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La question de savoir si l'Allemagne croit encore en l'Europe

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2010
  • N° : 32 (2010-2011) 1

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  • Question écrite du 23/11/2010
    • de STOFFELS Edmund
    • à DEMOTTE Rudy, Ministre-Président du Gouvernement wallon

    Depuis que nous connaissons la crise qui frappe la Grèce, l’UE tente de mettre en œuvre des plans de stabilisation de l’Euro et des plans de sauvetage. D’abord, nous devons constater la lenteur de la mise en place de tels plans. L’UE est-elle capable de réagir plus rapidement pour faire face aux attaques des spéculateurs ?

    Chaque proposition en la matière était immédiatement suivie de réticences ou de réserves. La recherche d’un consensus européen s’apparente souvent à la fameuse procession d’Echternach.

    Ensuite, on doit se poser si c’est toujours l’UE qui est aux commandes. N’est-ce pas plutôt l’alliance franco-allemande qui forge les plans et l’UE qui se contente du rôle de commentateur ?

    Citons le Ministre allemand des Affaires étrangères. Il traduit l’attitude de son pays : « l’Allemagne défendra désormais ses intérêts nationaux avec beaucoup de vigueur. » (source : Financial Times du 25 mai 2010). L’intérêt européen n’est-il rien d’autre qu’un assemblage d’intérêts nationaux ? L'objectif de l’UE n’est-il rien d’autre que de maximiser la recherche des profits nationaux ?

    Monsieur le Ministre-Président a été plus proche des Européens pendant les derniers mois. Quelle est son impression concernant la question ? Y a-t-il un projet de solidarité au niveau européen ? Ou est-ce un chacun pour soi ? Quels sont les échos qu'il pu entendre en la matière ? Y a-t-il encore un vrai projet européen ? C’est évidemment primordial pour nous car, au moment où la Belgique serait la cible des spéculateurs, à quoi doit-on s’attendre ?
  • Réponse du 15/12/2010
    • de DEMOTTE Rudy

    Je remercie l'honorable membre de sa question qui a l'avantage, tout en étant ancrée dans l'actualité récente - à savoir la crise financière internationale, les efforts en vue de stabiliser l'Euro et de créer une gouvernance macroéconomique au niveau de l'UE - d'inviter à la réflexion prospective sur l'avenir de la construction européenne.

    Ainsi que l'honorable membre le sait, l'Allemagne est, avec la France, à l'origine de la construction européenne. Certes d'autres Etats européens, au nombre desquels la Belgique, se sont joints à cette remarquable aventure. Mais reconnaissons-le sans le couple franco-allemand, cette construction n'aurait pu voir le jour ni, a fortiori, prospérer. L'Allemagne en est demeurée, au fil des ans, à travers ses avancées et ses vicissitudes, un pilier majeur. Sa contribution fut décisive : depuis la création de la Communauté européenne du Charbon et de l'Acier (CECA) en 1951 jusqu'à la signature du Traité de Lisbonne, en 2007, il n'y a pas eu une étape majeure de l'intégration communautaire européenne où l'Allemagne n'a pas joué de rôle majeur, sinon déterminant.

    Il est vrai que la Chute du Mur de Berlin, en 1989, la réunification allemande, en 1990, et, de manière générale, la fin des totalitarismes en Europe centrale et orientale, ont profondément modifié la donne géopolitique et diplomatique de l'Allemagne et de l'Europe. A la suite de ces bouleversements, l'Allemagne réunifiée a retrouvé une place charnière au cœur du continent européen et, en particulier, au sein de ce que l'on appelait au 19e siècle la Mitteleuropa. Elle a retrouvé dans cette région une influence qui avait en quelque sorte été mise entre parenthèse durant la «Guerre Froide ». D'aucuns ont alors prêté à l'Allemagne la tentation d'un sonderweg, un «autre chemin» que celui de l'arrimage ferme à l'Europe de l'Ouest et à la construction communautaire européenne.

    La réalité est plus complexe. Depuis une vingtaine d'années, l'Allemagne réunifiée, à la politique extérieure plus audacieuse, joue le rôle d'un « pont» précieux entre l'Europe occidentale et l'Europe centrale et orientale - des catégories géopolitiques en vérité désormais en partie obsolètes. Ce rôle de lien et d'intermédiaire entre l'Union européenne en expansion et les pays émancipés de l'ex-Union soviétique est particulièrement utile dans le contexte de l'élargissement à l'Est, auquel Berlin est favorable. Ce faisant, Berlin sert certes ses intérêts nationaux mais aussi ceux de la construction communautaire européenne.

    Je pense qu'il en va globalement de même pour la politique menée par l'Allemagne dans les différents domaines de compétence de l'Union, en ce compris les questions économiques et financières, le soutien à l'Euro et la gouvernance macro-économique européenne.

    En ce qui concerne le couple franco-allemand, je dirais que le jugement de l'honorable membre est fondé mais trop pessimiste. J'ai rappelé à quel point le couple franco-allemand avait joué un rôle moteur lors de chacune des grandes phases de la construction européenne que j'ai évoquée plus haut, un « couple» incarné successivement par le tandem De Gaulle-Adenauer, Giscard d'Estaing-Schmidt, Mitterrand-Kohl et, aujourd'hui, Sarkozy-Merkel. Pourquoi s'offusquer de ce que, ce faisant, l'Allemagne et la France défendent aussi leurs intérêts nationaux? Considérons plutôt que cette impulsion demeure globalement profitable à la construction européenne, à côté de celles données par la Commission européenne et, désormais, par la Présidence permanente du Conseil Européen.

    Par ailleurs, je ne pense pas, contrairement à un vieil adage propre au milieu diplomatique européen qu'une fois que l'Allemagne et la France ont scellé un accord, ite missa est (que «la messe serait dite»). France et Allemagne s'entendent certes largement pour confectionner l'agenda des travaux européens. Cela ne signifie pas pour autant que les autres Etats-Membres n'ont pas leur mot à dire, dans le débat et lors de la décision finale.

    Enfin, l'honorable membre m'interroge sur la « solidarité» européenne que j'aurais constatée - ou non- dans mes rencontres avec mes pairs, lors des réunions, ministérielles et autres, que j'ai présidées ces derniers mois, dans le cadre de la Présidence belge de l'UE. Je ne puis lui répondre qu'en ce qui concerne les travaux relatifs à la Politique de Cohésion économique et sociale que j'ai présidés, en ma qualité de Président en exercice de l'UE, lors de la Réunion ministérielle informelle de Liège des 22 et 23 novembre derniers. Et dans ce cadre, je peux vous dire que la grande majorité des délégations nationales s'est prononcée en faveur d'une Politique de Cohésion continuant à couvrir l'ensemble du territoire de l'Union ainsi qu'en faveur d'une poursuite de l'aide aux régions en retard de développement. Ce qui, je pense, apporte un élément de réponse plutôt positif à la question de l'honorable membre.