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L'exportation d'uranium appauvri vers l'Iran par l'entreprise MDS Nordion

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2010
  • N° : 35 (2010-2011) 1

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  • Question écrite du 23/11/2010
    • de DESGAIN Xavier
    • à DEMOTTE Rudy, Ministre-Président du Gouvernement wallon

    D’après le journal « De Tijd », l'entreprise MDS Nordion, l'un des principaux fournisseurs en isotopes médicaux et de produits radio-pharmaceutiques qui occupe 103 personnes à Fleurus et qui est installée autour de l’Institut des radio-éléments, a livré en octobre 2009 des produits de radio-pharmacie à usage médical à l'Iran, entourés d'une protection composée d'uranium appauvri. Le Ministre du Climat et de l'Energie, Paul Magnette (PS), avait affirmé le mardi 9 novembre en Commission de la Chambre que deux plaintes avaient été déposées devant les instances judiciaires, l'une pour l'exportation de poudre de zirconium vers l'Iran en 2008 et l'autre pour l'exportation d'uranium appauvri vers l'Iran également, sans autre précision de date - à chaque fois sans délivrance des autorisations requises.

    Toujours selon « De Tijd », la Région wallonne aurait "oublié" l'existence de la protection en uranium appauvri des produits exportés par MDS Nordion et en aurait autorisé l'exportation.

    Dans un contexte où l’Iran cherche manifestement à acquérir la maîtrise de l’arme nucléaire et de fabriquer ce type d’armement, ce qui représente une menace pour la stabilité de cette partie très sensible de notre planète, il faut être très attentif au fait que l’Iran fait son shopping partout où c’est possible pour obtenir du matériel radioactif et l’utiliser à des fins militaires et non civiles. Il me semble indispensable d’avoir une vigilance redoublée par rapport aux exportations de matériels civils dont les usages peuvent à la fois être civils et militaires. L’article 6, §1er, VI, 1er alinéa, 4°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, précise bien la responsabilité régionale sur ce type de produits et matériels puisqu’il précise que la Région est compétente pour :

    « 4° L’importation, l’exportation et le transit d’armes, de munitions, et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l’ordre et de la technologie y afférente ainsi que des produits et des technologies à double usage, sans préjudice de la compétence fédérale pour l’importation et l’exportation concernant l’armée et la police et dans le respect des critères définis par le Code de conduite de l’Union européenne en matière d’exportation d’armements ».

    A ce propos, Monsieur le Ministre peut-il me repréciser la procédure qui doit être suivie pour l’exportation de matériel susceptible d’avoir une utilisation tant civile que militaire et me faire savoir si l’entreprise MDS, filiale de la multinationale Nordion, a respecté cette procédure ? Une demande d’exportation a-t-elle été adressée en bonne et due forme auprès des services concernés de la Région wallonne ? Si oui, quel a été le suivi de cette demande ?

    Quelle était la quantité d’uranium appauvri concernée ? Celle-ci a-t-elle conduit à la prise en compte de la demande comme une demande d’exportation d’armements et de matériel susceptibles d’avoir une utilisation à des fins militaires, ou a-t-elle débouché vers une non prise en compte de la sensibilité de la demande, permettant alors l’exportation du matériel concerné vers l’Iran ?

    Sinon, quelle a été et quelle sera la réaction de la Région wallonne au cas où la procédure légale n’aurait pas été respectée par MDS vis-à-vis de la Région wallonne ?

    La Région va-t-elle se joindre à la plainte fédérale ?

    Un contrôle plus renforcé ou plus proactif est-il envisagé vis-à-vis de l’entreprise concernée ?
  • Réponse du 15/12/2010
    • de DEMOTTE Rudy

    En réponse à la question écrite de l'honorable membre, il est porté à sa connaissance les éléments suivants.

    Il convient, tout d'abord, de rappeler brièvement les compétences de la Wallonie et de l'Etat fédéral.

    Depuis 2003, la matière relative à l'importation, l'exportation et au transit d'armes a été régionalisée. Il appartient donc aux régions d'examiner les demandes de mouvements depuis ou vers l'intérieur du pays pour :

    - les armes, c'est-à-dire les produits définis comme tels par la loi du 5 août 1991relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente et l'arrêté royal du 8 mars 1993 réglementant l'importation, l'exportation et le transit d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire et de la technologie y afférente (tel que modifié par l'arrêté royal du 2 avril 2003);
    - les biens à double usage, c'est-à-dire certains biens vises par le Règlement européen n° 1334/2000 du Conseil du 22 juin 2000, instituant un régime communautaire de contrôle des exportations de biens et technologies à double usage.

