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L'état des relations de la Wallonie avec le Grand-Duché du Luxembourg

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 104 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 23/07/2010
    • de FOURNY Dimitri
    • à DEMOTTE Rudy, Ministre-Président du Gouvernement wallon

    On l’oublie peut-être parfois, mais le Grand-Duché du Luxembourg, même s’il est un petit pays à l’échelle du monde, est un partenaire important pour la Wallonie et une source considérable d’emplois et de revenus pour un grand nombre de Wallonnes et de Wallons. En effet, ce sont près de 35.000 Wallons qui traversent chaque jour la frontière pour aller travailler au Grand-Duché. Il est donc évident qu’un véritable marché de l’emploi transfrontalier existe bien entre la Belgique et le Luxembourg et plus particulièrement entre la province du Luxembourg belge et le Grand-Duché de Luxembourg.

    Dans ce contexte, tant les intérêts économiques bien compris de la Région wallonne que la défense des droits et intérêts de nos concitoyens transfrontaliers demandent à mon sens que la Wallonie se préoccupe de la manière la plus optimale possible de ce phénomène.

    En effet, de nombreuses problématiques existent et compliquent souvent la vie de ces travailleurs transfrontaliers, soumis parfois à des décisions quelque peu « unilatérales » du Grand-Duché, que ce soit en matière du droit du travail, de statut professionnel, d’avantages sociaux, d’allocations familiales, d’octroi de bourses ou de stages, de fiscalité, etc. Certes, des syndicats ou des regroupements professionnels se battent pour défendre les intérêts de leurs membres. Mais il me semble que dans ce cadre international (et alors que le niveau fédéral se sent peut-être moins concerné par un phénomène qui ne concerne que des Wallons), l’implication active de la Région est indispensable pour résoudre au mieux les diverses questions qui peuvent se poser et pour ne pas « abandonner » ces travailleurs en les laissant « seuls » face aux décisions luxembourgeoises.

    Bien sûr, le Grand-Duché est un État indépendant libre de ses choix. Néanmoins, la Région dispose d’une série de moyens pour dialoguer avec les autorités grand-ducales afin de défendre nos concitoyens. Il y a évidemment les relations bilatérales classiques : un accord de coopération entre la Communauté française et la Région wallonne, d’une part, et le Luxembourg, d’autre part, existe d’ailleurs depuis 1999, avec une commission mixte permanente. Il y a aussi la diplomatie multilatérale, dans le cadre de la Grande Région (Sarre, Luxembourg, Rhénanie-Palatinat, Wallonie et Communauté française de Belgique) ; dans le cadre du Benelux ; ou même à l’intérieur de l’Union européenne.

    Dès lors, Monsieur le Ministre-Président peut-il me faire un état des lieux général de nos relations avec le Grand-Duché ? Quelle en est la nature ? Quelle est la fréquence de nos contacts bilatéraux avec les autorités luxembourgeoises ? Comment y représentons-nous les intérêts des travailleurs transfrontaliers ? Quels sont les sujets de discussion en cours ? Quelles sont les problématiques qui posent davantage de difficultés ? Comment la Région négocie-t-elle avec le Grand-Duché, et selon quel agenda ? Considère-t-il que nous devrions développer des relations plus poussées qu’elles ne le sont aujourd’hui ? Que peut-on faire pour améliorer ces contacts et mieux prendre en compte les difficultés vécues par les travailleurs transfrontaliers ?

    Plus globalement, quelle évaluation fait-il de l’application de l’accord de coopération de 1999 ? Celui-ci a-t-il été mis en œuvre de manière proactive ? A-t-il permis une intensification de nos relations ? Dix ans plus tard, devrait-il être révisé, corrigé, approfondi ? Qu’en est-il des actions au sein des enceintes multilatérales comme la Grande Région et le Benelux : en est-il satisfait ? Pourraient-elles être plus ou mieux développées ? Ce type de diplomatie a-t-il pu –peut-il– nous permettre d’avancer dans la défense des travailleurs transfrontaliers et le règlement des questions qui posent problème ?

    Enfin, certains points restent du ressort exclusif des autorités fédérales, en particulier les diverses conventions fiscales entre les deux pays. Néanmoins, la Région wallonne dispose à nouveau de canaux multiples pour se faire entendre du Gouvernement fédéral. Dans ce contexte, quelles interventions la Région peut-elle mener à bien vis-à-vis du Fédéral afin de défendre les intérêts des travailleurs transfrontaliers et de leurs familles ? Monsieur le Ministre-Président a-t-il pu faire entendre les préoccupations wallonnes sur ces matières auprès du Gouvernement fédéral ?
  • Réponse du 23/07/2010
    • de DEMOTTE Rudy

    Compte tenu de son histoire et de la relative exiguïté de son territoire, la Wallonie a vocation à vivre en relation permanente avec l'extérieur. Et il est effectivement essentiel que notre Région développe une coopération intense avec ses voisins.

    Ainsi, comme l'honorable Membre ne peut l'ignorer, je me suis personnellement investi dans le développement d'une Eurométropole Lille­Kortrijk-Tournai, y voyant un facteur de développement économique et social pour nos populations. De la même manière, j'attache tout naturellement une grande importance à la mise en place d'un partenariat privilégié avec le Grand-Duché du Luxembourg.

