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L’attitude de la Région wallonne à l’égard du règlement communal de police adopté à Gouvy en matière des antennes-relais de téléphonie mobile.

  • Session : 2001-2002
  • Année : 2002
  • N° : 60 (2001-2002) 1

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  • Question écrite du 12/07/2002
    • de STOFFELS Edmund
    • à FORET Michel, Ministre de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et de l'Environnement

    Actuellement, pour autoriser la mise en place d'une antenne GSM, Monsieur le Ministre se base souvent sur l'article 110 du CWATUP qui stipule qu'en dehors des zones qui leur sont plus spécialement réservées (décret du 6 mai 1999, article 12), les constructions et équipements de service public ou communautaire peuvent être admis (décret du 6 mai 1999, article 12) pour autant qu'ils s'intègrent au site bâti ou non bâti.

    L'autorisation est donnée soit directement par le Ministre, soit par le fonctionnaire délégué, les autorités communales n'étant pas informées ni consultées dans bon nombre de cas. D'autre part, ils doivent faire face aux nombreuses craintes exprimées par les citoyens parmi lesquels, et je le souligne, il y en a qui n'agissent pas selon le principe du Nimby.

    En ce qui me concerne, je ne suis pas opposé à la mobilophonie mais je suis pour une mobilophonie réglementée et contrôlée qui respect les soucis de la population. c'est dans ce sens que je pose ma question faisant référence à différents règlements communaux de police qui essayent de mettre cette philosophie en forme.

    Revenons un peu en arrière: un grand nombre d'hommes de science et des chercheurs internationaux lèvent la voix contre la non-réglementation des antennes-relais de téléphonie. Ils mettent en avant les effets nocifs potentiels des rayonnements électromagnétiques produits par les antennes-relais GSM sur les populations avoisinantes, soit à une intensité suffisamment basse que pour ne déclencher que des effets non thermiques.

    D'autres chercheurs sont d'un autre avis. Ils contestent ce danger. En cas de doute, il est toujours préférable de miser sur la sécurité et la prudence. Il convient d'assurer que la population ne soit pas exposée à un risque qui puisse porter atteinte à sa santé.

    Le conseil communal de Gouvy, présidée par notre collègue le Bourgmestre J. Bocq, en sa séance du 23 mai 2002 , a décidé de réglementer l'implantation des stations-relais de mobilophonie GSM. Puis-je citer à Monsieur le Ministre l'essentiel de ce que Gouvy a pris comme décision ?

    Article 1. - Toute station-relais de mobilophonie GSM, outre le fait de présenter une garantie d'intégration paysagère optimale, ne peut être implantée à une distance de sécurité inférieure à

    - 310 mètres dans le cas d'un seul opérateur sur le site proposé;


    - 440 mètres dans le cas d'un regroupement de deux opérateurs sur le même site;
    - 540 mètres dans le cas d'un regroupement de trois opérateurs sur le même site,

    distances déterminées à partir d'habitations, écoles et autres bâtiments où des personnes sont susceptibles de séjourner plusieurs heures par jour.

    Article 2.- Les distances précisées à l'article 1 doivent être considérées comme minimales et susceptibles d'être augmentées en fonction des puissances totales maximales d'émission déterminées à partir des informations reçues et certifiées exactes par l'opérateur.

    Article 3.- Tout projet d'installation de station-relais de mobilophonie doit faire l'objet d'une demande d'autorisation, dossier à introduire auprès du collège des bourgmestre et échevins, et portant notamment information:

    - de la puissance maximale émise par l'émetteur;
    - de la plus grande dimension de l'antenne proprement dite;
    - du diagramme de rayonnement de l'antenne;
    - de la documentation technique du fournisseur de la technologie utilisée;
    - du calcul fixant la limite du champ proche à partir de l'antenne;
    - de la valeur de ce champ proche en fonction de la distance par rapport à l'antenne, si des personnes peuvent se trouver dans ce champ proche;
    - du calcul de la densité de puissance en fonction de la distance par rapport à l'antenne, à laquelle sont soumises les personnes dans un rayon de 500 mètres.

    Article 4.- Les infractions à la présente ordonnance de police sont unies d'un emprisonnement d'un jour au moins et de sept jours au plus, ainsi que d'une amende d'un franc (0,025 euro) au moins et de vingt-cinq francs (0,62 euros) au plus, ou d'une de ces peines seulement.

    Article 5.- La présente ordonnance sortira ses effets à la date du 1er juin 2002, conformément au prescrit des articles 112 et 114 de la Nouvelle loi communale.

