/

L'allongement des délais des emprunts hypothécaires

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2010
  • N° : 51 (2010-2011) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 21/10/2010
    • de STOFFELS Edmund
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    Une proposition de loi a été déposée au Sénat visant à prolonger le délai d’un emprunt hypothécaire jusqu’à 50 ans.

    Même s’il s’agit d’une compétence fédérale de définir les règles des crédits hypothécaires, cela nous intéresse dans la mesure où son impact est immédiat en ce qui concerne l’accès au logement.

    Cette proposition de loi vise, en effet, la prolongation des délais de façon telle qu’on s’approche du modèle suisse. Est-ce souhaitable ? Est-ce souhaitable d’engager la responsabilité des générations à venir pour financer des projets actuels ?

    Le SNP estime que la prolongation des délais de remboursement des prêts va provoquer une hausse des prix entraînant

    - des milliers de ménages dans une spirale de surendettement;
    - l’immobilier dans une bulle spéculative telle que celle qui a éclaté en 2008;
    - l’écartement de personnes âgées de 50 ans ou plus de toute perspective de devenir propriétaire de son logement via un prêt;
    - les entreprises de la construction dans la crise.

    Les inquiétudes exprimées par la SNP me semblent pertinentes. Il faudra donc réagir et ne pas adopter une attitude attentiste.

    Réagir en comparant les législations existantes dans les différents pays afin de vérifier si les craintes exprimées sont justifiées. Puis-je donc demander à ce que les services de Monsieur le Ministre procèdent à une étude comparative afin d’identifier les risques liés à une prolongation des délais de remboursement ?

    Réagir en demandant une réunion de la Conférence interministérielle des Ministres du Logement. Une concertation avec les autres niveaux de pouvoir sur la question semble-t-elle nécessaire à Monsieur le Ministre?

    Réagir parce que les instruments de prêts sociaux de la Région wallonne (SWCS et FLW) sont directement concernés par la question. Semble-t-il nécessaire à Monsieur le Ministre de solliciter l’avis de la SWCS et du FLW sur la question ?




  • Réponse du 16/11/2010
    • de NOLLET Jean-Marc

    Je partage l'intérêt de l'honorable Membre pour le débat sur l'allongement de la durée des prêts hypothécaires comme réponse à la difficulté d'accès au logement, relancé par le dépôt d'une proposition de loi au niveau fédéral. Comme lui et le SNP, je reste toutefois dubitatif quant à l'intérêt d'une telle mesure. En effet, parmi les arguments en faveur du rallongement de la durée des prêts, on avance généralement la réduction de la mensualité et par conséquent, l'allègement dans le budget ménage du poste loyer-logement.

    C'est pour ma part, faire preuve d'une vision à très court terme, en contradiction avec le produit lui-même. Démontrons le par un exemple simple: la différence entre la mensualité d'un même prêt (100.000 euros à 4%) d'une durée de 50 ans par rapport à un prêt d'une durée de 25 ans est une charge d'intérêt allégée de 142 euros, soit +/- 27 % en moins mensuellement. Cette différence peut paraître attrayante à première vue mais il convient de tenir compte:
    - du coût global des intérêts payés pendant 25 ans supplémentaires;
    - du coût des primes d'assurance vie majorées pour autant que la compagnie accepte de couvrir le risque décès;
    - des frais de renouvellement de l'inscription hypothécaire, obligatoire après 30 ans. Cette formalité, lourde pour le débiteur est nécessaire. Ne pas renouveler l'inscription, équivaut à ne plus avoir de garantie en premier rang ou voire dans certains cas, plus de garantie du tout. Or, le solde dû après 30 ans, peut encore être très important;
    - du fait qu'en cas de remboursement anticipé, l'indemnité de remploi se calculant sur le solde restant dû sera également beaucoup plus conséquente. Ce dernier coût n'est pas marginal si on étudie les tendances de l'encours actuel de la SWCS et du FLW et du nombre toujours croissant de demandes de modifications des contrats en cours (transferts d'hypothèque, autorisations de location, demandes de désolidarisation parfois 6 mois après la signature de l'acte, mainlevées partielles, .... ).


