/

La transformation des bouses de vaches en électricité

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2010
  • N° : 155 (2010-2011) 1

3 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 15/12/2010
    • de CASSART-MAILLEUX Caroline
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    C’est avec les plus grands sérieux et intérêt que je souhaiterais aborder avec Monsieur le Ministre un sujet pertinent à plusieurs niveaux, notamment économique et environnemental. J’entends lui parler de la transformation de bouses de vaches en électricité.

    Etonnerai-je Monsieur le Ministre si je lui dis que l’utilisation de la bouse de vache comme combustible n’est pas neuve. Voici quelques exemples non exhaustifs :

    - il semblerait que le prophète Ezéchiel ait utilisé de la bouse de vache pour faire cuire le pain aux juifs ;
    en Inde, l’usage des bouses comme combustible aurait été signalé pour la première fois à la fin du XVème siècle. Il s’est répandu pour faire face à la rareté et au coût élevé du bois dans certaines régions du nord de l’Inde ;
    - plus près de nous, en 2009, nos voisins néerlandais ont recouru à la bouse de vaches pour alimenter leur centrale électrique, installée en zone rurale pour réduire les coûts de transport et permettant de chauffer près de 4.000 personnes ;
    - la division de recherche du géant HP a aussi mené une étude sur le sujet, estimant que les exploitations agricoles pouvaient permettre de réduire le coût énergétique des datacenters, gourmands en électricité ;
    - enfin, dans le nord-est de la Chine va s’ouvrir prochainement la plus grande centrale électrique mondiale fonctionnant avec des bouses de vaches. L’usine produira 5,6 mégawatts d’électricité, ce qui correspond aux besoins de 20.000 foyers chinois.

    Ainsi on constate que les avancées technologiques ont ouvert une nouvelle voie dans la production d’énergie, écologiquement propre. C’est aussi une bonne nouvelle pour le secteur agricole qui trouve là un moyen de diversification intéressant à plus d’un titre.

    Comment cela fonctionne-t-il ? En deux mots : chauffés, les excréments libèrent du biogaz essentiellement composé de méthane qui alimente un générateur qui produit de l’électricité. Et on peut même réutiliser les éléments restants. Une vache produit par an, environ 10 tonnes de bouses ! Imaginez le potentiel.

    En matière de développement durable, d’économie d’énergie, Monsieur le Ministre s'est-il déjà penché sur ce type de transformation ? A-t-il déjà visité une usine de ce type ?

    La Wallonie compte-t-elle des usines produisant de l’électricité à partir de bouses de vaches ? Monsieur le Ministre a-t-il mesuré le potentiel de cette technologie sur base des éleveurs potentiels wallons ? A-t-il des chiffres à me donner ?

    Entend-il soutenir cette méthode de production de combustible ? Si oui, de quelle manière ?

    Monsieur le Ministre compte-t-il rencontrer le secteur agricole pour connaître leur position, d’une part, et d’autre part, le Ministre wallon de l’Agriculture pour débattre des possibilités de collaboration ?

    Des aides financières de la Région seraient-elles envisageables pour soutenir les éventuels éleveurs qui souhaiteraient se lancer dans cette nouvelle activité ?
  • Réponse provisoire du 06/01/2011
    • de NOLLET Jean-Marc

    Je remercie l'honorable membre pour sa question.

    Je l'informe toutefois que la réponse nécessite un apport de l'Administration et que l'ensemble des informations ne pourra m'être communiqué pour le 5 janvier prochain.

    Dès lors, je ne manquerai pas de revenir vers l'honorable membre dès qu'une réponse complète pourra être réalisée.
  • Réponse du 17/01/2011
    • de NOLLET Jean-Marc

    Si les bouses de vaches sont utilisées dans certains pays d'Asie et d'Afrique comme combustibles à l'échelle très locale via la production de galette de boues séchées, ce n'est pas le cas en Belgique. Cela est par ailleurs difficilement envisageable et ce pour plusieurs raisons.

    Tout d'abord, les bouses de vache et plus généralement, les effluents d'élevage dont le fumier, constituent un élément indispensable à la gestion des terres et des prairies. Leur rôle dans le cadre de l'apport d'humus et dans le maintien de la structure du sol est primordial. Il ne serait dès lors pas opportun de·détourner ce gisement vert via leur combustion. Ensuite, le climat de la Belgique ne permet pas le séchage naturel des bouses de vaches en galettes. Enfin, l'utilisation de galettes de bouses de vaches au niveau des ménages wallons semble peu probable et envisageable. Les odeurs engendrées au niveau des stockages et de la combustion en sont un facteur limitant.

    Par contre, l'utilisation des bouses de vaches comme d'autres effluents d'élevage (purin et fumier bovin, lisier de porcs et fientes de volailles) pour produire simultanément de l'électricité et de la chaleur est en plein développement et est soutenue par la Région wallonne. A ce jour, ce sont quelques 17 installations de biométhanisation en Région wallonne dont 12 unités agricoles alimentées essentiellement en effluents d'élevage, en résidus de cultures et plantes énergétiques ce qui représente une puissance électrique installée de 6 MWél soit une production annuelle de 48.000 MWhél et 66.000 MWhth. Ont été autorisées en 2009 et 2010, trois unités agricoles à savoir les unités de Haut Geer, de Cinergie à Fleurus, d'Aiseau-Presles soit une puissance installée de ± 2,5 MWél.

