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La perte des allocations familiales pour les frontaliers belges non résidents du Grand-Duché du Luxembourg

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 123 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 20/09/2010
    • de FOURNY Dimitri
    • à DEMOTTE Rudy, Ministre-Président du Gouvernement wallon
    À partir du 1er octobre prochain, une nouvelle loi grand-ducale supprimera, pour tous les travailleurs luxembourgeois, les allocations familiales dès que l’enfant a atteint l’âge de 18 ans. C’est une des mesures que nos voisins ont décidé de mettre en place afin de faire face à la crise économique actuelle et à ses conséquences sur leurs finances publiques. On peut le regretter pour les parents concernés, mais, jusque là, cela ne nous concerne pas vraiment il est vrai.

    Là où cette réforme devrait nous intéresser davantage c’est qu’elle va mettre en place un système à deux vitesses, avec deux catégories de travailleurs, bénéficiant de droits sociaux distincts, suivant qu’ils sont résidents du Grand-Duché ou non-résidents. En effet, la nouvelle loi prévoit que les mesures compensatoires prévues par le Gouvernement luxembourgeois (un système de bourses d’études) ne viseront que les résidents du pays.

    Pourtant, les quelque 37.000 frontaliers belges qui vont travailler au Grand-Duché payent bien leurs impôts et cotisent à la sécurité sociale du Luxembourg, tout comme les résidents du Grand-Duché. Il semblerait donc parfaitement logique et légitime qu’à travail et cotisations égales, les prestations en matière d’allocations familiales soient aussi égales pour tous les travailleurs, qu’ils soient résidents ou non. Pourtant, on le voit, ce n’est pas du tout ce que prévoit la nouvelle loi « 6148 »…

    Certes, les allocations familiales sont (jusqu’à nouvel ordre…) de compétence fédérale. Dès lors, si ce retour des frontaliers belges dans le régime d’allocations familiales de l’État belge devait se confirmer, le surcoût qu’il entraînerait (selon les estimations, il s’agirait d’une dépense supplémentaire de près de 2.670.000 euros) concernerait le Fédéral mais pas vraiment la Région, c’est exact.

    Néanmoins, je crois que la Région et le Gouvernement wallons ont un rôle à jouer, dans la défense des intérêts des travailleurs belges visés par cette mesure. En effet, il est bien sûr évident que nous serions concernés au premier chef si jamais (comme on l’évoque beaucoup ces derniers mois) la compétence des allocations familiales devait être transférée à la Région. Le surcoût évoqué, viendrait alors alourdir fort considérablement les finances publiques wallonnes…

    Mais au-delà de ces spéculations, il y a aussi plusieurs axes beaucoup plus concrets et immédiats par lesquels la Région wallonne pourrait intervenir dans ce dossier et tenter de défendre au mieux les légitimes intérêts de près de 37.000 de ses habitants et la survie du marché transfrontalier de l’emploi dans lequel ils évoluent.

    Il me semble ainsi que dans un tel cadre international (et alors que le niveau fédéral se sent peut-être moins concerné par un phénomène qui ne concerne que des Wallons), l’implication active de la Région est indispensable pour résoudre au mieux de telles difficultés et pour ne pas « abandonner » ces travailleurs en les laissant « seuls » face aux décisions unilatérales luxembourgeoises.

    Bien sûr, le Grand-Duché est un État indépendant libre de ses choix. Néanmoins, la Région dispose bel et bien d’une série de moyens pour dialoguer avec les autorités grand-ducales afin de défendre nos concitoyens. Il y a évidemment les relations bilatérales classiques : un accord de coopération entre la Communauté française et la Région wallonne, d’une part, et le Luxembourg, d’autre part, existe d’ailleurs depuis 1999, avec une commission mixte permanente. Il y a aussi la diplomatie multilatérale, dans le cadre de la Grande Région (Sarre, Luxembourg, Rhénanie-Palatinat, Wallonie et Communauté française de Belgique) ; dans le cadre du Benelux ; ou même à l’intérieur de l’Union européenne.

