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La mise en application de la notion de conflit d'intérêt

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2010
  • N° : 27 (2010-2011) 1

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  • Question écrite du 18/10/2010
    • de LEBRUN Michel
    • à FURLAN Paul, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville

    La question du conflit d'intérêt ou plutôt de son interprétation a été évoquée à plusieurs reprises au sein de ce Parlement.

    Celle-ci suscite toujours de nombreuses questions. Il est en effet actuellement malaisé de dire avec certitude si tel ou tel cas constitue un conflit d'intérêt sans en avoir fait au préalable une analyse détaillée.

    Lors de diverses questions parlementaires, Monsieur le Ministre reconnaissait lui-même la complexité de la question et précisait que la notion de conflit d'intérêt en droit administratif doit se définir de la sorte :

    être direct et personnel;
    être matériel, c'est-à-dire qu'il doit affecter exclusivement le patrimoine du conseiller ou de ses proches;
    être né et actuel au moment de la délibération.

    J'aurais souhaité soumettre à Monsieur le Ministre quelques cas visant des sociétés qui appartiennent à des conseillers et qui suscitent pour le moins des interrogations.

    Premièrement, un bourgmestre gérant d'une société (telle une S.A.) à hauteur de 50 % soumissionne à un marché lancé par sa commune. Le receveur le retire du marché puisqu'il y a clairement conflit d'intérêt.

    Quid si cette société revient dans le marché via la sous-traitance? Monsieur le Ministre m'objectera que lors de la délibération l'intérêt n'était pas né et actuel car ce n'est que par après, via la sous-traitance, que le problème survient. Ne trouve-t-il pas que l'on contourne ainsi une règle car l'interprétation actuelle est trop stricte et, in fine, on n'atteint pas le but souhaité?

    Deuxièmement, une commune procède au transfert d'une parcelle de terrain avec un forestier pour lequel la S.A. du bourgmestre travaille. Le bourgmestre pouvait-il prendre part à la délibération?

    Troisièmement, des travaux de rénovation ont lieu sur une place communale et sont confiés à une société X qui exécute les travaux, toutefois, en ce qui concerne les plantations, on retrouve de nouveau la société du bourgmestre qui, de surcroît, réceptionne les travaux.

    Monsieur le Ministre en conviendra avec moi les problèmes soumis ici posent questions. Y a-t-il, oui ou non, conflit d'intérêt dans le chef du bourgmestre?

    L'on sait que l'interprétation donnée actuellement par son administration est restrictive. Monsieur le Ministre ne pense-t-il pas que si formellement ces situations ne constituent pas de conflits d'intérêt, sur le fond elles portent atteinte à l'esprit même de la notion de conflit d'intérêt ?

    Ne faudrait-il pas élargir l'interprétation donnée afin d'éviter pareil écueil où manifestement le bourgmestre profite des faiblesses de l'interprétation afin d'in fine s'enrichir personnellement ou du moins de mettre en valeur sa société?

    Ces situations portent en tout cas le discrédit sur les hommes politiques et posent à tout le moins des questions déontologiques évidentes.
  • Réponse du 26/11/2010
    • de FURLAN Paul

    Avant d'aborder les hypothèses que l'honorable Membre soulève, il m'apparaît important une nouvelle fois de rappeler la circulaire du 22 mai 2008 de mon prédécesseur qui (re)définit les principes en matière de conflits d'intérêts et donne quelques exemples.

    Evoquons maintenant les questions les unes après les autres. En réponse à la première hypothèse, je rappellerai que les dispositions relatives aux interdictions et incompatibilités sont de stricte interprétation. Dans ce contexte et suivant les dispositions actuelles, les sous-traitants ne sont le plus souvent pas concernés par le conflit d'intérêt. Néanmoins, il est raisonnable de faire une appréciation au cas pas cas sur base des éléments du dossier. Ainsi, le Conseil d'Etat a retenu le conflit d'intérêt dans le chef d'un conseiller communal gérant d'une société sous-traitante si le conseil communal prend une décision attribuant des travaux supplémentaires à l'entreprise adjudicatrice sachant qu'elle sous-traitera à la société du conseiller (arrêt n°82262 du 15 mai 1999).

    Les éléments d'information de la seconde hypothèse ne me permettent pas d'apporter une réponse définitive: s'agit-il d'une vente ou de travaux? La société du bourgmestre travaille-t-elle en sous-traitance pour le forestier ou en partenariat? Je peux en tout cas préciser qu'en cas de vente, l'article 1596 du code civil interdit aux administrateurs des communes de se porter acquéreurs de biens immeubles de communes et ce directement ou indirectement.

    Quant à la troisième hypothèse, les informations ne permettent pas non plus de savoir si la société du bourgmestre est sous-traitant. Dans l'affirmative, je renvoie l'honorable Membre aux développements de la première hypothèse pour autant que le bourgmestre soit un administrateur important (actionnaire) de la dite société (ce que la question ne précise pas).

    Je ne peux donc pas, au travers d'une question parlementaire, résoudre définitivement 3 cas qui nécessitent une instruction administrative. J'invite donc l'honorable Membre, si des irrégularités devaient avoir été commises par certains, à m'en saisir par le biais d'une réclamation.

    Enfin, comme je le précisais au début de cette réponse, les textes qui définissent les interdictions et conflits d'intérêt sont de stricte interprétation. Si un mandataire estime que, bien que n'étant pas légalement dans une situation de conflit d'intérêt, sa présence pourrait nuire à l'objectivité ou la sérénité des débats, il lui est toujours possible de décider de se retirer. Mais il s'agit là d'une question d'éthique personnelle.