    Article 6.- Une copie de la présente ordonnance sera transmise immédiatement au greffe du tribunal de première instance et à celui du tribunal de police. Il sera également demandé à la députation permanente d'insérer cette ordonnance au mémorial administratif de la province.

    Voilà donc le texte de l'ordonnance de police de la commune de Gouvy. Le règlement de police traduit d'ailleurs une des conclusions du Centre supérieur d'hygiène. En effet, dans une publication récente intitulée “GSM, téléphonie mobile en toute sécurité” nous pouvons lire :

    “Les données scientifiques disponibles jusqu'à présent n'indiquent pas que l'usage d'un appareillage de télécommunication portable, tel qu'un mobilophone, soit source de danger pour la santé, pour autant que les appareils soient utilisés de manière normale (pour des communications courtes à durée limitée chaque jour).
    Le Conseil veut toutefois souligner que, étant donné que cet appareillage concerne une technologie récente, les effets à long terme ne sont pas encore connus.
    Il existe un urgent besoin en recherche scientifique indépendante, donc financée par les autorités, avec ou sans apport du monde industriel, entre autres des opérateurs, et en particulier des études épidémiologiques et des études relatives aux effets à long terme.
    Le Conseil recommande la mise en place d'une administration suffisamment bien organisée et compétente notamment en matière d'autorisations, de limites d'exposition et de surveillance pour veiller à une utilisation sûre de ces techniques. On pourrait faire appel pour cela à des redevances, comme dans le cas des radiations ionisantes”.

    Le règlement communal de police adopté à Gouvy mettra un frein à cette pratique. S'il est adopté ! En effet, la crainte de voir le règlement communal de police annulé est réelle car il devra recevoir l'approbation de l'autorité de tutelle, en l'occurrence la province de Luxembourg.

    A l'époque la commune de Raeren ainsi que d'autres communes germanophones avaient adopté un règlement communal de police comparable à celui de Gouvy. Règlement jamais mis en vigueur parce que annulé par la province de Liège qui, dans un élan de démocratie, estime pouvoir faire face aux craintes de la population en les jetant d'un revers de la main aux poubelles.

    Certains se demandent si la province de Liège n'a pas répondu à une demande du Gouvernement wallon en décidant de la sorte. Là, nous touchons un sujet où il importe d'être clair. Dès lors, je me permets de poser trois questions à Monsieur le Ministre:

    - le sort réservé au règlement communal de police adopté à Raeren et annulé par la tutelle, c'est-à-dire la province de Liège, a-t-il été influencé par le Gouvernement wallon ou un de ses Ministres;

    - quelle est l'attitude du Ministre à l'égard du règlement communal de police adopté à Gouvy;

    - un tel règlement peut-il être appliqué de façon rétroactive ?
  • Réponse du 05/08/2002
    • de FORET Michel


    En réponse à la question de l'honorable Membre, j'ai l'honneur d'apporter les renseignements suivants.

    D'emblée, il me faut rappeler que les permis d'urbanisme relatifs aux installations de téléphonie mobile sont accordés ou refusés sur base des prescriptions et réglementations contenues dans le CWATUP, plus particulièrement les articles 127 et 274bis. L'article 127, en son paragraphe 2, stipule que " le Collège des Bourgmestre et Echevins transmet son avis dans les trente jours de la demande du Gouvernement ou du fonctionnaire délégué ; à défaut, l'avis est réputé favorable. En cas d'avis défavorable, la décision est réservée au Gouvernement ".

    En ce qui concerne les enquêtes publiques, conformément aux articles 113 et 114, 2ème alinéa du CWATUP, seules les demandes de permis d'urbanisme dérogeant au plan de secteur, au plan communal d'aménagement, au règlement régional ou communal d'urbanisme ou au permis de lotir, doivent faire l'objet d'une enquête publique.

    Toutefois, au regard de la sensibilité de la matière et dans le souci d'informer les riverains éventuels du lieu d'implantation, j'ai donné injonction, dès le début de l'année 2000 aux fonctionnaires délégués d'inviter systématiquement le Collège des Bourgmestre et Echevins à procéder à une enquête publique, en ce compris en dehors des cas ou celle-ci est rendue obligatoire par les prescriptions du CWATUP.

    Je ne peux que démentir l'affirmation suivant laquelle les autorités communales ne sont ni consultées ni informées.

    Pour en venir spécifiquement à la question des ordonnances de police, je précise que, comme ce fut le cas pour l'ordonnance adoptée récemment par la commune de Raeren, le règlement du Conseil communal de Gouvy sur les antennes-relais de téléphonie mobile est contraire au Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine. Le règlement communal permettrait aux autorités de Gouvy de substituer leur appréciation de la compatibilité du projet
    avec l'environnement immédiat à celle de la Région. Or, en vertu de l'article 274bis, c'est à la
    Région qu'il appartient de procéder à cette appréciation pour les relais de téléphonie mobile.

