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Les économies en coûts de santé résultant d'une politique climatique ambitieuse

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2010
  • N° : 40 (2010-2011) 1

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  • Question écrite du 23/11/2010
    • de DESGAIN Xavier
    • à TILLIEUX Eliane, Ministre de la Santé, de l'Action sociale et de l'Egalité des chances

    L’Alliance pour la santé et l’environnement (HEAL) et le Health Care Without Harm Europe (HCWH Europe) ont récemment publié un rapport fort intéressant qui a notamment eu pour objectif de chiffrer les économies qui pourraient être réalisées en termes de santé grâce à la mise en œuvre d’une politique climatique ambitieuse, c’est-à-dire une réduction des émissions de gaz à effet de serres de 30% en 2020.

    En effet, parallèlement à la diminution des émissions des gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique, une politique ambitieuse en la matière aura comme conséquence une réduction d’un certain nombre de polluants atmosphériques tels que les particules fines, les oxydes d’azote ou les dioxydes de soufre associés à la production d’énergie et aux transports. Ce qui aurait pour effet une diminution des maladies respiratoires et cardiaques.

    Ainsi, le rapport chiffre les économies de coûts de santé pour les Etats membres qui pourrait atteindre les 30 milliards d’euros d’ici 2020 pour l’ensemble des pays de l’Union européenne. Sachant que ces coûts n’intègrent même pas l’impact plus large du changement climatique sur la santé causé par des phénomènes tels que des vagues de chaleur, ou encore le développement de maladies tropicales. De la même manière, ne sont pas pris en compte les bénéfices en termes de santé résultant d’une politique visant à réduire nos émissions de CO2. En effet, en promouvant davantage marche ou vélo et en améliorant dès lors la condition physique de nos concitoyens, l’on pourrait également s’attendre à une réduction de certaines maladies, telles que les maladies cardio-vasculaires, le diabète, les cancers ou encore les dépressions.

    Le rapport identifie enfin le fait que ces 30 milliards d’euros s’additionneront aux bénéfices en matière de santé attendus d’un passage aux 20% de réduction d’émissions de gaz à effet de serre tels que prévu actuellement dans le paquet énergie/climat européen, et les bénéfices sont alors estimés à 52 milliards d’euros par an en 2020.

    Madame la Ministre a-t-elle connaissance de ce rapport ? Partage-t-elle ces conclusions ? Comment compte-t-elle les intégrer dans sa politique en matière de santé ?
  • Réponse du 15/12/2010
    • de TILLIEUX Eliane

    Par-delà l'aspect humain, de nombreuses questions se posent pour l'avenir de notre sécurité sociale et notre modèle belge de prise en charge des coûts et des soins de santé. Face à la chute de la natalité, au vieillissement démographique - avec une arrivée massive, à l'âge de la retraite, de la génération du baby-boom à partir de 2010 -, aux changements comportementaux, aux facteurs environnementaux, au développement technologique, la question se pose de fait de savoir si et dans quelle mesure les dépenses de soins de santé vont augmenter, et comment y faire face dans une société belge en plein questionnement sur son fonctionnement et son devenir.

    L'étude et la connaissance doivent précéder l'action pour asseoir des politiques solides. L'évaluation de politiques dépend en effet de la crédibilité des hypothèses de base à propos de certains facteurs clés. En ce qui concerne les changements climatiques, les sources d'information ne manquent pas au plan international, à défaut d'études belges recensées (1) , à côté du rapport que l'honorable membre mentionne.

    Ainsi, dans le cadre du programme CLEAN AIR FOR EUROPE (CAFE), une analyse coût-bénéfices de scénarios relatifs à la qualité de l'air apporte des éléments intéressants (2). Aux termes du rapport, l'analyse coût-bénéfice mentionnée a pu établir un lien entre des changements en NOx, PM2.5 et S02 et différents effets sur la santé incluant la mortalité, l'incidence sur les bronchites, les admissions hospitalières pour maladies respiratoires et cardiaques, et différents autres effets tels que des restrictions aux activités journalières et une augmentation de l'incidence des symptômes d'asthme. Les effets quantifiés ont été monétisés.

