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La connaissance du taux de chômage en Wallonie

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2010
  • N° : 70 (2010-2011) 1

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  • Question écrite du 18/10/2010
    • de EERDEKENS Claude
    • à ANTOINE André, Ministre du Budget, des Finances, de l'Emploi, de la Formation et des Sports

    Très curieusement, le Forem utilise un mode de calcul inusité dans les autres pays et que ne pratique pas la Flandre.

    La méthode de calcul utilisée en Wallonie a pour effet de présenter des chiffres susceptibles de donner une impression plus négative que ne l'est la situation réelle.

    Il existe ainsi une différence fondamentale entre le taux de chômage établi au niveau fédéral par l'Onem et la méthode de calcul utilisée par le Forem. Tout cela vient de la confusion entre taux de demande d'emploi et taux de chômage.

    Le taux de demande d'emploi est le rapport entre le nombre de demandeurs d'emploi inoccupés inscrits et la population active.

    Quant au taux de chômage, il s'agit du rapport entre le nombre de chômeurs complets indemnisés et la population active.

    Il s'agit donc de deux méthodes distinctes.

    La Flandre pour présenter ses chiffres du chômage utilise le second vocable et le Forem le premier.

    Les chiffres du Forem ont donc pour effet de culpabiliser davantage la Wallonie par rapport à la Flandre et de donner le sentiment à la Flandre que la Wallonie est un pays de chômeurs ...

    En effet, il y a plus de demandeurs d'emploi inoccupés inscrits que de chômeurs complets indemnisés. Le taux de demandeurs d'emploi est donc plus élevé que le taux de chômage.

    D'autre part, une autre incertitude résulte de la définition de ce qu'est la population active.

    Cette donnée, calculée par le Service public fédéral de l'Emploi et du Travail, n'a pas été revue depuis 2002. Elle se base, semble-t-il, sur un calcul fastidieux regroupant une série d'informations venant de sources très diverses et un certain retard se serait accumulé à ce niveau. Ainsi, par exemple, l'ONSS, à la suite de l'introduction de la nouvelle déclaration multifonctionnelle, doit procéder à certaines adaptations dans le calcul de ces statistiques. En clair, la Région wallonne ne peut actuellement maîtriser les éléments statistiques permettant une actualisation de ses données.

    D'autre part, nous assistons à la confrontation de chiffres contradictoires. Les statistiques mensuelles établies par le Forem ciblent le taux de demande d'emploi alors que cette notion est inconnue du Conseil central de l'Economie.

    En effet, le Forem établit un rapport entre le nombre de demandeurs d'emploi inoccupés (chômeurs complets indemnisés et les autres demandeurs d'emploi) et la population active.

    Ce calcul rapporté à la Région wallonne comptabilise pour septembre 2010 un taux de demande d'emploi de 17,17 %, soit bien plus que le taux de chômage qui s'établit à plus ou moins 12 %.

    Lorsque les Flamingants, et Bart De Wever en particulier, analysent les chiffres du chômage de la Wallonie, ils sont bien évidemment effrayés ...

    Le taux de chômage, a priori, devrait être un rapport entre le nombre de chômeurs d'emploi indemnisés et la population active.

    Considérer comme demandeurs d'emploi des personnes qui n'ont aucune indemnisation ou des personnes qui émargeraient au CPAS ou qui seraient indisponibles pour cause de maladie noircit considérablement le tableau du chômage en Wallonie.

    Pour quelles raisons le Forem utilise-t-il une méthode que la Wallonie est la seule à utiliser au sein de la Communauté européenne ainsi qu'en Belgique et qui a un effet catastrophique sur le moral des Wallons en noircissant et en aggravant la situation réelle?
  • Réponse du 14/12/2010
    • de ANTOINE André

    L'honorable membre m'indique que la Wallonie utilise une méthode de comptabilisation du chômage unique et qui noircit la situation.