    Dans l'état actuel des choses, la coopération avec le ce pays passe essentiellement au travers des programmes transfrontaliers et, en particulier, au sein de la Grande Région. Voici 15 ans maintenant que celle-ci offre un cadre à notre coopération avec le Grand-Duché. Concrètement, les exécutifs politiques se réunissent en Sommet tous les 18 mois (ce sera tous les deux ans, à partir de l'an prochain). Dans l'intervalle, la coopération est constamment animée par un collège des représentants qui se réunit régulièrement (tous les 2 mois environ) et par des groupes de travail thématiques. Ces groupes traitent, notamment, des questions économiques, de l'enseignement, de la promotion internationale des entreprises ou encore des offices statistiques.

    Concernant plus spécifiquement la problématique des travailleurs frontaliers, il convient de noter que ceux-ci ont à leur disposition deux « EURES transfrontaliers »,c'est-à-dire deux services européens de l'emploi. Il s'agit de :
    l'EURES transfrontalier SLLR qui concerne la Sarre, la Lorraine, la Rhénanie-Palatinat et le Grand-Duché de Luxembourg
    - et de l'EURES- Transfrontalier PED qui concerne la Lorraine, le Grand-Duché de Luxembourg et la province wallonne de Luxembourg.

    Ces EURES transfrontaliers offrent un maximum d'informations pratiques sur les conditions de vie et de travail dans les régions partenaires. Ils permettent aussi d'accéder à des formations professionnelles transfrontalières.

    Par ailleurs, des coopérations syndicales s'occupent également de cette problématique.
    Je pense ici à :
    - la Plate-forme syndicale de la Grande Région (PSGR);
    - au Conseil Syndical Interrégional;
    - et à l'Inter-régionale Syndicale des Trois Frontières.

    De plus, le Comité Economique et Social de la Grande Région (CESGR) - c'est-à-dire l'organe consultatif à vocation socio-économique du Sommet de la Grande Région - contribue au dialogue social en se référant aux recommandations et expériences des partenaires. Il a pour mission de traiter - sous forme d'avis ou de résolution - les problèmes inhérents au développement économique, social, culturel et à l'aménagement du territoire de la Grande Région.

    Je peux également indiquer à l'honorable Membre que le 11ème Sommet de la Grande Région (qui s'est déroulé à Senningen, en juillet 2009) s'est prononcé pour le dépôt d'un projet « Interreg » visant à créer une Task Force des Travailleurs Frontaliers. Cette Task Force s'attachera, notamment, aux problèmes engendrés par les différentes réglementations juridiques, fiscales et administratives en vigueur dans les pays concernés. Il est clair que, lors de l'élaboration de ce projet, nous soutiendrons la prise en compte de la problématique des frontaliers entre la Wallonie et le Luxembourg.

    Enfin, il convient d'ajouter à ces éléments l'enveloppe du programme de coopération territoriale « Interreg IVa Grande Région » consacrée à la thématique de l'emploi. Un des trois axes de ce programme est entièrement dédié à la thématique économique. Il porte sur un montant de 92 millions d'euros ... Et une de ses mesures phares est, justement, le soutien au développement de l'emploi dans un contexte transfrontalier. Dans ce cadre, un ciblage géographique sur l'entité Wallonie-Lorraine-Luxembourg a été formalisé par le biais d'une convention de partenariat entre autorités partenaires.

    Je rappelle également à l'honorable Membre que le Grand-Duché de Luxembourg est partenaire de la Wallonie et de Bruxelles - comme d'ailleurs de la France - au sein du Plan d'action l'Organisation internationale de la Francophonie, pour le français dans les institutions européennes. Chaque année de nouveaux mémorandums sont signés avec des pays partenaires et des actions de formation linguistique de fonctionnaires et de diplomates européens sont menées dans ce cadre.

    Concernant l'accord de coopération signé, le 6 mai 1999, entre la Wallonie, la Communauté française et le Grand-Duché de Luxembourg. Celui-ci prévoit notamment la mise en place d'une commission mixte chargée de discuter et de tenter de résoudre les problèmes bilatéraux.

    Il convient, tout d'abord, d'indiquer que les autorités luxembourgeoises ont attendu plus de cinq ans pour ratifier cet accord (par la loi du 25 juin 2004). Et il faut constater, ensuite, que jusqu'à juillet 2009, les autorités luxembourgeoises n'ont pas estimé utile de demander la convocation d'une commission mixte. Ce n'est pas forcément le signe d'un manque d'intérêt. On peut même comprendre ce choix dans la mesure où des rencontres bilatérales ont régulièrement été organisées au niveau politique et que celles-ci ont généralement permis de résoudre nos problèmes spécifiques.

    Aujourd'hui, si nous devions organiser une commission mixte, il est à craindre que cette structure n'alourdisse inutilement notre travail et que des problématiques particulièrement complexes (comme la mobilité des étudiants ou l'aménagement du territoire) ne soient abordées de manière trop technocratique.

    D'une manière générale, la mise en place de structures formelles et parfois rigides, n'offre pas toujours un cadre idéal pour développer une coopération empreinte à la fois de souplesse et d'efficacité. Ce que nous visons tout particulièrement avec le Grand-Duché de Luxembourg.

    Voilà pourquoi, je préconise de travailler sur la base de projets concrets en réunissant autour d'eux les personnes les plus à même d'apporter des solutions aux problèmes qui pourraient se poser. C'est d'ailleurs l'offre que j'ai faite à l'Ambassadeur du Grand-Duché de Luxembourg, en proposant, par exemple, l'organisation d'une séance commune des Gouvernements du Grand-Duché et de la Wallonie. J'espère que ce projet pourra être mené à bien pour apporter une impulsion supplémentaire à une coopération qui marque concrètement son importance dans quantité de domaines.