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Le caractère suspensif des recours contre un permis d'environnement introduit par une commune

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2010
  • N° : 261 (2010-2011) 1

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  • Question écrite du 29/11/2010
    • de STOFFELS Edmund
    • à HENRY Philippe, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité

    L’article 40, § 1er, du décret du 11 mars 1999 relatif au permis d’environnement dispose : « Un recours contre les décisions des autorités visées à l'article 13, alinéas 1er et 2, relatives à la délivrance des permis d'environnement pour des établissements autres que temporaires et contre l'absence de décision de ces autorités à l'expiration des délais visés à l'article 35 est ouvert auprès du Gouvernement à toute personne physique ou morale justifiant d'un intérêt ainsi qu'au fonctionnaire technique. ».

    L’article 40, § 2, du même décret dispose que : « Le recours n'est pas suspensif de la décision attaquée, sauf lorsqu'il est introduit par le fonctionnaire technique. ».

    Il s’ensuit que le recours n’est pas suspensif, si le recours est introduit par une personne physique ou morale ou par une commune.

    L’objectif du recours est que l’acte posé soit confirmé, infirmé ou modifié par l’instance de recours. L’instauration de la faculté d’introduire un recours est donc la traduction en droit positif d’un droit de base du demandeur du recours à voir l’acte posé confirmé, infirmé ou modifié.

    D’une part, la mise en œuvre de ce droit suppose que le demandeur ne sera pas mis devant le fait accompli avant que l’autorité de recours n’ait statué. Autrement, la mise en œuvre de ce principe peut nous mener à des situations absurdes.

    D’autre part, il y a lieu d’opter pour un dispositif qui n’ouvre pas la voie aux abus. En effet, si le recours introduit par un particulier ou un tiers aurait un caractère suspensif, nous ne sommes pas à l’abri que l’intérêt particulier soit en conflit permanent avec l’intérêt général.

    Distinguons trois types de situations qui peuvent donner lieu à un recours :

    1° le recours contre le permis d’environnement est introduit par le Fonctionnaire technique ou le Fonctionnaire délégué et a un caractère suspensif. Le caractère suspensif s’explique par l’intérêt général dont les fonctionnaires sont les garants. Il y a lieu, en effet, d’éviter que la durée de l’instruction d’un permis contre lequel le recours est introduit serve pour créer des faits accomplis;

    2° le recours est introduit par un particulier que ce soit une personne physique ou morale et il n’a pas de caractère suspensif. Le particulier, justifiant son intérêt, est censé représenter son intérêt particulier. Accorder un caractère suspensif à ce type de recours équivaut à ce que pour la durée d’instruction du recours, le particulier puisse suspendre les décisions du collège communal ou du fonctionnaire compétent. L’intérêt du particulier primerait sur l’intérêt général.

    3° le recours pourra être introduit par la commune, si le permis est directement accordé par le ou les fonctionnaires. Actuellement, ce recours n’a pas de caractère suspensif, alors que le collège communal est censé être le gardien de l’intérêt général (en ce compris le respect des règles) au même titre que le ou les fonctionnaires concernés.

    Accorder un caractère suspensif au recours introduit par un collège communal est considéré par certain comme exposant ce collège trop aux pressions politiques des uns et des autres. S’il est vrai que les élus locaux sont plus proches du citoyen, cela n’empêche pas que le Fonctionnaire soit quant à lui à l’abri de toute pression politique. A la différence près que le collège sera contrôlé par l’opposition communale qui pourra être plus aisément mobilisée par celui qui se sentirait lésé par un recours que ne peut l’être l’instance qui contrôle l’action du fonctionnaire.

    Considérant qu’il faudra éviter tout aussi bien que la commune comme le ou les fonctionnaires soient mis devant le fait accompli pendant que l’instance de recours statue sur le recours introduit à l’encontre d’un permis d’environnement, n’est-il pas utile de donner un caractère suspensif au recours s’il est introduit par le FD mais aussi s’il est introduit par le collège communal ?

    N’est-il donc pas utile d’étendre l’article 40, § 2, du décret du 11 mars 1999 relatif au permis d’environnement, en insérant après les mots « fonctionnaire technique » les mots « ou le collège communal » ?
  • Réponse du 31/01/2011
    • de HENRY Philippe

    Je tiens tout d'abord à préciser que, s'agissant de permis d'environnement, seul·le recours du fonctionnaire technique contre une décision communale est suspensif, Un recours introduit par un fonctionnaire délégué n'est suspensif que dans le cas d'un permis unique.