    Je ne peux partager son point de vue car au contraire, des accords ont été pris entre les services publics belges pour avoir une même manière de comptabiliser le non emploi.

    Cependant, la méprise est aisée, car le chômage étant une notion complexe, le calcul d'un seul taux ne permet pas d'en éclairer les différentes réalités, c'est pourquoi différents modes de calculs co-existent.

    Il me semble donc indispensable de repréciser ces modes de calculs et leur usage. Ces modes ont d'ailleurs été approuvés par le précédent gouvernement en sa séance du 1e février 2007 qui a chargé le Forem de publier de manière multidimensionnelle :

    - les taux harmonisés au niveau européen d'emploi, de chômage et d'activité calculés selon l'EFT (Enquêtes sur les Forces de Travail);

    - le nombre de demandeurs d'emploi indemnisés calculés sur base des données administratives selon les données de l'Onem (CCI-DE);

    - ainsi que les données d'inscription au Forem c'est-à-dire les demandeurs d'emploi inoccupés (DEI) dont les demandeurs d'emploi demandeurs d'allocation (DEDA) et jeunes en stage d'attente (JSA) ainsi que le taux de demande d'emploi (parfois appelé également « taux de chômage régional») lié à ce public.

    Compte tenu de la confusion que ces 3 chiffres semblent poser, il me paraît utile de rappeler ce tryptique d'indicateurs qui permet d'éclairer la situation du chômage :

    Situation de la Wallonie par rapport à d'autres pays de l'Union européenne

    (1.) Taux de chômage BIT = Nombre de chômeurs (EFT)
    ________________________
    Population active (EFT)



    Le taux de chômage BIT (ou Eurostat) rend compte de la représentation de la population active inoccupée et occupée souhaitée par le Bureau International du Travail. Il sert à comparer les pays (ou régions) entre eux (elles).
    Pour être considéré comme chômeur par le BIT, il faut à la fois ne pas avoir travaillé (ne serait-ce qu'une heure) pendant la semaine de référence et chercher activement un emploi et être disponible dans les quinze jours pour occuper un emploi. Cela signifie donc aussi que le nombre de travailleurs actifs reprend tous les travailleurs qui ont travaillé ne fut-ce qu'une heure pendant la semaine de l'enquête...

    Bref, compte tenu de la définition du chômage BIT, ce taux est très inférieur aux taux issus des administrations ONEM et FOREM décrits ci-dessous.

    Par ailleurs, il est peu utile à la gestion des politiques de l'emploi, car d'une part, il ne peut être décliné sous-régionalement et d'autre part, il n'est disponible que trimestriellement. En effet, le nombre de chômeurs et la population active y sont estimés sur base d'enquêtes trimestrielles.

    Situation de la Wallonie par rapport aux autres régions du pays

    L'ONEM publie deux taux qui permettent de comparer la situation du non emploi.

    (2) Taux de chômage Onem = Nombre de DEI (stat92)
    __________________________________
    Population active (sources adm.)de 2004



    Ce taux de chômage administratif issu de l'Onem concerne donc les demandeurs d'emploi inoccupés et non les chômeurs complets indemnisés. Si la population active était estimée non pas sur l'année 2004, mais selon les données récentes comme le font les SPE régionaux en se basant sur la moyenne 2008, il serait identique au « taux de chômage régional » ou « taux de demande d'emploi » calculé par ces derniers (ci-dessous en 3).

    L'ONEM publie aussi un second taux de chômage relativement au nombre de «chômeurs» (statistique d'indemnisation). Derrière la même appellation que (2), ce taux (2bis) ne rend plus compte des volumes selon les inscriptions, mais des statistiques en matière d'allocations de chômage (qui compte des personnes avec un paiement - chômeurs indemnisés).

    On est proche ici du sens commun selon lequel « une personne au chômage est une personne payée par le chômage », même si cet abord est trop restrictif pour un gestionnaire.

