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Le travail saisonnier

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 341 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 06/08/2010
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à ANTOINE André, Ministre du Budget, des Finances, de l'Emploi, de la Formation et des Sports

    Le journal De Morgen du 2 août précise que la moitié des travailleurs saisonniers dans l'agriculture et le jardinage, en Belgique, soit 20.000 sur 45.000 emplois, sont originaires d'Europe Centrale et de l'Est. La part des travailleurs temporaires venant de l'étranger augmenterait d'année en année.

    Monsieur le Ministre confirme-t-il ces chiffres pour la Wallonie et quelle est l'évolution des statistiques sur les cinq dernières années?

    Comment justifier l'absence de main d'oeuvre intérim disponible, alors que le taux des demandeurs d'emploi atteint des hauteurs rarement inégalées?

    Comment sont traitées, au sein du FOREM, l'offre et la demande en main d'oeuvre saisonnière? Des demandeurs d'emploi sont-ils directement contactés par les services du FOREM? Les refus sont-ils élevés? Quelles suite est réservée aux refus soulevés?

    Est-ce exact, comme le souligne le journal De Morgen, que « les cueilleurs de fruits d'Europe de l'Est sont prêts à retrousser leurs manches, ce que beaucoup de demandeurs d'emploi belges refusent »? Comment modifier et faire évoluer les mentalités?
  • Réponse du 07/10/2010 | Annexe [PDF]
    • de ANTOINE André

    Cette question évoque les chiffres du journal De Morgen. Le journaliste citait, en l'occurrence, le Boerenbond comme source.

    Une recherche avancée sur Internet a permis d'avoir accès à une étude publiée en 2008 par l'OCDE, publication qui porte sur toute l'Europe : gérer les migrations de travailleurs peu qualifiés, OCDE, 2008. Ce qui en ressort dans un extrait (p 145) :
    « ... Certains des secteurs connaissant déjà des pénuries de main-d'œuvre font appel à des immigrés peu qualifiés. La faible mobilité de la population active locale et sa réticence à exercer des emplois mal rémunérés, pénibles et dévalorisés socialement font qu'il est difficile de pourvoir les postes. Dans l'agriculture, il est difficile d'attirer des travailleurs nés dans le pays en raison des faibles niveaux de salaire, du lieu où s'exerce l'activité et des conditions de travail ainsi que du caractère saisonnier de la plupart des emplois dans ce secteur ».


    Quelques articles de presse qui touchaient à la venue de main-d'œuvre polonaise soulignaient également que « ... Les polonais viennent en Belgique car, pour un même travail, ils toucheraient 350 euros net par mois. En Belgique, ils peuvent prester jusqu'à 55 heures par semaine officiellement et s'orientent vers ce type de travail, car un logement est généralement proposé ».


    Une autre étude sur les « Nouvelles migrations et nouveaux migrants en Belgique » fait apparaître que l'agriculture européenne connaît une importante compétition internationale, exigeant, par conséquent, que les coûts générés par la production restent au plus bas.

    En outre, compte tenu des récoltes, de la maturation des fruits ou encore des pics dans la production, une grande flexibilité est demandée de la part des travailleurs. Cette situation génère une multiplication de statuts parmi les travailleurs saisonniers qui permet à l'employeur une souplesse plus importante dans l'organisation du travail et une baisse des coûts dans la production, mais diminue en même temps la protection et la garantie de certains travailleurs. Il existe ainsi une segmentation de statuts différents qui peut expliquer pourquoi certains types d'emploi restent vacants alors que le marché de l'emploi connaît un taux de chômage important.

    Soulignons également ici que l'usage des travailleurs saisonniers est plus élevé en Flandre qu'en Wallonie et anecdotique en Région bruxelloise et sur le territoire germanophone.



