contrat de culture, usufruitier, ... ), qu'il ne doit pas mentionner ni justifier sauf si une nécessité particulière l'exigeait. Tel sera le cas, par exemple, lorsqu'une même parcelle est reprise dans deux déclarations de superficie.

    3.Concernant le taux de liaison au sol, le Département des Aides transmet, après avoir effectué les contrôles décrits au point 1, au Département du Sol et des déchets, les données relatives à la détention des animaux, ainsi qu'à la superficie déclarée par le producteur. La distinction pour les superficies concerne uniquement leur localisation ou non en zone vulnérable, ainsi que la distinction prairie/culture. Les taux de liaison officiels sont ensuite mis à disposition du département des Aides par le Département du Sol et des Déchets qui relève de l'autorité du Ministre qui a l'environnement dans ses attributions.

    4.Les règlements 796/2004, 73/2009 et 1122/2009 de la Commission prévoient des réductions des aides selon certains critères (fraude, caractère intentionnel, pourcentage de superficie incorrect sur l'ensemble déclaré, répétition, retard(s), ... ), voire des exclusions en cas de récidives ou de non-conformité intentionnelle.

    5.Conformément aux dispositions des règlements CE 769/2004 et 1975/2006, une procédure existe pour recouvrir les paiements indus.

    6.Pour la seconde sous-question du point 5 et la question 6, j'invite l'honorable Membre à interroger le Ministre en charge de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

    7.Les citoyens qui interpellent l'administration ou le Ministre au sujet des déclarations de superficie reçoivent une réponse précise de l'administration, dans les limites de la loi du 8 décembre 1992, dite "loi vie privée". La déclaration de superficie, tout comme la déclaration fiscale annuelle de tout citoyen, est un document non consultable, au contraire des différentes primes payées annuellement, consultables sur le site « belpa.be ».
    Si un citoyen estime devoir contester la légitimité d'une éventuelle occupation de terrain, il lui appartient d'abord de le faire auprès du prétendu occupant. Il s'agit d'un conflit privé relevant, le cas échéant, des cours et tribunaux. A l'issue de cette procédure, l'administration pourra éventuellement être amenée à revoir l'une ou l'autre de ses décisions antérieures, y compris en assortissant la nouvelle décision de pénalités forfaitaires.