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La chasse aux fuites d'eau

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 858 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 20/09/2010
    • de STOFFELS Edmund
    • à HENRY Philippe, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité

    Lors d’un dernier conseil communal à Amel ; le Bourgmestre évoque le problème de la fuite d’eau. Précisant que la situation s’améliore d’année en année suite aux investissement dans le réseau de distribution, il informe qu’environ 25 % des eaux destinées à la consommation seraient perdues pendant la distribution.

    C’est un chiffre effrayant tant du point de vue de la protection des nappes que du point de vue du consommateur – car, en effet, la fuite d’un quart des volumes d’eau lui sera également facturée, la politique suivant une logique de coût vérité incluant donc tant l’eau effectivement consommée que l’eau perdue en cours de route.

    Il précise en outre que dans les communes voisines, la situation serait comparable à celle de sa commune.

    Je me pose donc la question de savoirs’il s’agit d’un phénomène généralisé. Et de ce qu’il y a lieu de faire pour réduire autant que possible et aussi vite que l’on le peut les fuites d’eau.

    Puis-je demander à Monsieur le Ministre comment la situation se présente sur l’ensemble des commune wallonnes ? Qu’est-ce que cela représente en termes de volumes d’eau perdues ?

    Quelle en est l’explication ? Est-ce dû à l’âge du réseau de distribution ? A des défauts en ce qui concerne la pression nécessaire de l’eau ?

    Constate-t-on, comme à Amblève, une amélioration de la situation ? Amélioration lente ou rapide ? Quels sont les besoins en investissement pour remédier à ce problème ?

    Quel en est l’impact exact sur le plan du coût par m³ ?
  • Réponse du 08/11/2010
    • de HENRY Philippe

    Le rendement (rapport entre les volumes d'eau mis à disposition du réseau et ceux effectivement facturés aux clients) moyen du réseau de distribution proprement dit de la Wallonie est, pour une année climatique normale, de l'ordre de 70 à 75 %. Cela signifie que 25 à 30 % (environ 60 à 70 millions m3) de l'eau mise à disposition des réseaux ne sont pas facturés aux clients. Il ne s'agit pas pour autant uniquement de fuites sur les réseaux.

    Ces volumes non facturés se déclinent en diverses utilisations non comptabilisées comme l'eau prélevée par les services d'incendie, la protection civile ou les services des voiries des villes et communes pour curer les égouts ou nettoyer les voiries, l'eau utilisée par les distributeurs eux-mêmes pour nettoyer les châteaux d'eau et les réservoirs ou pour les purges du réseau nécessaires pour préserver la qualité de l'eau et celle destinée au rinçage des canalisations après travaux ou préalablement à la mise en service des nouvelles conduites. A tout cela, il faut ajouter les volumes non facturés « parasites» qui résultent de détournements frauduleux comme des branchements clandestins, des piquages avant compteur, des falsifications de compteurs ou encore des utilisations illégales des bouches et des bornes d'incendie ainsi que, même s'ils sont étalonnés et remplacés régulièrement, les erreurs de mesure, voire parfois le blocage, des compteurs des clients. Il ne faut pas oublier les cas réguliers de canalisations arrachées lors de travaux ou ceux plus rares d'accidents d'exploitation comme des débordements d'ouvrages tels que réservoirs ou châteaux d'eau.

    Enfin, pour le reste, il s'agit de fuites dans les réseaux de distribution consécutives à des ruptures de canalisations ou à la détérioration des joints, par exemple. À l'heure actuelle, il est encore difficile de chiffrer l'importance relative de chacun des postes. Les spécialistes s'accordent pour dire que 40 à 50 % des volumes non enregistrés sont dus à des fuites. L'extrapolation à l'entièreté de la Région wallonne conduit à une estimation du volume total annuel de fuites de 30 à 35 millions m3.

