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L'éclairage public et la sécurité publique

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2010
  • N° : 74 (2010-2011) 1

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  • Question écrite du 04/11/2010
    • de STOFFELS Edmund
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    Dans certaines communes de l’arrondissement de Verviers, une polémique s’est installée suite à des décisions de différents conseils communaux de couper l’éclairage public entre une certaine heure le soir et une certaine heure le matin.

    Les défenseurs de la mesure argumentent qu’il s’agit de ne pas seulement revendiquer des mesures d’économie d’énergie mais de passer à l’acte.

    Les opposants renvoient vers des problèmes en matière de sécurité publique.

    En tant que Ministre de l’Energie, la question concerne directement Monsieur le Ministre.

    Quelle est la quantité d’énergie que l’on pourrait économiser si toutes les communes se mettaient d’accord de limiter le nombre d’heures d’éclairage public pendant la nuit (p.ex. de le couper à partir de minuit et demi jusque cinq heures et demi le matin) ?

    Monsieur le Ministre va-t-il adopter une position commune avec son Collègue chargé des Pouvoirs locaux dans le but évidemment de formuler une recommandation qu'il adressera aux communes qui se portent avec le projet de limiter les heures d’éclairage public pendant la nuit ?
  • Réponse du 30/11/2010
    • de NOLLET Jean-Marc

    Afin de répondre de manière complète à la question qui vient de m'être posée, il convient d'analyser deux problématiques différentes. D'une part, quelles sont les obligations des communes en matière d'éclairage et comment ces obligations s'articulent avec les obligations de service public de GRD et ensuite quel est le potentiel réel d'économie d'énergie de la mesure proposée et ses implications publiques.

    Aucune disposition légale particulière n'oblige une commune à éclairer ses voiries. Cependant, les communes ont l'obligation d'assurer la sécurité des personnes et des biens sur leur territoire, notamment en prévenant tout danger caché ou apparent sur les voiries traversant leur territoire comme celui causé par une route en travaux par exemple.

    A ce titre, le Bourgmestre peut être tenu pénalement responsable d'un accident provoqué par un éclairage déficient ou absent.

    Prévenir du danger se conçoit au sens large. Cela peut être en éclairant mais aussi, par exemple, en mettant en œuvre des dispositifs de sécurité passive de type rétro-réfléchissants.

    A l'évidence, la plupart des voiries communales, quand elles ont initialement été conçues pour un éclairage, sont dépourvues de ces autres dispositifs de sécurité et peuvent donc se révéler potentiellement dangereuses si l'on coupe purement et simplement l'éclairage.

    Cependant, si une commune décide d'éclairer ses voiries, les installations qui seront réalisées devront respecter la norme technique NBN EN 13201 réglementant l'éclairage public en Belgique.

    Cette norme qui normalise, entre autres, la modulation du flux lumineux des lampes (dimming) en fonction des heures de la nuit et des catégories de voiries, n'aborde cependant pas le sujet de l'extinction totale de l'éclairage.

    Avec la libéralisation du marché de l'électricité, l'éclairage public est devenu un enjeu budgétaire majeur des communes pour lesquelles l'énergie consommée par l'éclairage public peut représenter de 50 à 60 % de leur facture d'électricité annuelle.

    Les économies à réaliser se situent pour l'essentiel sur la ligne de dépense énergie (environ 60% de la facture éclairage public) et, pour une part moins importante, sur le budget maintenance (environ 40% de la facture éclairage public).

    Depuis 2008 cependant, l'entretien des installations d'éclairage public a été reconnu comme obligation de service public à charge des Gestionnaires de réseau de Distribution et les communes n'ont plus de prise directe sur cette problématique.

    En ce qui concerne l'estimation de l'économie d'énergie qui pourrait être réalisée sur l'ensemble du réseau routier communal par coupure de l'éclairage la nuit, voici les données retenues par notre région.

    Si l'on part d'un nombre moyen annuel d'heures de fonctionnement de 4.100 heures, et sachant que sur les voiries communales de Wallonie on compte environ 565.000 lampes de tout type pour une puissance installée de 62 MW, on obtient, pour une coupure totale (1) de l'éclairage entre minuit et demi et cinq heures et demie du matin. un potentiel d'économie annuelle maximal de 113 GWh soit 45,6% de la consommation actuelle.

    Si l'on tient compte de tous les paramètres, on peut donc estimer que cette économie d'énergie se trouve dans une fourchette allant de 20 à 30% de la consommation actuelle totale.

    Une table ronde a été organisée en 2007 sur !e sujet. Elle regroupait tous les acteurs concernés parmi lesquels on trouvait des membres des cabinets, des intercommunales, des communes et des administrations régionales (ex MET, DGPL, DGTRE).

    Elle avait mis en évidence à l'époque la difficulté technique de satisfaire à la « carte» les demandes des communes pour modifier les plages horaires de l'éclairage public notamment à cause du chevauchement fréquent de deux communes sur une même cabine de gestion de l'éclairage impliquant par conséquent un horaire commun.

    Si l'on aborde le problème d'un point de vue sécurité, cette table ronde avait aussi attiré l'attention sur la difficulté d'adaptation visuelle pour l'usager qui traverse des voiries régionales et communales non soumises au même horaire et qui passerait brusquement d'une zone éclairée à une qui ne l'est pas.

    En outre, les avis et résultats d'études sont partagés et nuancés quant à l'effet de la lumière sur l'amélioration de la sécurité routière et dans la lutte contre la criminalité.

    Les divergences au niveau des résultats des études reposent notamment sur le caractère plutôt rural ou plutôt urbain de l'agglomération étudiée.
    Un élément commun cependant ressort de ces études : la sécurité publique est plus liée à la continuité de l'éclairage c'est-à-dire à l'absence de zones d'ombre qu'à l'intensité de cet éclairage.

    Ainsi, en regardant dans notre région, nous avons quelques exemples concrets intéressants.

    La ville de Mons a entièrement reconnu son éclairage public en abaissant de manière générale le niveau d'éclairement mais sans opter pour une extinction nocturne.

    Les premières analyses de la criminalité montrent qu'il n'y a pas d'augmentation du nombre ou de la gravité des actes répréhensibles et qu'en outre, il y a moins de vandalisme sur ce nouvel éclairage, moins agressif en matière de luminosité.

    Dans un autre environnement, la commune d'Amel a quant à elle opté pour une coupure nocturne n'entrainant visiblement pas d'effets négatifs non plus.

    Tous ces éléments nous amènent à la conclusion que réaliser des économies d'énergie et assurer la sécurité des usagers ne sont pas des objectifs incompatibles mais que cela nécessite une réponse au cas par cas, en s'inscrivant dans une réflexion plus globale sur l'éclairage qui répondrait aux questions de type :
    L'éclairage est-il vraiment nécessaire ou un simple balisage peut-il suffire ?
    Quelles sont les zones à éclairer ? La chaussée, le trottoir, les deux ?
    Quand éclairer ? ...

    Cette étude approfondie impliquant tous les intervenants, les contraintes techniques et le respect des normes en vigueur permettrait à chaque commune de suivre la recommandation le plus importante à mon sens à savoir celle d'éclairer « juste ».

    Je tiens en outre à souligner qu'il existe actuellement des outils à la disposition des communes comme un manuel de bonnes pratiques édité par l'Union de Villes et Communes de Wallonie qui explique ces différents concepts.



    (1) Par total on entend sans tenir compte, par exemple, de la nécessité de maintenir éclairés certains points singuliers du réseau routier ou certains quartiers pour maintenir la sécurité publique et sans tenir compte des investissements parfois très importants qui sont nécessaires.