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Les observations de la Commission européenne au sujet du décret DAR

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2011
  • N° : 535 (2010-2011) 1

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  • Question écrite du 07/02/2011
    • de BORSUS Willy
    • à HENRY Philippe, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité

    En réponse à la question écrite n°285 (2010-2011), Monsieur le Ministre précisait que la Commission européenne «  a eu l’occasion d’exprimer ses positions dans les observations écrites qu’elle a déposées auprès de la Cour de justice de l’Union européenne (…) ».

    Quelles sont ces positions ?

    Quelle est la réponse de la Région wallonne à ce sujet ?
  • Réponse du 15/04/2011
    • de HENRY Philippe

    L'article 23 Protocole (n°3) sur le statut de la Cour de justice de l'Union européenne, dispose que dans les cas visés à l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la décision de la juridiction nationale qui suspend la procédure et saisit la Cour de justice d'une question préjudicielle relative à l'interprétation des traités ou à la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union est notifiée non seulement à cette juridiction nationale, aux États membres, aux parties à la cause et à l'organe ou l'organisme de l'Union qui a adopté l'acte dont la validité ou l'interprétation est contestée mais aussi à la Commission. Ceci permet, entre autre, à la Commission, dans un délai de deux mois à compter de cette notification, de déposer devant la Cour des mémoires ou des observations écrites.

    C'est dans ce contexte que la commission a fait valoir ses observations écrites auprès de la Cour de justice de l'Union européenne relativement aux questions préjudicielles posées par la Cour constitutionnelle belge dans son arrêt du 30 mars 2010. Il s'agit donc bien d'une procédure indépendante de la mise en demeure évoquée dans la question écrite n°285.

    Pour rappel, l'arrêt du 30 mars 2010 est un arrêt avant-dire droit par lequel la Cour constitutionnelle considère qu'avant de se prononcer sur le fond des contestations qui lui sont soumises, elle doit solliciter la Cour de justice de l'Union européenne par la voie préjudicielle. Les dispositions de la directive 85/337/C.E.E. ainsi que celles de la Convention d'Aarhus sont au cœur des débats. Pour l'essentiel (1), s'agissant du régime spécifique au D.A.R., les interprétations sollicitées portent tout d'abord sur le fait:
    - que les permis accordés conformément à la procédure instaurée aux articles 1er à 4 du décret ou validés par ses articles 5 et suivants peuvent être considérés ou non comme des « projets adoptés en détail par un acte législatif national » auquel cas, ils seraient exclus du champ d'application de la directive 85/337/C.E.E. (interprétation de l'article 1er, paragraphe 5, de la directive) ;
    - que les permis accordés conformément à la procédure instaurée aux articles 1er à 4 du décret ou validés par ses articles 5 et suivants peuvent être considérés ou non, au regard, de la Convention d'Aarhus, comme ayant été adoptés par « des organes ou institutions agissant dans l'exercice de pouvoirs judiciaires ou législatifs » auquel cas, la qualité d'«autorité publique» doit être déniée à leur auteur avec pour conséquence d'être exclus de l'obligation de se soumettre aux exigences de la Convention (interprétation de article 2, point 2, de la Convention ainsi que de la portée du Guide d'application de la Convention).

    La position de la commission sur cette question technique est que l'article 2, point 2, de la Convention d'Aarhus exclut du champ d'application de la Convention les actes législatifs tels que le. décret du 17 juillet 2008. Quant à l'article 1er, alinéa 5, de la directive 85/337/C.E.E. qui prévoit que la directive ne s'applique pas aux projets qui sont adoptés en détail par un acte législatif national spécifique, il s'agit, aux yeux de la commission, d'une exception d'interprétation restrictive dont il appartient au juge national d'apprécier les conditions d'application. Il s'agit, en particulier, de vérifier si la législation en cause remplit les conditions visées par l'article précité de la directive relatives à son mode d'adoption et aux objectifs de la directive, notamment celui de permettre au public concerné un large accès à la justice.