    Quelques éléments d'éclairage sur la question de l'engagement de travailleurs étrangers dans le cadre du travail saisonnier

    Cette dernière étude différencie plusieurs profils de travailleurs :
    - les travailleurs saisonniers en provenance des nouveaux pays adhérents à l'Union européenne : ces travailleurs saisonniers bénéficient soit de l'obtention d'un permis de travail, soit d'un détachement de travailleurs. L'avantage pour ces personnes provient du différentiel de pouvoir d'achat entre la Belgique et leur pays où les salaires sont suffisamment bas pour accepter ces conditions de travail.
    - les primo-arrivants : ces personnes sont trop peu intégrées dans la société pour accéder à d'autres types d'emploi. Le travail saisonnier leur permet donc de travailler dans un secteur dans lequel l'absence de qualification et la méconnaissance de la langue nationale ont peu d'importance. Ils accèdent souvent à ces emplois via les réseaux sociaux.
    - les Belges d'origine étrangère peu intégrés à la culture locale : ce type de population est généralement installée en Belgique depuis un certains temps, mais sans s'être intégrée à la culture locale. Ces personnes parlent peu ou mal la langue nationale et contournent donc cette difficulté en travaillant dans ce secteur.
    - les travailleurs du week-end : il s'agit ici très souvent de Belges d'origine immigrée qui prennent ces emplois en marge d'une autre occupation habituelle.
    - les jeunes Belges demandeurs d'emploi : ce dernier profil est constitué de jeunes Belges au sortir de leurs études. Agés d'une vingtaine d'années, ils vivent en général encore chez leurs parents, sont célibataires. Face aux difficultés de trouver un emploi, ce type de secteur leur permet de gagner un peu d'argent.


    Toujours selon cette étude, le détachement des travailleurs dans le cadre de la libre circulation des services en est venu à occuper une place importante dans l'agriculture. « Cette réglementation permet à toute société européenne d'envoyer ses employés travailler dans un autre pays de l'Union européenne. Si le travailleur est soumis à la législation du travail du pays dans lequel est effectué le travail, les charges sociales sont, quant à elles, payées dans le pays où est basée la société. »

    Le détachement de travailleurs s'explique alors d'autant plus lorsque les charges sociales d'un pays sont « particulièrement basses » et, par conséquent, le détachement de travailleurs dans ces secteurs d'activité concerne essentiellement des ressortissants des pays d'Europe de l'Est, principalement la Pologne et la Roumanie.

    Outre le détachement de travailleurs étrangers, cette étude met aussi en exergue le concept de migration circulaire dans le cadre du travail saisonnier. « Le travail saisonnier étant limité dans le temps, il induit une mobilité qui peut prendre la forme d'allers-retours entre le pays d'origine et le lieu de travail. Cette migration circulaire peut également prendre la forme d'une circulation entre différents lieux afin d'effectuer des tâches saisonnières au gré des différents cycles agricoles. »

    L'étude porte également sur les motifs qui poussent certains travailleurs saisonniers à venir travailler en Belgique dans ce secteur. Dans la plupart des cas, l'emploi à l'étranger n'est envisagé que comme une activité complémentaire à celle menée dans le pays d'origine ou permet à des jeunes étudiants de profiter des vacances d'été de leur université pour venir gagner de l'argent de poche.

    L'étude met également en évidence l'existence d'un réseau migratoire entre la Pologne et l'une ou l'autre exploitation horticole en Belgique. Ainsi, parmi les travailleurs polonais, une partie était employée via un permis de travail et l'autre via le détachement de travailleurs. Compte tenu également qu'en Wallonie - contrairement à la Flandre, le travail saisonnier n'a pas été repris sur la liste des métiers en pénurie, le processus d'octroi d'un permis de travail dure 6 semaines. La procédure liée au détachement de travailleur étant plus rapide, il est probable que cette tendance soit de plus en plus privilégiée.

    Notons que depuis le 1er mai 2009, les ressortissants polonais sont, dans tous les cas, dispensés de permis de travail. Pour l'Union européenne, seuls les ressortissants roumains et bulgares y restent soumis jusqu'au 31 décembre 2011.

    Ces différents éléments d'informations permettent ainsi d'éclairer différemment la question de l'engagement de travailleurs saisonniers étrangers et non pas de demandeurs d'emploi belges.



    Demandes de main-d'œuvre saisonnière du Forem

    Le 07 avril 2010, l'équipe mixte VDAB-FOREM, constituée en vue de faciliter l'insertion de demandeurs d'emploi wallons dans des entreprises installées en Région flamande, a organisé à Saint-Trond un jobdating ayant pour thème le recrutement d'ouvriers saisonniers affectés à la cueillette des fruits.

    32 entreprises actives dans ce secteur avaient annoncé leur participation; 19 étaient présentes.

    Cette action a permis de mettre 320 demandeurs d'emploi wallons (et 80 néerlandophones) en relation avec les employeurs en recherche de main-d'œuvre, en vue de pouvoir être engagés pour la récolte des fruits doux (fruits de printemps et d'été).

