/

La gestion de l'eau dans les galeries des exploitations minières abandonnées

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2010
  • N° : 131 (2010-2011) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 21/10/2010
    • de BOLLAND Marc
    • à HENRY Philippe, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité

    Comme Monsieur le Ministre le sait, les exploitations de charbon ont cessé en Wallonie depuis maintenant une bonne trentaine d'années.

    Différents constats sont à souligner dans le cadre de cette inactivité, comme par exemple la problématique liée à la gestion des eaux souterraines au sein de ces espaces miniers.

    En effet, on peut remarquer que le niveau des eaux s'est considérablement élevé dans de nombreuses galeries, compte tenu du fait qu'il n'y a plus de pompage d'une part, et que les galeries d'exhaure se sont parfois comblées soit par des phénomènes naturels soit par le fait de l'homme.

    Cette situation est très souvent rencontrée au sein des régions de Liège et de Charleroi. Compte tenu du niveau des nappes et de la situation en vallée, la pression exercée par ces niveaux d'eau a fortement augmenté. Cela crée des situations de risque de « coup d'eau », comme cela s'est par ailleurs produit à Cheratte en 2002.

    Monsieur le Ministre, peut-il me fournir les éléments d'information suivants:

    - quelle est la stratégie de surveillance et d'évaluation, mise en œuvre par la région wallonne, de ce type de risque;
    - existe-t-il un éventuel fonds d'indemnisation en cas de sinistre majeur;
    - des mesures sont-elles prises afin de diminuer les pressions en cours d'augmentation ?
  • Réponse du 06/01/2011
    • de HENRY Philippe

    En premier lieu, il convient de bien comprendre l'extension volumétrique d'une mine de houille. Les couches de houille exploitées sont épaisses de 0,2 m à 1,5 m (rare) et inclinées entre l'horizontale et la verticale. Ces couches entrelardent des massifs de roches stériles (grès et schistes). L'épaisseur cumulée des veines de houille est de l'ordre de 10 % de l'épaisseur totale du massif houiller. Moins de la moitié de ce charbon a été exploité.
    Les vides résiduels résultant de l'exploitation de la houiUe sont principalement dus:

    à l'enlèvement des couches de houille, en tenant compte du remblayage partiel, en continu, du volume déhouillé (les "tailles") et du tassement de ces remblais sous la pression des terrains;
    au volume résiduel des galeries, éboulées et écrasées depuis leur abandon, à l'exception de rares galeries proches de la surface ou de sections de galeries d'exhaure construites pour durer (la plupart des galeries n'étaient creusées et entretenues que pour un temps limité); d'environ 1,5 m2 de section moyenne; elles représentent une dizaine de pour cent du volume des tailles;
    au volume des failles et fractures, naturelles ou induites par l'exploitation, du massif rocheux;
    à la porosité des couches du massif rocheux (les grès étant poreux, les schistes très peu).

    Le pourcentage de volume de vides résiduels est donc très faible par rapport à l'épaisseur du massif houiller productif. Ce sont ces vides qui constituent les réservoirs d'eau du massif houiller exploité.

    Dans les zones présentant un dénivelé suffisant, les exploitants, depuis le Moyen-Age, ont drainé les eaux d'infiltrations et les eaux du massif vers des points bas (pied de versant des vallées), au moyen de galeries d'exhaure, présentant parfois un développement important. Bien que construites pour durer, ces galeries sont aujourd'hui, pour la plupart, éboulées. Elles continuent néanmoins leur rôle de drain. Dans les bassins du Centre et de Charleroi, ces galeries dénoyaient de l'ordre de 30 m de houiller au maximum, vers Liège, la tranche déhouillée peut dépasser la centaine de mètres.

    Seule la remontée des eaux au-dessus du niveau du sol ou des galeries d'exhaure pose problème. Elle est consécutive à l'arrêt des pompages d'exhaure profonde, à la fin de l'exploitation minière. Il faut bien distinguer les phénomènes de remontées d'eau dans le massif houiller de celui de l'accumulation des eaux pluviales ou phréatiques dans les cuvettes d'affaissement résultant de l'exploitation minière, ces dernières étant reprises par des ouvrages de démergement spécifiques.

    Ceci considéré, les problèmes liés aux eaux minières sensu stricto peuvent prendre plusieurs aspects :

    remontée du niveau dans l'aquifère houiller au-dessus du niveau des anciennes galeries d'exhaure (vallées de la Meuse, de la Vesdre, de l'Ourthe, de la Sambre et de leurs affluents);
    remontée d'eau localisée à un compartiment de l'aquifère houiller, à porosité plus importante (anciens travaux noyés, au sein d'un encaissant imperméable, p.e.); on constate alors la présence d'eau en pied de versant ou dans les caves; dans certains cas, la stabilité du versant peut être à surveiller de près (Cheratte, Tilleur);
    accumulation d'eau ("bain") dans d'anciens travaux, avec risque de libération plus ou moins brutale d'eaux boueuses via une galerie d'exhaure ("coup d'eau") (Aciéries de Cheratte, 1983);
    accumulation d'eau dans une galerie dont l'orifice ne permet plus l'écoulement (serrement, mur, remblais ou construction sur l'issue alors qu'elle était sèche); suite à la rupture du "bouchon, c'est le coup d'eau brutal (Val Saint-Lambert 2001, Cheratte 2002, Fléron 2002, Andenne 2008); sauf à Cheratte, il s'agit d'accidents aux conséquences limitées (quelques habitations touchées);
    accumulation d'eaux issues du Houiller dans les cuvettes d'affaissement, eaux percolant du pied des versants ou issues de galeries d'exhaure dont le niveau actuel est plus bas que celui des cours d'eau qui les collectaient (région liégeoise essentiellement); ces eaux doivent être reprises par le réseau de démergement.