    En outre, il semble que le principe de précaution ait été mal interprété par les membres du Conseil Communal de Gouvy. Suivant les conclusions de l'Institut Scientifique de Service Public (ISSeP), qui effectue le calcul systématique des émissions engendrées par ces antennes-relais, il convient, pour la détermination d'une distance de sécurité, de prendre en compte plusieurs caractéristiques, parmi lesquelles : la hauteur de l'installation, les caractéristiques techniques de l'installation, le relief du terrain, le nombre de porteuses utilisées, la puissance rayonnée ou encore l'occupation du sol.

    Selon cet organisme, il est actuellement impossible, au vu de la diversité et de la variabilité des paramètres à prendre en considération, de déterminer des mesures de prudence générales qui soient réduites à une simple distance géographique.

    Il ressort aussi de ses conclusions qu'il est préférable, par le caractère horizontal du rayonnement électromagnétique, d'implanter des installations GSM sur le toit d'un bâtiment que l'on veut protéger, un hôpital ou une école par exemple, que sur un bâtiment situé à même hauteur mais à une distance de 300 mètres. L'application de cette " distance de sécurité " pourrait conduire à des effets inverses à ceux recherchés et soumettre la population à de plus fortes expositions.

    Par ailleurs, un arrêté royal fixant une norme pour les antennes émettant des ondes électromagnétiques entre 10 MHz et 10 GHz a été adopté le 29 avril 2001 par le Gouvernement fédéral. (Moniteur Belge du 22 mai 2001). Cette norme est 4 fois plus sévère que celle prescrite par l'Organisation Mondiale pour la Santé (OMS). Le respect de cet arrêté est scrupuleusement vérifié lors de l'instruction des dossiers de demande de permis d'urbanisme et des contrôles sont effectués par l'Institut Belge des services Postaux et des Télécommunications (IBPT).

    Il en ressort que la commune n'est compétente ni pour définir les prescriptions urbanistiques et les procédures pour l'implantation des antennes-relais, ni pour édicter des normes ou plafond d'émission d'ondes. Il est donc plus que probable que l'ordonnance adoptée à Gouvy sera annulée de plein droit par l'autorité de tutelle.

    Il me faut aussi rappeler à l'Honorable membre qu'en vertu du décret du 1er avril 1999 organisant la tutelle sur les communes, les provinces et les intercommunales, seuls les règlements relatifs aux impositions communales sont soumis à la tutelle spéciale d'approbation de la Députation permanente. La tutelle générale d'annulation est, quant à elle, de la compétence du Gouvernement wallon. Il est donc inopportun de parler " d'influence " du Gouvernement sur les provinces puisqu'elles ne possèdent pas la faculté d'annuler un règlement communal.

    En ce qui concerne la question de rétroactivité d'une ordonnance de police, il me faut apporter à l'Honorable membre les éléments suivants. S'agissant de l'ordonnance de la commune de Gouvy, le problème de la rétroactivité de son application ne se pose pas, puisque l'ordonnance mentionne elle-même la date à laquelle elle sortira ses effets. De manière plus générale, une ordonnance de police qui prévoirait une date d'entrée en vigueur antérieure à sa date de publication se heurterait au principe général de droit de la non-rétroactivité des actes juridiques. Ce principe est une garantie essentielle de prévention de l'insécurité juridique. Il est toutefois assorti d'une série de tempéraments, tels que la nécessité de continuité du service public, la régularisation d'une situation de fait ou le comblement d'un vide juridique. Au regard de ces éléments, il semble que les ordonnances de police administratives relatives à l'implantation d'antennes de téléphonie mobile ne sont pas en adéquation avec les exigences autorisant de déroger au principe de la non-rétroactivité.

    En conclusion, je rappelle une fois encore que le principe de précaution est d'application bien avant que le dossier ne passe dans les communes pour avis et enquête publique. J'insiste également sur le fait qu'une réglementation spécifique existe au niveau fédéral, que des mesures scientifiques ex ante et a posteriori sont effectuées par l'IBPT et l'ISSeP et que les données relatives à l'instauration d'une distance de sécurité ne peuvent se réduire à un simple calcul d'éloignement des zones habitées. Il convient en outre de rappeler que les procédures et prescriptions sont définies dans le CWATUP et que tout règlement communal qui contreviendrait

    à ces règles s'expose à une annulation par l'autorité de tutelle.