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La différence entre la pauvreté en Wallonie et la pauvreté en Flandre

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2010
  • N° : 51 (2010-2011) 1

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  • Question écrite du 01/12/2010
    • de STOFFELS Edmund
    • à TILLIEUX Eliane, Ministre de la Santé, de l'Action sociale et de l'Egalité des chances

    La pauvreté en Wallonie semble être différente de la pauvreté en Flandre. C’est en tout cas ce qu’on a pu lire dans La Libre Belgique du 15 novembre dernier.

    Si l’on définit la pauvreté à l’aide du critère classique (revenu inférieur à 60 % du revenu médian), la pauvreté au nord et au sud du pays se ressemble.

    Se pose la question de savoir si cela doit toujours être le critère de référence ou s’il n’est pas opportun, au vu des évolutions sociales, d’élargir le critère en y ajoutant d’autres aspects.

    En effet, il existe des ménages qui ne s’en sortent pas, alors qu’ils disposent d’un revenu supérieur à 60 % du revenu médian. Ce sont, par exemple des ménages qui continuent d’apurer une ancienne dette importante ou qui sont confrontés à des coûts exceptionnels à leur charge en matière de santé.

    La nouvelle notion qui circule est celle de la « déprivation matérielle ». Il conviendrait de mettre sur pied une grille à l’aide de laquelle cette déprivation matérielle peut être « mesurée ». Dans la littérature, on évoque plusieurs références qui permettent d’évaluer si un ménage doit être considéré comme subissant une déprivation matérielle, à savoir :

    - faire face à des dépenses imprévues;
    - manger un repas complet (protéines);
    - se chauffer;
    - partir en vacances (de courte durée);
    - pas d’arriéré de crédit, pas de factures impayées, loyer payé;
    - mobilité individuelle (voiture);
    - communication et information (TV, téléphone, …);
    - appareils électroménagers (ex. machine à laver);
    - etc.

    Madame la Ministre va-t-elle demander aux chercheurs (dans les sciences sociales) de travailler sur la question et de proposer une définition et une méthode d’évaluation qui permettra de définir ce qu’est la « déprivation matérielle » ?

    Il est évident qu’il y a un lien étroit entre « pauvreté monétaire » et « déprivation matérielle ». En Wallonie, 19 % de la population souffrent de pauvreté monétaire (11% en Flandre). Le taux de « déprivation » est de 18 % en Wallonie (6 % en Flandre). Cela suggère qu’en Flandre, il y a moyen de sortir d’une déprivation matérielle alors qu’on dispose d’un revenu du type pauvreté monétaire. En Wallonie, la pauvreté monétaire est plus durable qu’en Flandre.

    Comment est-ce possible ? Qu’est-ce qui différencie la Flandre et la Wallonie à cet égard ? Peut-on s’inspirer d’une politique flamande pour aider nos ménages de façon à ce que la pauvreté monétaire ne les amène pas automatiquement vers la déprivation matérielle ? Que font les Flamands pour s’en sortir plus rapidement ?
  • Réponse du 21/12/2010
    • de TILLIEUX Eliane

    Cette question a été débattue en Commission de la Santé et de l'Action sociale le 23 novembre dernier suite aux questions des collègues de l'honorable membre, Messieurs Senesael et Wesphael. L'honorable membre pourra prendre connaissance de la totalité des échanges dans le compte rendu intégral n° 36.

    Cela étant, il trouvera ci-dessous des éléments de réponse à sa question.

    Quand on parle de taux de pauvreté, on fait référence à un indice de pauvreté monétaire : sont considérées comme pauvres, les personnes dont le revenu est inférieur à 60 % de la valeur médiane des revenus nationaux. C'était la norme utilisée en Europe jusqu'à ce jour. Selon cet indice, le taux de pauvreté est de 19,61 % en Wallonie.

    Ce chiffre est relativement stable parce que lié à la valeur médiane des revenus nationaux.

    Au vu de la dispersion des revenus, cet indicateur reste pertinent, mais il y a lieu de lui adjoindre un autre indice appelé « taux de déprivation matérielle ».

    Cet indice mesure l'absence, non voulue, d'au moins trois éléments matériels parmi les neuf éléments suivants :

    - la capacité à faire face à une dépense imprévue;
    - la capacité à s'offrir chaque année une semaine de vacances hors de son domicile;
    - l'existence d'arriérés de paiements que ce soit des remboursements d'emprunts, des loyers ou des factures courantes;
    - la capacité à s'offrir un repas composé de viande, de poulet ou de poisson ou l'équivalent végétarien, tous les deux jours ;
    - la capacité à chauffer convenablement son domicile; la possession d'un lave-linge;
    - la possession d'un téléviseur couleur; la possession d'un téléphone;
    - la possession d'une voiture personnelle.

    Même si d'autres choix pouvaient être posés, ces neuf éléments sont pertinents, en ce sens qu'ils tiennent compte des réalités auxquelles sont confrontées les populations de nos pays. Par ailleurs, cet indice est aussi un outil comparatif qui a été retenu par les Instituts statistiques européens. Modifier unilatéralement la composition lui ferait perdre de sa pertinence.

    Il existe un troisième indice utilisé pour avoir une idée de la proportion des ménages concernés par la précarité, en l'occurrence : la présence de revenus du travail au sein du ménage, l'hypothèse étant qu'un ménage ne bénéficiant pas d'au moins un revenu professionnel ou assimilé, vit dans des conditions précaires.

    Ces trois indices - pauvreté monétaire, taux de déprivation matérielle et absence de travail - sont réunis au sein d'un indice synthétique sur la base duquel on observe que 26,66 % de la population wallonne, soit 910.000 personnes sont confrontées à la précarité.

    Si on croise uniquement les indices monétaires et de déprivation matérielle, le taux de pauvreté en Wallonie est de 22,45 %, pour 11,1 % en Flandre.

    La différence s'explique par la situation économique de chaque entité, mais aussi, par une différence de nature. Comme on est moins durablement pauvre en Flandre qu'en Wallonie, les réseaux familiaux et sociaux y sont moins déstructurés.

    C'est donc principalement dans le fait d'être durablement exposé à la pauvreté monétaire, mais aussi sociale et culturelle, qu'il faut trouver l'explication d'un plus grand taux de déprivation matérielle en Wallonie.

    Au-delà des chiffres qui nous indiquent que plus d'une personne sur quatre en Wallonie est exposée à la précarité, nous devons absolument rester conscients que ce phénomène n'est pas seulement une réalité statistique. Chacun qui y est confronté, doit mobiliser constamment l'essentiel de son énergie à sa survie, au détriment d'autres occupations qui lui permettraient de recréer des liens sociaux.

    Même si en tant que Ministre de l'Action sociale, de la Santé et de l'Égalité des Chances, je n'ai pas le pouvoir de créer plus de richesses, ou de les répartir plus équitablement, je poursuis l'objectif de mettre les services sociaux et les services sanitaires, à la disposition de tous ceux qui en ont besoin.

    Je veux aussi dialoguer de manière permanente avec ces personnes et les associations qui les réunissent, et notamment le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté.

    Donner aux services sociaux et de santé les moyens de fonctionner et dialoguer avec les personnes en difficulté notamment celles en situation de pauvreté, c'est ce à quoi mon équipe et moi-même travaillons au quotidien.