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La question de savoir si nous sommes à l'abri des spéculateurs

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2010
  • N° : 118 (2010-2011) 1

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  • Question écrite du 24/11/2010
    • de STOFFELS Edmund
    • à ANTOINE André, Ministre du Budget, des Finances, de l'Emploi, de la Formation et des Sports

    « La Belgique est dans le viseur » tel est le titre du Financial Times allemand. Mais devons-nous vraiment nous faire des soucis de subir une attaque des spéculateurs sur les bons d’état belges . Pour l’instant, il semble que non, mais le temps peut très vite changer.

    Les marchés sont inquiets. Ils craignent que le pays n’arrive pas à assainir sa situation financière tant que la Belgique n’a pas de Gouvernement fédéral qui puisse prendre des mesures.

    De ce fait, les investisseurs réclament des suppléments pour couvrir leur risque – comme ils disent – lorsqu’ils achètent des bons d’état belges plutôt qu’allemands. Il est vrai que les points de base sont plus haut chez nous que chez nos voisins néerlandais, français ou allemands. Début septembre, le spread belgo-allemand était de 64 points de base pour monter fin septembre à 89 point de base.

    Actuellement, la Belgique est notée chez les agences rating (Standard & Poor’s, Moody’s, Fitch) avec une cote de AA+, directement après nos voisins qui obtiennent la cote AAA. C’est bien, mais ce n’est pas de nature à nous rassurer entièrement. En effet, il suffit de quelques turbulences dans la zone Euro pour que les investisseurs s’intéressent plus à nos voisins.

    En tout cas, la rumeur circule chez les investisseurs que les autorités belges n’ont pas vraiment la capacité de s’attaquer aux défis tant qu’un Gouvernement opérationnel n’est pas en place. Et plus le temps passe, plus la nervosité augmente.

    Ce sont actuellement plus les Anglo-Saxons qui nous ont pris dans leur viseur. Ils l’avouent ouvertement. Partant de l’hypothèse que notre pays – vu son endettement - fait partie des pays fragiles au sein de la zone Euro, le scepticisme gagne du terrain que nous serions incapables de résorber le déficit. D’où l’absolue nécessité de se montrer comme bon élève et de présenter des budgets en équilibre d’ici 2015 au plus tard. Sinon, on risque d’être piégés comme le sont actuellement la Grèce, l’Irlande, l’Espagne ou le Portugal.

    Heureusement que les spéculateurs ne croient pas vraiment au scénario d’une scission de la Belgique, sinon on serait déjà maintenant leur cible. Mais tout faux mouvement risque de nous entrainer dans un tel scénario.

    Dans la mesure où nous sommes une région qui interagit très fortement avec les autres entités et avec l’autorité fédérale, la question nous intéresse également. De ce fait, l'avis de Monsieur le Ministre sur la question nous intéresse. Quelle est donc son analyse de la situation ? Nous exposons-nous aux jeux des spéculateurs ? Comment pouvons-nous, en tant que Région, y faire face ? Quels sont ses contacts avec l’autorité fédérale en la matière ? Y a-t-il une concertation fédérale-fédérée sur la question ?
  • Réponse du 12/10/2011
    • de ANTOINE André

    «La Belgique est dans le viseur». Le titre du Financial Times allemand se veut accrocheur, mais les inquiétudes du marché sont bien réelles. L'honorable membre en conviendra, l'actuelle crise politique belge survient à un bien mauvais moment, alors même qu'il y a une crise des dettes souveraines dans la zone euro. Les investisseurs s'inquiètent notamment de la capacité de la Belgique à mettre en œuvre les réformes requises pour assainir les finances publiques.

    La crise de confiance de la zone euro est d'autant plus inquiétante qu'elle s'accompagne d'un ralentissement de la croissance aux Etats-Unis. Le spread, c'est-à-dire l'écart entre les obligations souveraines belge et allemande à 10 ans reflète bien cette crise de confiance. Il y a quelques années ce spread était d'une petite dizaine de points de base. Au mois de septembre 2010 ce spread est passé de 64 à 89 points de base, et il était supérieur à 230 points de base il y a quelques semaines. C'est le reflet, d'un côté, des inquiétudes relatives à la Belgique et, d'un autre côté, de l'image de sécurité qu'inspire l'Allemagne qui doit faire face à une demande massive pour ses obligations souveraines.

    Le risque pour la Belgique c'est que des fonds spéculatifs se mettent à vendre massivement les obligations émises par la Belgique, le prix de ces dernières va alors chuter fortement sur le marché secondaire, ce qui provoquerait mécaniquement une hausse importante de leur rendement. Dans un tel contexte, les investisseurs exigeront une prime plus élevée pour octroyer de nouveaux financements à la Belgique et indirectement également à la Wallonie.