    D'autres phénomènes ne sont pas liés à la remontée des eaux dans le Houiller, comme :

    la vidange d'un aquifère au-dessus du Houiller, au travers d'une galerie d'exhaure suite à une communication accidentelle (Saint-Vaast 2009);
    certains coups d'eau sur des issues de galeries bouchées, simplement dus à l'accumulation d'eaux pluviales ou d'infiltration derrière les bouchons (Jambes 1957, Haine Saint-Pierre 2003).

    Il est à noter que, même écrasées, les galeries d'exhaure continuent à jouer un rôle de drains plus ou moins efficaces vers les exutoires aux points bas, Néanmoins, beaucoup de ces exutoires ont été repris par l'égouttage public sans que les concessionnaires ou l'administration n'aient été consultés (Liège, Centre). D'autres se sont retrouvés bouchés par des travaux d'aménagement de cours d'eau ou de voiries, toujours sans consultation ni aménagement adaptés, ou simplement par vétusté (effondrement de.s orifices). Souvent, le fait qu'elles ne débitaient plus du fait de l'exhaure mécanique aux XIXème et XXème siècles, en a fait perdre la trace, faute d'usage.

    L'administration wallonne en charge des risques miniers suit de près les accidents et incidents divers dus aux mines, dont ceux liés aux eaux. Hormis le cas de Cheratte en 2002, seuls des coups d'eau de faible importance ont été constatés (suite à des terrassements au Val-Saint Lambert; inondation de deux maisons à Fléron suite au déplacement non autorisé du ruisseau récepteur; jaillissement d'eau sous pression sur une ancienne issue colmatée dans une prairie à Haine-Saint-Pierre), ainsi que des infiltrations limitées autour de galeries bouchées par des aménagements mal conçus (Andenne-Strud) ou suite au colmatage de l'issue (Fléron).

    Contrairement à ce qui affirmé, il n'existe aucun indice de remontées d'eaux problématiques à Charleroi, ni d'ailleurs dans le Centre ou entre Charleroi et Flémalle (le coup d'eau de Saint-Vaast n'est pas lié au massif houiller). A Liège, seul le versant de la vallée de la Meuse à Cheratte et à Tilleur nécessite une surveillance rapprochée étant donné les risques d'instabilité. On y signale aussi quelques dizaines de cas très localisés d'infiltrations d'eau ne présentant pas de danger particulier.

    Par ailleurs, les mesures de mouvements de sol par interférométrie radar (mission "Après-mines" de l'ISSeP, convention Région wallonne-ISGB) ont clairement montré, au nord et à l'est de Liège, des mouvements résiduels, millimétriques, attestant que tant les tassements houillers que le gonflement des terrains suite aux remontées d'eau ont atteint des valeurs négligeables, conformément à la théorie.

    La stratégie actuelle de la Région peut se résumer en plusieurs axes:

    repérer et faire sécuriser un maximum d'issues de galeries d'exhaure par leur concessionnaire (dans le cadre du retrait des concessions minières), de manière à leur permettre de jouer aussi efficacement que possible leur rôle de drain, ceci en concertation avec les gestionnaires locaux des cours d'eaux, des routes et des réseaux d'égouttage;
    s'assurer que les puits de service sur galerie d'exhaure ne soient pas remblayés indûment (risque d'obstruction des galeries);
    collecter un maximum d'informations sur la localisation des galeries reprises par des ouvrages d'égouttage, avec les conditions d'aménagement; la collaboration des gestionnaires est souvent assez laborieuse;
    fournir des données sur les issues et puits aux autorités, bureaux d'études, chefs de projet, ou entrepreneurs afin d'éviter de créer des situations à risques;
    faire étudier les conséquences des remontées d'eaux minières dans les zones à risque (agglomération liégeoise étendue), dans le cadre de la subvention "Après-mines" à l'ISSeP;
    établir des piézomètres et un modèle piézométrique dans les zones à risques de Liège (Cheratte en particulier); surveillance piézométrique continue en cours;
    sur base des résultats de ces études et de ce suivi, rechercher de solutions techniques (une reprise de pompages d'exhaure dans le massif houiller est envisagée).

    Il n'existe aucun fonds d'indemnisation en cas de sinistre. La réglementation prévoit un régime de réparation pour les dommages d'origine minière, Il s'agit d'un régime de responsabilité objective, sans faute. Il couvre tous les types de dommages dus à l'exploitation de mines concédées, quel qu'en soit le type (de houille, métalliques, de fer, etc.). Le champ d'action de ce régime est donc bien plus étendu que celui du Fonds national de Garantie pour la Réparation des Dommages houillers, qui n'intervenait que pour les seuls concessionnaires de mines de houille qui y avaient cotisé après 1951 et qui avaient été reconnu insolvables, Dans tous les autres cas, le régime normal était d'application. Ce fonds a été dissous en 1997.

    Depuis 1997, c'est donc toujours au concessionnaire de réparer les dommages dus à la mine, selon une procédure amiable ou judiciaire. En cas d'insolvabilité ou de disparition du concessionnaire, la victime se retrouve sans possibilité de se voir indemniser, tout comme en matière civile ordinaire.