    Les résultats indiquent que la politique climatique génèrerait, au travers de la réduction de polluants atmosphériques, des avantages significatifs pouvant varier de 10 à 50 billions d'euros par an, et ce sans même inclure tous les impacts des polluants cités.

    L'Agence européenne de l'environnement, dans un rapport publié en 2006 (3), explore les bénéfices possibles de politiques climatiques sur la qualité de l'air et les coûts de la réduction de la pollution de l'air. Outre une réduction du nombre de décès prématurés imputables à la pollution par l'ozone et les fines particules PM 2.5, les coûts évités en matière de santé pourraient être évalués entre 16 et 46 billions d'euros par an.

    Dans le cas de vagues de chaleur, il apparaît que les conditions socio-économiques et notamment les conditions d'habitation sont importantes pour prévenir la mortalité. Les coûts d'une politique sociale et du logement doivent être inclus dans l'analyse.

    L'OCDE, dans un document de travail du 6 juin 2008 (4), considère que les politiques, et particulièrement les politiques environnementales, qui améliorent la qualité de l'air sont généralement rentables, même lorsque seules les prestations de soins de santé sont prises en considération. Les avantages pour la santé des interventions sur l'environnement représenteraient environ 70-80% du total des bénéfices, bien qu'il y ait beaucoup de variations. Ce rapport estime nécessaire d'investir davantage à la fois dans le suivi environnemental et la surveillance, la réduction des émissions et concentrations de polluants qui ont les effets les plus importants et néfastes sur la santé humaine, dans les études épidémiologiques et dans la recherche axée sur la prévention et l'action.

    Comme j'ai eu l'occasion de le préciser lors de la réponse à la précédente question parlementaire de l'honorable membre relative aux changements climatiques sur la santé, seul un plan global et intégré relatif aux changements climatiques pourra répondre aux enjeux climatiques.

    Ainsi que le montre un rapport publié en mai 2009 (5), la gestion des effets sanitaires du changement climatique requiert des inputs de toutes les compétences gouvernementales, de tous les secteurs de la société civile, de nombreuses disciplines académiques et d'une coopération internationale renouvelée. Les conclusions du Sommet de Cancun montreront si chacun prend la mesure des enjeux et des responsabilités au plan international. Pour ce qui me concerne, je souhaite, avec mon collègue Philippe Henry et l'ensemble du Gouvernement, avancer de concert sur ce projet et mener les réflexions nécessaires avec les autres entités fédérées ainsi que le fédéral, compétent en matière de soins de santé. Le développement de procédures harmonisées d'évaluation de l'impact sanitaire des effets climatiques doit en faire partie (6).



    (1) Le Bureau fédéral du Plan n'a pas connaissance d'étude spécifiquement belge sur la question.
    (2) Assessing the air pollution benefits of further climate measures in the EU up to 2020, november 2006, Service Contract for Carrying out Cost-Benefit Analysis of Air Quality Related Issues, in particular in the Clean Air for Europe (CAFE) Program.
    (3) Air Quality and ancillary benefits of climate change policies, EEA Technical Report, N°4/2006
    (4) Scapecchi, P. (2008), The Health Costs of Inaction with Respect to Air Pollution, OECD Environment Working Papers, No. 2, OECD Publishing.
    (5) Lancet and University College London Institute for Global Health Commission, Managing the health effects of climate change, www.thelancet.com Vol 373 May 16,2009.
    (6) L'évaluation de l'impact sanitaire - Health impact assessment (HIA) - est définie comme une combinaison de procédures, de méthodes et d'instruments par lesquels une politique. un projet ou autre peut être évalué en ses impacts potentiels sur la santé de la population et la distribution de ces effets au sein de la population.