    À supposer que les permis accordés sur la base du décret ou validés à son occasion entrent bien dans le champ d'application de la directive et de la Conveqtion, d'autres questions doivent, aux termes de l'arrêt du 30 mars 2010, être posées à la Cour de justice de l'Union européenne :
    - la procédure instaurée aux articles 1er à 4 ainsi que les actes législatifs tels que les ratifications rétroactives contenues aux articles 5 et suivants du décret sont-ils compatibles avec les règles de la directive et de la Convention qui interdisent de priver, à tout le moins les organisations de défense de l'environnement, du droit de contester les autorisations urbanistiques et environnementales au moyen d'un recours satisfaisant aux conditions fixées dans ces dispositions? (interprétation des articles 3, paragraphe 9, et 9, paragraphes 2, 3 et 4, de la Convention d'Aarhus et l'article 10bis de la directive 85/337/C.E.E.) ;
    - un décret qui délivre des autorisations urbanistiques ou environnementales de même que des actes législatifs tels que les ratifications contenues aux articles 5 et suivants ne doivent-ils pas contenir en eux mêmes tous les .éléments permettant de contrôler que ces autorisations sont fondées sur une vérification préalable adéquate, effectuée conformément aux exigences de la Convention d'Aarhus et de la directive 85/337/C.E.E. ? (interprétation des articles 6, paragraphe 9, de la Convention d'Aarhus et l'article 9, paragraphe 1, de la directive 85/337/C.E.E.);

    À ce sujet, la commission met en évidence les lacunes qui, selon elle, émaillent le droit belge s'agissant des garanties que celui-ci est tenu de procurer quant à un accès à la justice qui soit conforme aux exigences découlant de l'article 10bis de la directive 85/337C.E.E. Les points mis en exergue sont, à cet égard, la nature du contrôle (légalité-procédure) susceptible d'être porté sur un acte administratif tel que le D.A.R. par la Cour constitutionnelle ainsi que les possibilités devant être offertes au public concerné d'obtenir une décision d'injonction devant le juge judiciaire. La Commission estime cependant qu'au regard des obligations découlant des articles 6, § 9, de la Convention d'Aarhus et 9, § 1er, de la directive 85/337/C.E.E., il serait possible d'adopter des actes législatifs qui ne contiennent pas en eux-mêmes, tous les éléments permettant de contrôler que ces autorisations sont fondées sur une vérification préalable adéquate effectuée conformément aux exigences de la convention et de la directive à condition que ces éléments soient par ailleurs mis à la disposition du public.

    À propos des deux questions préjudicielles portant respectivement sur les articles 6, § 3 et 6, § 4, de la directive 92/43/C.E., ayant trait au cas particulier des permis concernés par la problématique « Natura 2000 », la commission estime, d'une part, qu'il n'est pas permis à une autorité législative d'autoriser des projets qui ont un impact négatif. sur des sites d'importance communautaire ou susceptibles d'avoir un tel impact et, d'autre part, qu'à moins d'une situation exceptionnelle concernant une région présentant des difficultés économiques et sociales majeures, la réalisation d'une infrastructure destinée à l'hébergement administratif d'une société privée ne peut constituer une raison impérative d'intérêt majeur.

    À s'en tenir aux aspects spécifiques au mécanisme de ratification parlementaire des permis, la commission admet donc que les permis ratifiés par le décret du 17 juillet 2008 ou en application de celui-ci respectent complètement les législations européenne et régionale en matière d'évaluation des incidences des projets sur l'environnement. Cette évolution mérite assurément d'être soulignée dans la perspective de la procédure de mise en demeure initiée sur la base de l'article 256 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. L'on suppose en effet que la commission y sera cohérente avec elle-même et ne reviendra plus sur ce point. Le questionnement de la commission subsiste néanmoins à propos des garanties offertes par le mécanisme institué par le D.A.R. en matière d'accès à la justice.

    La Région wallonne s'est pour sa part employée à démontrer la compatibilité du décret du 17 juillet 2008 relatif à quelques permis pour lesquels il existe des motifs impérieux d'intérêt général aussi bien à la Convention d'Aarhus qu'aux directives 85/337/C.E.E. et 92/43/C.E.

    Toutefois, il importe de souligner que la procédure devant la Cour de justice de l'Union européenne est toujours pendante et que, dans cette mesure, il paraît, à ce stade, prématuré de tirer la moindre conclusion définitive sur les questions soulevées par le régime juridique inhérent au D.A.R .



    (1) Le lecteur se reportera au dispositif de l'arrêt du 30 mars 2010 qui énumère les 6 questions préjudicielles posées à la Cour de justice de l'Union européenne.