/

L'appel de Monseigneur Léonard et les mesures de prévention en matière de padophilie

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2010
  • N° : 10 (2010-2011) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 04/10/2010
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à TILLIEUX Eliane, Ministre de la Santé, de l'Action sociale et de l'Egalité des chances


    Le récent rapport de la Commission Adriaenssens a mis en lumière une série d’événements sordides qui se sont déroulés entre 1950 et 1990.

    Suite à ce rapport, le 13 septembre dernier Mgr Léonard a fait appel à l'aide de la Région wallonne et plus précisément au Ministère du bien-être pour veiller à la prévention de ces actes.
     
    Madame la Ministre a-t-elle entendu cet appel ? Se sent-elle concernée ? Compte-t-elle y répondre ? Si oui, quel pourrait être l'apport de son administration ?

    Les articles de presse qui ont commenté les conclusions de la Commission Adriaenssens ont mis en lumière  de sordides statistiques. Ainsi, certaines tranches d’âges seraient plus exposées que d'autres à ce type de perversion. Madame la Ministre confirme-t-elle ces données ?
     
    Sachant que les pédophilies ne sévissent pas seulement au sein de l'Eglise mais partout où des enfants sont soumis à une forme d'autorité par l'adulte, Madame la Ministre ne pense-t-elle pas qu'il pourrait être profitable de renforcer la prévention de manière ciblée, c'est-à dire, en étant particulièrement attentif à ces strates d'âge, et ce, dans l'ensemble des domaines de la société où évoluent ces enfants (mouvements de jeunesse, catéchisme, école, pensionnat, plaines de jeux, centres de loisirs, clubs de sport etc., etc.) ?

    Existe-t-il déjà des formes de  collaboration entre l'administration de Madame la Ministre et les autres Ministères concernés par  l'encadrement ou l'éducation des enfants ? Si, oui, quelles formes ont-elles prises ? Quel est le montant qui  leur a été alloué ? A quelle fréquence ces actions ont-elles été menées depuis ces cinq dernières années ?
     
    Selon les informations en sa possession, serait-il utile et  envisageable d'exiger  en plus du certificat de bonne vie et mœurs, un test de personnalité à  toute personne qui s'apprête à encadrer un groupe d'enfant ? Madame la Ministre trouve-t-elle normal qu’un prêtre, un éducateur, un moniteur, un professeur, … en aveu ou condamné puisse un jour encore être au contact avec des enfants dans une relation de type maître-élève ?
     
    Enfin, sommes-nous bien certains que le pire n’aurait pas pu être évité, si chacun des maillons de la chaîne qui entourent l’enfant avait été attentif aux moindres symptômes ? Moi pas !

    Sachant que les enfants se murent souvent dans le silence quand ils sont victimes d'actes de pédophilie, Madame la Ministre ne pense-t-elle pas qu'il pourrait être utile de susciter la parole de l’enfant de manière proactive sans attendre qu'une plainte ne soit déposée ? Et, parallèlement, qu’il pourrait être intéressant de diffuser un message préventif en vue de rendre tout un chacun attentif aux moindres symptômes qui pourraient constituer la face visible d’un horrible iceberg.
  • Réponse du 26/10/2010
    • de TILLIEUX Eliane

    L'appel auquel l'honorable Membre fait référence constitue plutôt le communiqué de presse diffusé par les Evêques de Belgique et présentant la démarche de l'Eglise en neuf points, parmi lesquels son intention de « consulter de manière large et pro-active » toutes les parties concernées.

    Outre ce communiqué de presse, il n 'y a eu, à ma connaissance, aucune demande formelle introduite auprès du Gouvernement wallon ou du Service public de Wallonie.

    A cet égard, je voudrais apporter un correctif en précisant que la Wallonie ne dispose pas de « Ministère du Bien-être » et n'est pas non plus compétente en matière de prévention en matière de santé.

    Comme l'honorable Membre, j'ai connaissance du rapport de la Commission Adriaenssens et comme lui j'en ai été ébranlée. Il ne m'appartient cependant pas de commenter ou de confirmer les constats formulés, il s'agit maintenant du travail de la justice.

    Pour ce qui me concerne, dès le 21 septembre 2010, j'ai souligné qu'il me semblait essentiel d'apporter aux victimes qui le demandent un soutien et, surtout, une opportunité de s'exprimer avec la garantie de la confidentialité.

    Dans ce cadre, j'ai rappelé l'existence du numéro d'appel 107, service d'accueil psychosocial.

    En formant ce numéro, les victimes peuvent être dirigées vers des services spécialisés et l'honorable Membre n'ignore pas qu'il en existe près de 100 en Wallonie au sein desquels évoluent des équipes pluridisciplinaires aptes à accueillir les victimes: les services d'aides aux victimes au sein des services d'aide sociale aux justiciables et les services de santé mentale.

    Les services d'aide aux victimes au sein des services d'aide aux justiciables ont notamment pour mission, selon le décret du 18 juillet 2001 relatif à l'aide sociale aux justiciables, d' « accompagner les victimes qui sollicitent une aide, tout au long de leurs démarches, pour faire face aux conséquences de la victimisation, en ce compris la victimisation secondaire, et, si possible, les aider à en obtenir réparation » ainsi que « d'apporter une aide psychologique centrée sur les conséquences directes ou indirectes de la victimisation et l'assimilation du bouleversement causé par l'évènement subi ».

