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La relation entre santé et niveau de diplôme

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2010
  • N° : 72 (2010-2011) 1

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  • Question écrite du 15/12/2010
    • de KILIC Serdar
    • à TILLIEUX Eliane, Ministre de la Santé, de l'Action sociale et de l'Egalité des chances

    On le sait depuis longtemps, les relations entre le niveau d'études et la santé des citoyens en Wallonie et ailleurs sont étroitement liées. C'est pourtant un fait inquiétant qu'il nous faut prendre en considération et sur lequel, je le pense, nous devrions agir.

    Ainsi, dernièrement, une étude menée par la Fondation Roi Baudouin l'a encore démontré: plus le diplôme est élevé, plus on peut espérer vivre vieux.

    Les chiffres parlent d'ailleurs d'eux-mêmes. Une femme qui atteindra un bon niveau d'études peut espérer vivre en bonne santé jusqu'à 72 ans. en moyenne, quand une femme sans enseignement y arrivera jusqu'à 54 ans. Pour les hommes, autre cas de figure, mais même résultat, l'étude montre que l'espérance de vie peut varier de près de 8 ans selon qu'on soit diplômé ou non: 80 ans pour les études supérieure, 72 ans pour l'absence de scolarité.

    Cette différence importante ne peut être raisonnablement tolérée. Une lutte contre cette fracture doit être menée.

    A cet effet, je voulais demander à Madame la Ministre quelles étaient les mesures qu'elle prend ou compte prendre pour endiguer ce phénomène alarmant? N'y a-t-il pas une concertation à mener avec ses Collègues de la santé à la Communauté française, de l'enseignement obligatoire et de l'enseignement supérieur? Et si elle existe, quelle est-elle?
  • Réponse du 10/01/2011
    • de TILLIEUX Eliane

    Comme l'honorable membre le souligne à juste titre, les relations entre santé et niveau d'études sont connues depuis longtemps. Il est cependant utile de préciser que cette variable du niveau d'études est utilisée dans les études épidémiologiques en tant que « proxi », c'est-à-dire en tant qu'indicateur indirect validé des conditions socio­économiques globales des individus. Ce n'est ainsi pas le diplôme en soi qui est visé, mais bien les différents accidents de vie qu'il reflète de manière indirecte et qui conduisent une personne à présenter un certain état de santé à un moment donné.

    Des constats d'inégalités sociales en matière de santé ont à nouveau été mis en évidence par l'enquête nationale de santé de 2008. Pour un certain nombre d'indicateurs, des différences significatives sont observées en fonction du niveau d'éducation et il est notamment conclu que les problèmes de santé, et particulièrement les maladies chroniques, augmentent à mesure que le niveau d'éducation diminue. Je préciserais que ces inégalités sont progressives et non duales : la santé de chaque niveau socio-économique est moins bonne que celle du niveau socio-économique supérieur.

    Par ailleurs, le rapport spécifique à cette question de l'enquête nationale de santé rapporte que, pour la majorité des indicateurs examinés, les différences socioéconomiques entre 1997 et 2008 restent assez constantes. Nous pouvons donc conclure que les inégalités sociales en matière de santé n'ont ni diminué ni augmenté au cours de ces dernières années. Il faut cependant souligner, pour la population féminine, une progression limitée, mais significative, des différences socioéconomiques dans la prévalence du diabète et de l'hypertension.

    Les analyses réalisées par l'Institut Scientifique de Santé Publique (ISP) mettent également en évidence que les publics les moins instruits font plus souvent appel aux CPAS : le risque d'avoir fait appel aux CPAS durant les 12 derniers mois est 9 fois plus élevé chez les non diplômés que chez les diplômés du supérieur. Je pense donc qu'il est essentiel de soutenir ces services, de même que toutes les structures qui aident à réduire les inégalités sociales.

    Les inégalités sociales de santé sont les conséquences de multiples facteurs : les conditions de vie, l'inactivité professionnelle, le manque de ressources économiques et sociales, etc. Je ne suis donc évidemment pas la seule à pouvoir prendre des mesures. Il serait d'ailleurs trop facile d'envisager la problématique comme la résultante de choix individuels inappropriés : le contexte social et économique est crucial et, partant, la nécessaire cohérence entre les politiques menées à différents niveaux. Les plans que nous mettons en œuvre tiennent d'ailleurs compte de cette multidisciplinarité. Ainsi, par exemple, le Plan Marshall 2.vert, en travaillant à la relance de la Wallonie, participera incontestablement à réduire les inégalités de santé en agissant sur les ressources économiques, sur l'activité professionnelle, etc. Le plan de cohésion sociale (décembre 2008) est aussi directement utile dans la réduction des inégalités sociales de santé via sa lutte contre la précarité.

    De plus, il est démontré que seulement 10 % de l'amélioration de la santé d'une population peut être attribué aux soins de santé. L'honorable membre a donc d'autant plus raison d'insister sur la collaboration entre les différents niveaux de pouvoir, elle passe par une rationalisation de la répartition des compétences en matière de santé publique.

    Je tiens également à rappeler qu'une des missions de l'Observatoire wallon de la santé est de mettre en évidence les inégalités sociales de la santé pour contribuer à leur diminution. C'est dans ce cadre qu'un projet, mené en collaboration avec la Fondation Roi Baudouin, est en cours qui vise à :
    - stimuler les décideurs locaux à prendre des initiatives favorables à la réduction des inégalités sociales de santé, en expliquant les enjeux et en suggérant des possibilités d'action;
    - accompagner les acteurs locaux dans l'élaboration, le suivi et l'évaluation de leur projet, en collaboration avec les autres institutions et organisations concernées;
    - mener une réflexion sur les bonnes pratiques dans ce domaine.


    Il convient d'ajouter que de nombreuses associations œuvrant sur le terrain pour contribuer à diminuer ces inégalités reçoivent également une subvention de la Région wallonne, je pense notamment aux Services de Santé Intégrés et aux Relais Santé.

    Depuis 2008, la Région wallonne a permis, par un effort financier significatif, que des Relais santé soient organisés au départ des Relais sociaux et ce, dans les grandes villes de Wallonie. Ces Relais santé sont organisés dans le but de dispenser les premiers soins à toute personne en grande précarité sociale, qu'elles soient sans domicile fixe ou pas. Les caractéristiques essentielles de ces relais sont précisément d'offrir à ces personnes un accompagnement dans les soins et de solliciter les ressources du réseau pour ce faire. L'évaluation de ce dispositif est prévue dès le départ du projet.