    Dès lors, mes questions sont assez simples. Comment représentons-nous les intérêts de ces travailleurs transfrontaliers auprès des autorités grand-ducales ? Comment la Région peut-elle négocier avec le Grand-Duché sur cette problématique des allocations familiales et selon quel agenda ? Monsieur le Ministre-Président a-t-il déjà eu des contacts sur le sujet tant avec ses homologues luxembourgeois qu’avec les organisations représentant ces travailleurs ? Que peut-on faire pour améliorer ces éventuels contacts et mieux prendre en compte les difficultés vécues par les travailleurs transfrontaliers ? Quelles pistes de solution sont envisageables à court, moyen et long termes ? Je rappelle que cette nouvelle loi devrait être effective dès le 1er octobre… Avons-nous encore les moyens de convaincre le Grand-Duché du bien-fondé de nos arguments et d’ainsi empêcher la mise en place d’un système à deux vitesses, créant deux catégories de travailleurs et allant à l’encontre du sens même de la construction européenne ?

    Par ailleurs, je reconnais que bien des éléments de ce dossier restent du ressort exclusif des autorités fédérales. Néanmoins, la Région wallonne dispose à nouveau de canaux multiples pour se faire entendre du Gouvernement fédéral. Dans ce contexte, quelles interventions la Région a-t-elle pu ou peut-elle encore mener à bien vis-à-vis du Fédéral afin de défendre les intérêts des travailleurs transfrontaliers et de leurs familles ? Monsieur le Ministre-Président a-t-il pu faire entendre les préoccupations wallonnes sur ces matières auprès du Gouvernement fédéral ?
  • Réponse du 06/10/2010
    • de DEMOTTE Rudy

    Monsieur le Député Sébastian Pirlot m'a déjà interrogé sur cette question dans le cadre de la commission des Affaires générales du 20 septembre dernier.

    Dès lors je prie l'honorable membre de bien vouloir se référer au compte rendu de séance de cette commission qui contient tous les éléments de réponse souhaités.

    J'ai notamment indiqué que les mesures dont question ont été prises par les autorités grand-ducales sans la moindre information préalable des partenaires belges, français ou allemands. Et que c'était assez regrettable à l'heure où une coopération renforcée est mise en place entre les différentes régions frontalières.

    J'ai précisé que sur le plan international, les Gouvernements français, allemand et belge ont, jusqu'à présent, décidé de rester prudents et de ne pas intervenir officiellement dans le cadre de leurs relations bilatérales. Et ce même si la France - dont 70 000 travailleurs sont potentiellement touchés par ces mesures - pourrait avoir des raisons d'intervenir dans ce dossier ...

    J'ai eu l'occasion de rappeler que les organisations syndicales ont déposé une plainte fin juillet auprès de la Commission européenne pour non­respect du droit communautaire. Et qu'à titre personnel il me semblait essentiel de vérifier, d'abord, la conformité de ces mesures aux directives européennes. En effet, si ces mesures leur sont conformes, il sera alors important d'initier une procédure concertée avec les autorités allemande et française pour tenter de trouver une solution à ce problème. Et comme je l'ai déclaré lundi, à mon sens, une telle démarche doit s'inscrire dans le cadre de la Grande Région. Raison pour laquelle mon représentant est intervenu, le 2 septembre dernier, lors de la réunion des Exécutifs de la Grande Région qui s'est tenue à Otzenhausen en Sarre.

    J'ai conclu en précisant que les préoccupations de la Wallonie et de la Communauté française ont été communiquées au Ministre luxembourgeois de l'Intérieur, M. Jean-Marie Halsdorf, lequel s'est engagé à transmettre ce message au Premier Ministre, M. Jean-Claude Juncker. Bien entendu en fonction de l'évolution de ces démarches, la tenue du 12ème Sommet des Exécutifs de la Grande Région, qui se déroulera en janvier 2011, nous offrira une nouvelle occasion d'aborder directement ce dossier avec toutes les parties concernées.