    Les services de santé mentale, en application du décret du 3 avril 2009 relatif à l'agrément des services de santé mentale et à la reconnaissance des centres de référence en santé mentale en vue de l'octroi de subvention, sont notamment chargés d'accueillir les demandes relatives aux difficultés psychiques ou psychologiques et d'organiser une réponse, selon les ressources disponibles et les particularités des demandes, en posant un diagnostic et en instaurant un traitement, selon les situations psychiatrique, psychothérapeutique ou psychosociale.

    Pour ce qui est des traitements à apporter aux personnes victimes d'abus, qu'elles soient mineures ou majeures, les 83 services de santé mentale sont donc également tout à fait à même, dans le cadre de leurs missions générales, de prendre en charge ces personnes en vue d'une démarche thérapeutique dans le cadre de leurs missions générales.

    La Wallonie finance également depuis 2005, un projet particulier appelé « Antigone » qui a pour mission la prise en charge clinique de manière précoce, globale, intégrée et continue des situations d'abus sexuels intra-familiaux (prise en charge de l'auteur mais également de l'enfant abusé).

    Par ailleurs, en ce qui concerne la problématique de la prise en charge des abus sexuels, suite à l'affaire Dutroux, en octobre 1998, un accord de coopération a été signé entre le Ministre de la Justice et le Ministre de la Santé et de l'Action sociale de Wallonie afin de mettre en place des équipes spécialisées dans la prise en charge des auteurs d'infractions à caractère sexuel. Ces équipes font partie des services de santé mentale, sont au nombre de 13, réparties sur tout le territoire wallon et suivent un millier de patients par an.

    Dans le cadre de ce même accord, un centre d'appui a été désigné. Pour la Wallonie, il s'agit de l'Unité de Psychopathologie Légale chargée entre autre de la formation continuée de ces équipes spécifiques et de la prise en charge de patients plus complexes (personnes souffrant d'un déficit mental, mineurs ... ).

    Dans sa question, l'honorable Membre fait référence à « des articles de presse qui ont commenté les conclusions de la Commission Adriaenssens et qui mettent en lumière de sordides statistiques». Il comprendra que je ne sois pas en mesure d'infirmer ou de confirmer ces éléments lorsque l'on sait que les délinquants sexuels ne représentent pas une catégorie homogène et qu'il convient dès lors de savoir de quoi l'on parle. Il serait donc peu responsable de déterminer une politique sur la base d'analyse de faits ayant eu lieu il y a 20 à 60 ans.

    Même encore controversée, la majorité des études scientifiques tendent à prouver l'efficacité des traitements en termes de réduction de la récidive que cela soit à l'étranger (HANSON) ou en Belgique. L'étude scientifique du Professeur PHAM et de C. DUCRO (financée par la Wallonie depuis 3 ans) tend à démontrer que pour les abuseurs sexuels suivis par les équipes de santé mentale spécialisées dans le traitement des auteurs d'infractions à caractère sexuel, le taux de récidive descend à +-8%.

    En ce qui concerne le « syndrome de l'abus sexuel », il n'existe actuellement, aucun tableau symptomatologique spécifique qui serait lié à l'exposition à un abus sexuel.

    Il est donc scientifiquement impossible de mettre sur pied une politique de dépistage en ce domaine.

    D'une part, les symptômes présentés par les victimes sont excessivement divers, d'autre part, ces symptômes ne sont pas spécifiques (ils peuvent être présentés par des non-victimes) et, enfin, nombre de victimes sont asymptomatiques.

    Dans l'état actuel de nos connaissances, une politique de dépistage pourrait donc avoir comme effet de multiplier de fausses déclarations d'abus sexuel tout en ne reconnaissant pas à certaines victimes leur statut de victime. Nous savons que les allégations d'abus sexuels sont parfois instrumentalisées, notamment dans les cas de séparations parentales conflictuelles. Il convient dès lors d'être attentif à mener une politique qui ne donne pas lieu à une multiplication de fausses allégations d'abus sexuels.

    En ce qui concerne l'encadrement et l'éducation des enfants, je rappelle que ces compétences relèvent de la Communauté française.

    Pour ce qui est d'imposer un test de personnalité à toute personne qui s'apprête à encadrer un groupe d'enfants, cela me parait peu pertinent et assez dangereux.

    J'en terminerai par ce qui est du fait de « susciter de manière pro-active la parole de l'enfant ll, pour rappeler que c'est exactement ce qui a été reproché à certains professionnels dans le cadre de l'affaire dite d'Outreau avec comme conséquence le naufrage judiciaire que l'on connaît. Les approches suggestives sont à ce jour, unanimement proscrites.

    Il ne s'agit donc pas, ici, d'un problème de volonté politique mais plutôt de rigueur scientifique et ce, dans l'intérêt des éventuelles victimes elles mêmes, de la justice et de ta société.