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Les nouveaux défis en termes d'organisation du travail

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2010
  • N° : 87 (2010-2011) 1

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  • Question écrite du 05/11/2010
    • de STOFFELS Edmund
    • à ANTOINE André, Ministre du Budget, des Finances, de l'Emploi, de la Formation et des Sports

    Des tendances comme l’individualisation et la flexibilité du marché du travail font apparaitre de nouvelles formes d’organisation du travail.

    Dans certains secteurs, la relation régie par un contrat de travail entre un employeur et un travailleur est de plus en plus remplacée par un partenariat ou un réseau entre entrepreneurs indépendants. Je ne parle pas des « faux indépendants » mais d’indépendants qui s’organisent en réseau.

    Ce mécanisme permet de partager les tâches et d’être complémentaires au sein de ces réseaux. Cette forme de collaboration est un phénomène relativement neuf.

    Que penser de cette évolution, notamment en termes de formation et d’emplois (dans certains métiers, la pénurie de main d’œuvre pose des défis importants) et de création d’emplois ?
  • Réponse du 09/12/2010
    • de ANTOINE André

    La question posée fait référence à une forme de flexibilisation et d'individualisation des relations de travail. Ces deux évolutions marquent les relations de travail depuis les années 1980 et prennent des formes diverses (polyvalence, contrats atypiques, horaires de travail, flexibilité salariale, etc.).

    Les transformations des relations de travail, l'évolution du droit du travail et les moyens de sécuriser les parcours professionnels sont au cœur des réflexions de l'Union européenne depuis une dizaine d'années. La réflexion a été initiée à la suite du Rapport Supiot sur l'avenir de l'emploi et se poursuit aujourd'hui dans le cadre des stratégies de « flexicurité ». Un consensus existe aujourd'hui pour veiller à compenser l'accroissement de la flexibilité par des dispositions visant à la sécurité dans l'emploi. C'est dans cette perspective que peut être réfléchie la question relative au développement de réseaux d'entrepreneurs indépendants en lieu et place de relations plus traditionnelles de travail.

    Le cas de figure évoqué renvoie à ce que certains ont appelé le glissement de la société salariale à la société entrepreneuriale. Jusqu'aux années 1980, l'attention des économistes et des responsables politiques a été principalement focalisée sur la grande entreprise, perçue comme moteur d'innovation et de croissance et créatrice d'emplois.

    Le déclin des grands secteurs industriels et le chômage de masse ont conduit à voir dans la création d'entreprises, mais aussi d'activités indépendantes, un des vecteurs de création d'emplois et à une valorisation de l'entrepreneur.

    Tant les orientations européennes (Stratégie européenne pour l'emploi, 1997; stratégie de Lisbonne, 2000, Stratégie EU2020 aujourd'hui) que les politiques régionales (Contrats d'avenir, Plan Marshall) ont inscrit la promotion de l'esprit d'entreprise parmi leurs priorités.

    En Wallonie, on assiste à une augmentation significative du nombre d'indépendants. Comme l'indiquent les chiffres-clés de l'IWEPS (à paraître en décembre), le nombre d'indépendants (non compris les aidants) a en effet augmenté de 8% en dix ans (période 2000-2009). Cette évolution est le reflet d'évolutions différenciées selon les statuts: la faible hausse du nombre d'indépendants à titre principal (+1,6%) et du nombre d'actifs après l'âge de la pension (+0,2%) est contrebalancée par une hausse considérable des indépendants à titre complémentaire (+36%), en particulier chez les femmes.

    Deux observations peuvent être émises quant aux travailleurs indépendants.

    D'abord, de nombreux travaux de recherche mettent l'accent sur les processus de socialisation (origines sociales, milieu familial, expérience professionnelle) et comment ceux-ci orientent vers la création d'entreprise. En particulier, les travaux de l'IWEPS insistent aussi sur l'importance du capital scolaire et social dans la primo-création d'entreprise.

    D'autre part, l'indépendant ne dispose pas de la protection de l'emploi et du revenu dont bénéficient les salariés.

    Cette forme de travail se distingue aussi des formes salariées de travail par la nature des subordinations. Si le travail indépendant échappe à la relation hiérarchique classique, elle n'en reste pas moins soumise à d'autres formes de dépendances ou de tutelle (marché, clients, fournisseurs, créanciers, Etat) et s'inscrit dans un système complexe de contraintes.

    Le glissement de formes de travail salarié vers le travail indépendant peut parfois relever d'un travestissement de la relation hiérarchique. Comme le souligne la Commission européenne, « L'apparition de formes de travail atypique variées a estompé les frontières entre le droit du travail et le droit commercial. La distinction binaire traditionnelle entre «salarié» et «travailleur indépendant» n'est plus le reflet fidèle de la réalité économique et sociale du travail. Des différends peuvent survenir à propos de la nature juridique d'une relation de travail lorsque celle-ci est déguisée ou lorsque de véritables difficultés se posent pour faire coïncider de nouvelles modalités de travail dynamiques avec la relation de travail traditionnelle» (Commission européenne, 2006).

    Le défi posé par la question est dès lors bien celui de la sécurisation des parcours professionnels.

    Les pratiques de partenariat entre indépendants peuvent prendre des formes diverses. Elles relèvent de la liberté entrepreneuriale et témoignent de la créativité de leurs initiateurs. On peut au moins distinguer deux formes de partenariat: le partenariat fonctionnel (comme le partage d'infrastructures, de secrétariat, de services) ou le partenariat stratégique visant au développement de produits ou services conjoints ou complémentaires.

    Si ces formes de partenariat peuvent apporter une plus-value (effet d'engrenage, ouverture de nouvelles perspectives), il convient que les entrepreneurs fassent preuve de prudence afin d'éviter que les éventuelles difficultés rencontrées par un des partenaires ne s'étendent aux autres. II s'agit là d'un aspect classique des relations d'interdépendance qui ne se limite pas aux indépendants (voir par exemple le cas des entreprises sous-traitantes).

    L'indépendant (comme la PME) ne dispose pas toujours de toutes les ressources utiles pour saisir pleinement les défis des transformations des économies, qu'ils soient technologiques ou liés à la globalisation.

    Ainsi, le partenariat entre indépendants ou PME peut se penser à l'échelle internationale afin d'accroître les perspectives d'exportation. La multiplication des débouchés peut en effet, à certaines conditions, être un gage de stabilité de l'activité.

    Mais un encadrement de ce type de partenariat est essentiel. C'est dans cette perspective que les pouvoirs publics, à travers l'AWEX, soutiennent par exemple le dispositif de partenariat interentreprises organisé par l'UCM. Il s'agit de soutenir les entrepreneurs à développer leur potentiel de marché, identifier le profil du partenaire recherché, négocier le partenariat.

    Les partenariats entre indépendants constituent sans doute une perspective de développement de l'activité économique. Ils sont à encourager s'ils ne relèvent pas du phénomène des « faux indépendants ».