    Les opérateurs de crédit social, que j'ai interrogé à la demande de l'honorable Membre, sont également prudents en la matière. Ils soulignent:
    - La difficulté pour eux d'adosser le financement d'un prêt à 50 ans, alors que la tendance actuelle sur le marché des capitaux est de 15 ans en ce qui concerne l'obtention des ressources nécessaires.
    - L'augmentation substantielle du risque crédit due au ralentissement significatif de l'amortissement, notamment en cas de vente forcée ou même volontaire dans les 15 ans qui suivent la signature de l'acte.
    - La nécessité d'adapter les textes relatifs à la garantie de bonne fin de la Région, laquelle intervient actuellement pendant les 13 premières années du prêt, ce qui engendrerait un coût supplémentaire.


    Il faut, par ailleurs, s'interroger sur le public cible d'une telle mesure: augmenter la durée des prêts sans augmenter l'âge maximum des emprunteurs au terme des prêts favorise les jeunes emprunteurs (moins de 30 ans, voire de 20 ans).
    - Achète-t-on un immeuble « pour toute une vie » (la durée du prêt) à cet âge?
    - Est-il du devoir de la Région d'encourager l'achat précoce d'un logement alors que l'âge moyen des emprunteurs de la SWCS est de 25 ans?
    - Ne crée-t-on pas les conditions du surendettement, que le Gouvernement, chercher à enrayer par ailleurs? En effet, l'allongement de la durée du prêt hypothécaire repousse à plus tard le paiement des mensualités correspondant à la part du capital emprunté. Ainsi, on peut estimer que seule la part des intérêts serait remboursée durant les 10 premières années d'un prêt en 50 ans. Or, comme évoqué plus haut, on constate une croissance des ruptures de contrat au cours des 10 premières années. Cela signifie qu'en cas de remboursement anticipé, les emprunteurs sont encore redevables de la totalité du capital emprunté. Si le prix de vente ne suffit pas à rembourser le prêteur, les emprunteurs seront par conséquent dans une situation délicate.
    - Ne génère-t-on pas de nouvelles problématiques? Dans le cadre classique d'un prêt en 20-25 ans, les emprunteurs ont souvent remboursé leur prêt lorsque d'autres dépenses se profilent (réparations et entretien du bien, frais d'études des enfants· ... ). En revanche, si ces frais s'ajoutent aux mensualités hypothécaires, les propriétaires n'auront pas toujours les moyens d'assumer l'ensemble des charges, a fortiori s'ils sont à la retraite, lorsque leurs ressources auront diminué.


    Il faut enfin, s'interroger sur les effets contreproductifs sur le marché hypothécaire d'une telle mesure: elle aura pour effet de booster la demande de logements vu le soutien apporté à la capacité d'emprunt des ménages et à offre constante; elle exercera une pression importante sur les prix des habitations.

    En ce qui concerne la comparaison des pratiques dans d'autres pays, comme la Suisse ou l'Espagne, où les durées d'emprunt ont été allongées, il apparaît que nous ne sommes pas confrontés à la même problématique. Ces pays ont un marché immobilier extrêmement cher. Malgré une augmentation significative du prix des logements en Wallonie, le marché immobilier wallon ne peut pas être comparé à celui de ces pays. Par ailleurs, la structure du nombre des propriétaires dans ces pays est sans commune mesure avec ce que l'on connaît en Wallonie. 70 % des wallons sont propriétaires de leur logement, alors que ces pays connaissent un taux de propriétaires en dessous des 30 %.

    En conclusion pour combattre la croissance des prix des logements, je préfère, ainsi que la DPR le prévoit, travailler sur l'augmentation du nombre de logements de qualité à prix abordable en Wallonie plutôt que sur l'allongement de la durée des prêts hypothécaires qui fera surtout le bonheur des créanciers.