    Les principales causes susceptibles de provoquer une dégradation ou une rupture des canalisations sont:
    - la corrosion intérieure des conduites métalliques;
    - la qualité de l'eau véhiculée (acidité qui accélère la corrosion intérieure);
    - les vibrations dues au charroi proportionnelles au poids et à la fréquence de ce dernier;
    - les caractéristiques du sol (résistivité-humidité, agressivité, présence d'argile, fluctuation de niveau de la nappe phréatique);
    - la pression dans la conduite (ampleur et fréquence de la variation de pression qui accélèrent le vieillissement de la canalisation);
    - le gel et les périodes de forte sécheresse (alternance gel/dégel ou assèchement du sol qui provoque des mouvements de sol);
    - les « agressions » subies lors de travaux à proximité des conduites.

    Ces multiples facteurs peuvent se combiner et avoir une importance relative variable selon la localisation pour expliquer l'accélération de la dégradation du réseau de canalisations. L'âge des réseaux ne constitue pas en soi un critère pertinent pour apprécier de la vétusté des conduites et pour justifier leur renouvellement. L'âge est tout au plus un facteur de présomption de la nécessité de renouveler.

    L'amélioration continue du réseau de distribution est de l'intérêt et à charge de chaque fournisseur d'eau. Elle est bien entendu déjà répercutée dans le coût vérité à la distribution (CVD). Ainsi, des actions quotidiennes s'articulent autour de quatre axes pour guider la politique de lutte contre l'eau non comptabilisée: CONTROLER - DETECTER - LOCALISER - REPARER.

    Tous les distributeurs disposent de systèmes plus ou moins élaborés pour le contrôle de leurs réseaux et d'équipes spécialisées pour la recherche de fuites qui sillonnent en permanence les milliers de kilomètres de conduites qu'ils ont à gérer avec l'objectif d'optimiser les performances des réseaux. A elle seule, la SWDE gère quelque 36.000 km de conduites-mères et de raccordement. Par ailleurs, les distributeurs recourent également aux travaux de renouvellement des canalisations pour améliorer le rendement des réseaux. Ils appliquent en effet une politique active en matière de renouvellement raisonné de leurs canalisations basée sur l'analyse des dysfonctionnements et des facteurs de désordre sur les réseaux.

    Le rendement n'est certainement pas le seul indicateur permettant d'évaluer les performances d'un réseau, il existe une série d'autres paramètres complémentaires à analyser en parallèle pour évaluer ces performances comme, par exemple, l'indice linéaire des pertes. Il représente les volumes d'eau perdus par jour et par km de conduites. Il permet d'obtenir un élément de diagnostic indépendant du niveau de consommation des clients.

    Pour la SWDE, le poids de l'amortissement des investissements dans le CVD s'élevait en 2009 à 19, 85 %, soit quelque 0,397 €/m3. En ce qui concerne le plan d'investissement, 140 millions d'euros sont prévus par les trois principaux opérateurs wallons de production et de distribution d'eau pour 2010. À elle seule, la Société wallonne des eaux investit près de 100 millions d'euros par an dans l'amélioration et le renouvellement des ses installations dont 60 millions rien que les conduites de ses réseaux de distribution. Le taux courant de renouvellement des canalisations est d'environ 1 % du linéaire des conduites existantes et s'inscrit dans la moyenne européenne. Il en découle que la durée de vie d'un réseau de distribution d'eau est de l'ordre de 100 ans.

    L'objectif d'utilisation rationnelle de la ressource en eau, réaffirmé dans la Déclaration de politique régionale, vise donc à orienter les investissements toujours conséquents à consentir par le secteur vers la promotion de la qualité incontestable de l'eau distribuée en Wallonie et l'entretien d'un réseau de distribution sain, durable et sécurisé.

    Si le rendement à 100 % d'un réseau de distribution d'eau est bien une utopie, la Wallonie n'a pas à rougir des performances globales de ses réseaux de distribution d'eau, de la qualité technique de ses distributeurs 'et producteurs d'eau et de leur dynamique en matière de renouvellement des canalisations.