    Par ailleurs, avant de s'interroger sur la pertinence d'étendre ou non le caractère suspensif des recours introduits par le fonctionnaire technique contre une décision communale aux recours formulés par une commune contre une décision du fonctionnaire technique, il convient de rappeler les cas où ces communes ne sont pas l'autorité compétente.

    En vertu des dispositions de l'article 13 du décret du 11 mars 1999 relatif au permis d'environnement, le collège communal est compétent pour délivrer les permis d'environnement, sauf lorsque ceux-ci concernent:
    - les établissements mobiles;
    - les installations de gestion de déchets d'extraction minière telles que définies par le Gouvernement;
    - les établissements situés sur le territoire de plusieurs communes.


    Globalement, et en tenant compte du fait que la notion d'établissement mobile n'est pas d'application pour l'instant, on peut donc constater que le législateur a prévu deux cas de figure pour lesquels le collège communal n'est pas compétent eh matière de permis d'environnement.

    Les installations de gestion de déchets d'extraction minière constituant un domaine très particulier et marginal en termes de nombre de dossiers concernés, la majeure partie des recours introduits par une commune concernera des projets « classiques », normalement soumis à l'autorité du collège communal, mais qui échappent à cette autorité du fait de leur localisation sur le territoire de plusieurs communes.

    Si un tel projet avait été situé sur le seul territoire communal, la décision de la commune aurait eu un caractère contraignant pour le demandeur jusqu'à l'éventuelle décision prise sur recours. Par similitude, on pourrait donc, a priori, envisager d'établir un caractère contraignant (et donc suspensif) en cas de recours de l'autorité communale contre un projet situé sur le territoire de plusieurs communes.

    Cependant, il est également nécessaire de s'interroger sur les cas de figure où la commune serait amenée à introduire un recours contre une décision du fonctionnaire technique.

    L'expérience acquise montre que les permis d'environnement visant des établissements situés sur plusieurs communes concernent·quasiment exclusivement des renouvellements de permis d'exploiter concernant des établissements de taille significative. Il s'agit donc d'activités existantes, présentant des caractéristiques techniques souvent complexes.

    Le principe qui prévaut pour toute demande de permis analysée par le fonctionnaire technique consiste à vérifier qu'il n'existe pas de motifs pour refuser l'autorisation sollicitée. La décision finale résulte de l'analyse de la légalité du projet et de son impact pour l'homme et l'environnement. Les nuisances éventuellement subies par la population locale font l'objet d'une évaluation attentive systématique.

    Un projet refusé le sera donc en raison de motifs sérieux. On voit donc mal pour quelle raison il faudrait conférer un caractère suspensif à un recours introduit par l'autorité communale, au risque de permettre une activité manifestement nuisible pour l'homme et/ou l'environnement.

    A contrario, si un projet a été autorisé, c'est que rien ne s'opposait, légalement et réglementairement, à ce que ce soit le cas et qu'il a été estimé, sur la base des avis des différentes instances expertes consultées, que l'impact de ce projet ne serait significatif ni pour l'homme, ni pour l'environnement.

    A nouveau, il y a lieu de s'interroger sur la nécessité d'un recours suspensif qui aurait pour conséquence de stopper l'exploitation d'un établissement existant pendant l'instruction du recours, avec le risque d'éventuellement mettre en péril la pérennité de l'entreprise.

    Contrairement aux permis uniques pour lesquels le risque qu'un exploitant tente de créer une situation irréversible en débutant l'implantation de ses installations avant la décision finale a amené le législateur à rendre suspensif les recours des communes, l'octroi d'un caractère suspensif aux recours introduits par les communes contre les permis d'environnement délivrés par le fonctionnaire technique serait contre-productif dans la grande majorité des cas.

    Ces fonctionnaires représentent le Gouvernement wallon et sont les garants de l'intérêt général. Ils sont également les experts, d'un point de vue urbanistique et environnemental, sur l'avis desquels les communes s'appuient pour fonder leur décision lorsqu'elles sont autorité compétente. A ce titre, ils ne constituent pas seulement des références d'un point de vue technique mais également juridique.