    (2bis) Taux de chômage Onem 2 = CCI DE + trav tps partiel DE
    _______________________
    Assurés contre le chômage




    Situation de la Wallonie par rapport aux autres régions du pays sur base de l'ensemble des personnes inoccupées inscrites dans le service public régional.

    (3) Taux de demande d'emploi = Nombre de DEI (stat 92)
    ______________________________________________
    Population active (sources SteunpuntWSE, moyenne 2008)




    Ce taux de demande d'emploi, appelé parfois et à mon sens erronément « taux de chômage régional», compare le nombre de demandeurs d'emploi inoccupés à la population active moyenne en 2008. En d'autres termes, tout comme le taux de chômage de l'Onem (2), il prend en compte le nombre de DEI qui dépasse largement le concept de « chômeur» selon le sens commun car il comprend les Demandeurs d'Emploi Demandeurs d'Allocations (DEDA), les jeunes en stage d'attente (JSA), les DEI inscrits librement et les autres demandeurs d'emploi obligatoires.

    Mais, par rapport au taux de l'ONEM, ce taux (3) a pour avantage d'être plus à jour pour ce qui concerne le dénominateur relatif à la population active.

    Ce tryptique offre trois éclairages :

    - le BIT à l'aide d'une définition internationale standardisée qui dépasse les réalités administratives influencées par les législations locales permet de comparer les pays ou régions entre elles, notamment par le taux (1);
    - le concept de chômage selon l'Onem reflète la charge budgétaire d'une région en matière d'allocations de chômage, via le taux (2bis);
    - la demande d'emploi (concept plus large que le chômage) reflète les inscriptions auprès du SPE chargé d'accompagner et activer les personnes via le taux (3 ou 2).

    Ce tryptique se base sur des définitions communes entre les trois regions et est systématiquement repris et présenté de manière mensuelle dans les différentes publications du Forem (Marché de l'emploi: chiffres et commentaires, Situation du marché de l'emploi, etc.).

    En particulier, la méthode utilisée en Wallonie pour calculer le 3e taux cité ci-dessus, soit le taux de demande d'emploi est rigoureusement identique à celle utilisée en Flandre et se base sur la même formule c'est-à-dire «demandeurs d'emploi inoccupés/population active occupée» et les mêmes sources de données.

    Le nombre de demandeurs d'emploi inoccupés provient des statistiques des services de l'emploi du pays.
    De même, la population active occupée est calculée par le Steunpunt WSE pour chaque région du pays et est reprise dans les calculs du FOREM tout comme dans ceux du VDAB et est la dernière en date, à savoir la moyenne 2008.

    Enfin et par ailleurs, aux fins de rendre compte de la gestion du marché de l'emploi régional wallon, un autre indicateur a été calculé pour rendre compte des évolutions. On ne parle plus ici de taux - car on sort de la logique décrite supra - mais « d'indicateur de demande d'emploi». Cet indicateur permet d'éviter l'écueil que l'honorable membre mentionne dans sa question en ne retenant dans le numérateur que les demandeurs d'allocations et jeunes en stage d'attente et non plus les demandeurs d'emploi inscrits librement ou obligatoirement.


    (4) Indicateur de demande d'emploi = Nombre de DEDA + JSA (stat 92)
    ____________________________
    Population active (sources adm)



    En d'autres termes, bien que cette matière soit assez technique, il me paraît indispensable de ne pas confondre ces concepts et de stabiliser la communication autour d'eux.

    J'ai choisi de m'exprimer au maximum sur l'indicateur de demande d'emploi (4) lorsque je veux montrer l'évolution de notre région et l'impact de nos efforts politiques.

    Par contre, lorsque je veux montrer les évolutions comparées des différentes régions belges ou au niveau international, je privilégie respectivement le taux de demande d'emploi (3) dont le dénominateur relatif à la population active est plus récent que dans le taux (2) fourni par l'ONEM et le taux de chômage harmonisé selon le BIT (1).