    Cela étant dit, plusieurs éléments viennent relativiser les inquiétudes sur la Belgique, dont notamment:
    * Les fondamentaux sont bons. La Belgique n'a pas été paralysée par l'absence de gouvernement fédéral. Les gouvernements régionaux et communautaires ont continué à gouverner et le gouvernement en affaires courantes à fait du très bon travail. La Belgique devrait terminer l'année 2011 sur un déficit public de 3,3% du PIB.
    * Les accords engrangés au Fédéral notamment sur BHV (scission de l'arrondissement électorale), la loi spéciale de financement, ainsi que sur la simplification des institutions de Bruxelles-Capitale font souffler un vent d'optimisme sur la formation d'un gouvernement fédéral.
    * Le patrimoine financier net de l'ensemble des belges avoisine 210% du PIB. des ménages du pays est équivalente à la dette nette combinée des entreprises et de l'Etat. Rien que les comptes épargnes totalisent plus de 200 milliards d'euros.


    On me demande ce que peut faire la Wallonie pour faire face à la menace des spéculateurs ?
    1) Tout d'abord, notre priorité est de respecter les trajectoires budgétaires qui nous a été assignées, et de tout mettre en œuvre pour les améliorer afin de limiter l'endettement de la Wallonie. C'est ce que nous avons fait jusqu'à présent puisque, toutes choses restant égales par ailleurs, la Wallonie et la Fédération Wallonie-Bruxelles atteindront l'équilibre budgétaire en 2014, soit un an plus tôt que ce qui est prévu par les accords de coopération entre le fédéral et les entités fédérées. En 2010, l'amélioration des deux entités par rapport à l'accord de coopération se chiffre à 130 millions d'euros, alors qu'en 2011 il devrait atteindre 252 millions d'euros.
    2) Il faut savoir que la Wallonie est bien armée pour passer à travers des crises passagères. En effet, le contrat caissier de la Wallonie autorise un débit en compte courant à hauteur de 2 milliards d'euros, et les prises fermes négociées par la Wallonie pour un montant de 1,8 milliards d'euros, assurent la couverture, ne serait-ce qu'à court terme, des besoins de financement de la Wallonie pour 2011 et 2012, même si certains de ces montants devront être refinancés à long terme par après.
    3) Finalement, la Wallonie ayant profité l'année passée de la faiblesse des taux d'intérêt pour se financer sur de longues maturités (durée moyenne de 11 ans), elle peut, en cas de menaces des spéculateurs, emprunter sur des maturités plus courtes, qui sont moins couteuses, sans pour autant augmenter significativement le risque de refinancement de la Région dans les années à venir.


    Faut-il arrêter toute diversification de la base d'investisseur afin de ne pas être sujet aux spéculateurs?
    Il faut savoir que la Wallonie gère sa dette d'une manière différente de celle du Fédéral. Alors que ce dernier réalise essentiellement des placements publics, la Wallonie ne fait que des placements privés, qui sont caractérisés par une moindre transparence et une très faible liquidité. Le fait que la quasi-totalité des titres émis par la Région ne sont pas côtés sur un marché secondaire, n'est pas un problème pour la grande majorité des investisseurs qui prêtent des fonds à la Région, puisque ces derniers, belges ou étrangers, sont souvent qualifiés de « buy and hold », c'est-à-dire qu'ils conserveront leurs titres jusqu'à l'échéance finale du financement accordé.

    Même si le Fédéral est aujourd'hui confronté au revers de la médaille de la diversification de sa base d'investisseurs, a savoir que les investisseurs étrangers seront sans doute les premiers à vendre les obligations de la Belgique en cas de forte baisse du prix de ces dernières, je pense que, pour les raisons évoquées précédemment, la Wallonie ne doit pas se passer des bénéfices que peut apporter la diversification de sa base d'investisseurs, notamment à l'international. N'oublions pas que cette diversification a permis d'abaisser le coût du financement du Fédéral et de la Région.

    Je ne pense pas que la Région soit directement la cible des attaques des spéculateurs. En revanche, ce pourrait être le cas indirectement. Si les rendements des OLO augmentent, la prime exigée par les investisseurs pour prêter des fonds à la Wallonie augmentera automatiquement.

    Je tiens également à souligner, puisqu'on me pose la question, que nous avons développé des synergies avec le Fédéral et plus précisément avec son agence de la dette.