    Pour rappel, la technique appelée «biométhanisation» basée sur la fermentation en anaérobie (absence d'oxygène) et en l'absence de lumière, de matières fermentescibles méthanogènes non ligneuses permet de produire à la fois un biogaz contenant de 55 à 70 % de méthane, et un digestat valorisable en agriculture lequel présente de bonnes qualités agronomiques et contribue au maintien de la structure des sols. Le biogaz ainsi produit permet d'alimenter des unités de cogénération afin de produire simultanément de l'électricité et de la chaleur (sous forme d'eau chaude). En matière de développement durable, la biométhanisation présente de nombreux avantages.

    En matière environnementale, il convient de souligner les atouts principaux suivants:
    - la biométhanisation permet de produire du biogaz et in fine de l'électricité et de la chaleur à partir d'effluents d'élevage et de déchets et donc de donner une seconde vie à ces résidus;
    - elle permet de réduire la production de gaz à effet de serre résultant de la fermentation en anaérobie des effluents dont le méthane qui est considéré comme 23 fois plus nocif que le CO2 en matière de gaz à effet de serre ;
    - l'électricité et la chaleur vertes produites via la cogénération alimentée en biogaz se substituent à l'électricité et à la chaleur produites à partir d'énergies fossiles comme le charbon ou le pétrole ce qui limite ainsi la production de gaz à effet de serre;
    - en outre, la biométhanisation permet de décomposer les acides gras volatils présents dans les matières entrantes en plus petites molécules et de diminuer ainsi fortement les odeurs des digestats produits. Ceci a un effet important notamment dans le cadre des exploitations porcines ou avicoles où la gestion des effluents, tant au niveau du stockage que de l'épandage, engendre souvent des incidences olfactives importantes. Le passage de lisier porcin ou de fientes de volailles en fermenteur en anaérobie diminue, voire supprime ces nuisances olfactives.


    Les avantages sont également d'ordre agronomique:
    - considérant la suppression d'odeur au niveau des digestats, ces derniers peuvent être épandus sur prairie sans induire d'effet d'appétence négatif sur le bétail en pâturage;
    - la biométhanisation permet d'hygiéniser le digestat et lui donner une bonne qualité sanitaire. Cette hygiénisation résulte à la fois du caractère anaérobique de la filière et de la température élevée (35° C à 40° C) dans le digesteur, voire d'une hygiénisation supplémentaire du digestat à 70° C pendant 1 heure;
    - le passage en digesteur supprime la présence de graines d'adventice (mauvaise herbe) dans le digestat, ce qui présente un avantage non négligeable lors de l'épandage de ce substrat sur des terres de culture;
    - la biométhanisation n'engendre aucune perte d'éléments·nutritifs ni d'azote. Elle maintient ainsi la valeur agronomique et fertilisante des matières entrantes. L'azote est minéralisé sous forme d'ammonium. Ceci présente plusieurs intérêts tels que l'assimilation plus aisée par les racines, la substitution d'engrais minéraux ou encore l'amélioration du couvert floristique des prairies;
    - lors de l'épandage sur culture, il a été constaté ta faible agressivité du digestat par rapport à un lisier. Le digestat glisse sur les feuilles et ne brûle pas ces dernières. Ceci permet l'épandage sur des cultures à un stade plus avancé.


    Enfin, la troisième famille d'avantages concerne le bilan socio-économique :
    - la biométhanisation apparaît souvent comme une possibilité de diversification économique à l'agriculture traditionnelle et permet d'assurer une rentrée financière supplémentaire en vue de maintenir les activités de la ferme;
    - le fait de supprimer les odeurs lors du stockage ou de l'épandage améliore fortement la relation entre les agriculteurs et les citoyens et favorise sensiblement l'acceptation d'élevages porcins et avicoles;
    - les agriculteurs ne faisant pas partie des porteurs de projet d'une unité de biométhanisation peuvent toutefois bénéficier d'avantages financiers via l'apport de leurs effluents d'élevage ou la production en complément de maïs énergétique impliquant une rémunération intéressante et pérenne.


    Au vu de ces nombreux avantages, le potentiel en matière de production d'énergie à partir d'effluents d'élevages est énorme. Toutefois, la difficulté est de définir le potentiel captif de ce gisement. En outre, la rentabilité des unités de biométhanisation alimentées exclusivement en effluents d'élevage est actuellement relativement faible.

    La filière est actuellement soutenue par différentes aides bénéficiant aux PME mais également aux agriculteurs à savoir:
    - l'aide à la production via l'octroi de certificats verts à la fois et simultanément sur la production d'électricité et de chaleur valorisées ;
    - l'aide fiscale de 13,5 % ;
    - l'aide sur le précompte immobilier avec une déduction totale de 3 à 5 ans selon la structure ;
    - l'aide UDE « Utilisation Durable de l'Energie » allant de 22,5 % à 32,5 % en fonction des puissances installées;
    - l'aide Feader octroyée par l'Europe de 6,75 % à 9,5 % en fonction des puissances installées. Cette aide est conditionnée à la création d'un nouvel emploi à temps plein (aide cumulable à l'aide UDE).

    Des réunions d'information organisées par la FWA, les comices agricoles ou d'autres groupements d'agriculteurs ont lieu régulièrement. Le facilitateur de la Région wallonne y participe souvent. De même, des articles sur ce thème sont régulièrement publiés dans les journaux agricoles comme « Le Sillon belge » ou « Plein Champ ».

    Actuellement, une réflexion et des analyses sont menées afin d'établir les conditions économiques et administratives permettant de développer les petites unités de biométhanisation agricoles.