    Pour la saison 2009, les actions menées par l'équipe mixte ont permis à des Wallons inscrits au Forem de conclure 104 contrats de travail pour la cueillette des fruits doux et 223 contrats pour la cueillette de fruits durs.

    En août 2010, des producteurs flamands ont décidé, via le Forem, de faire appel aux Wallons pour cueillir des fruits. En une matinée, 500 cueilleurs ont été engagés par les fruiticulteurs limbourgeois. Une prochaine campagne de recrutement va se mettre à nouveau en place à Saint-Trond pour en recruter à nouveau.



    Traitement des offres de travail saisonnier au FOREM et transmission de ces J2[Q.P-ositions de travail aux demandeurs d'emploi wallons (voir tableau en annexe intitulé « Nombre de postes saisonniers sur offres hors Mobilité interrégionale »).

    Ce tableau (intitulé « Nombre de postes saisonniers sur offres hors Mobilité interrégionale ») donne le volume annuel des postes traités par le Forem au niveau du travail saisonnier, hors et dans le cadre de la Mobilité interrégionale. Ainsi que déjà précisé au point 1, le travail saisonnier fait l'objet d'un processus de recrutement essentiellement lié à l'obtention d'un permis B et du détachement de travailleurs étrangers. Ceci explique que le Forem ne soit pas très sollicité pour ce type d'offres.

    De manière générale, les offres d'emploi communiquées au Forem font l'objet d'une transmission individuelle aux demandeurs d'emploi et/ou de séances d'information. En ce qui concerne la réactivité des demandeurs d'emploi pour ce type d'offres, nous soulignerons le succès remporté au niveau des fruiticulteurs limbourgeois dans le cadre de la campagne de recrutement de travailleurs wallons ce mois d'août 2010.



    Statistiques wallonnes

    Mon administration ne dispose pas de chiffres quant à la répartition de cette activité sur le territoire national mais il ressort de données recueillies par nos collègues du Nord que la Flandre serait concernée par 80 à 90% de l'ensemble de l'occupation horticole saisonnière de Belgique.

    En Wallonie, le nombre de travailleurs saisonniers étrangers identifiés par mon administration dans le cadre de demandes de permis de travail, reste limité.

    En effet, la plupart des personnes concernées apparaissent vraisemblablement se trouver dans un des cas suivants :
    - Travailleurs dispensés de permis de travail: de nombreux cas de dispenses figurent dans la réglementation et de nombreuses personnes effectuant cette activité sont dispensées sur base soit de leur séjour illimité, soit de leur nationalité (citoyen de l'Union européenne), ou soit encore de leur situation familiale (conjoint de citoyen de l'Union européenne);
    - Travailleurs sous permis de travail de type C. Le permis de travail de type C est un permis de travail délivré au travailleur sur base de sa situation de séjour temporaire légal. Le travailleur ne doit pas déclarer à l'Administration ses mises au travail, et ne communique donc pas son secteur d'occupation.

    Permis B délivrés en Wallonie pour des activités dans les secteurs de l'horticulture, de l'agriculture et de la sylviculture (voir tableau en annexe).



    Autres éléments chiffrés

    Depuis l'adhésion à l'Union européenne des pays de l'Europe de l'Est, on constate une vague d'immigration en Belgique venue essentiellement de Pologne et de Roumanie.

    Globalement, elle se traduit dans le nombre de permis de travail B délivrés en 2007 en Belgique: La Pologne occupe la première place du classement avec 12.820 permis de travail B délivrés, loin devant la Roumanie qui, avec 2.863 permis B délivrés, occupe la deuxième place.

    « ... Le nombre de premiers permis délivrés a donc fortement progressé depuis 2004 mais il faut remarquer qu'une grande partie de cette augmentation résulte du nombre important de permis B délivrés aux travailleurs ressortissants des nouveaux états membres dans le cadre de la procédure accélérée pour certaines fonctions critiques. Une grande partie de ces permis ont été demandés et délivrés en Flandre: en 2007,15.454 premiers permis (et 9.793 renouvellements de permis) ont été délivrés en Flandre rien que pour les fonctions critiques. 16.426 de ces permis (premiers permis et renouvellements) concernaient des travailleurs saisonniers dans le secteur horticole. »