    Lorsqu'une entreprise souhaite exporter ou importer un bien ou un produit visé par ces textes, elle est tenue d'obtenir une licence préalable du Gouvernement wallon pour pouvoir procéder à l'opération.

    Dans ce cadre, il appartient à la Wallonie de vérifier si un produit est visé par un régime de contrôle ou est frappé par un embargo.

    Par ailleurs, pour les exportations de produits non visés par les textes précédents, la Wallonie peut être amenée à délivrer, à la demande de l'entreprise, une « attestation de non visé ». Il s'agit de documents garantissant que le bien ou le produit dont question n'est pas visé par ces textes légaux et que son exportation n'est donc pas soumise à l'obtention d'une licence régionale. Généralement, ce document est demandé par les douanes.

    Dans ces cas, le contrôle de la Wallonie, à l'inverse de celui qui est effectué pour les exportations de produits soumis à licence, se limite uniquement à vérifier que le produit n'est visé ni par l'arrêté royal de 2003 ni par le règlement européen de 2000.

    Parallèlement, lorsqu'une entreprise souhaite exporter des biens ou produits susceptibles d'être utilisés à des fins nucléaires, il lui appartient d'obtenir une autorisation préalable du Ministre fédéral de l'Energie, en vertu de l'arrêté royal du 16 juillet 1993 modifiant l'arrêté royal du 12 mai 1989 relatif au transfert à destination des pays non dotés d'armes nucléaires, des matières nucléaires, des équipements nucléaires, des données technologiques nucléaires et leurs dérivés et de l'annexe de cet arrêté.

    La matière du nucléaire relève, en effet, toujours, de l'Etat fédéral. A ce titre, la Commission d'avis pour la non prolifération des armes nucléaires (CANPAN) est un organe dépendant du Ministère fédéral des Affaires économiques.

    Le même arrêté royal prévoit que, lorsqu'un transfert de marchandises nucléaires ou de données technologiques nucléaires n'est pas subordonné à licence, l'auteur de ce transfert en informe préalablement la commission consultative.

    Concernant les faits récents évoqués dans la question :

    La firme NORDION, établie en Wallonie, fabrique divers produits dont des « Gammamat » qui sont de petites caméras mobiles qui permettent de vérifier les soudures à l'intérieur de tuyaux.

    Les images prises par ces appareils le sont grâce à une source radioactive placée au sein de la machine. Pour protéger les utilisateurs desdites machines, cette source radioactive est entourée d'une protection qui peut être en plomb ou en uranium appauvri.

    Le « Gammamat » est un appareil très coûteux, acheté pour ses propriétés et fonctions spécifiques. Il semble, dès lors, très peu probable que quiconque puisse songer à l'acquérir dans le but d'obtenir de l'uranium appauvri.

    II faut, en effet, savoir que, dans l'hypothèse où la protection de l'appareil contient effectivement de l'uranium appauvri, c'est en quantité extrêmement faible (quelques kilos).

    Or, compte tenu de sa composition, l'uranium appauvri doit être acquis en très grandes quantités (plusieurs tonnes) pour représenter un danger potentiel.

    Deux attestations de « non visé» (ANV) ont été délivrées - en 2008 et en 2009 - concernant l'exportation de « Gammamat » vers l'Iran par la firme Nordion, sur base desquelles elle a procédé à deux exportations de « Gammamat »  .

    Elle n'a pas introduit de demande complémentaire au niveau fédéral, comme elle était tenue de le faire.

    C'est pour cette raison que des plaintes ont été déposées contre la Firme Nordion qui a, d'ailleurs, reconnu son erreur, qu'elle dit avoir commise de bonne foi.

    En conclusion, tant l'autorité régionale que l'autorité fédérale ont bien exercé leurs compétences respectives. Elles ne sont d'ailleurs pas mises en cause. Les plaintes déposées suite à la non-introduction par la firme de demandes requises auprès de l'autorité fédérale confirment, en outre, que le contrôle du respect de la législation en vigueur dans ce domaine est effectif.