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La question de savoir si nous allons bientôt avoir une crise alimentaire

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2011
  • N° : 333 (2010-2011) 1

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  • Question écrite du 09/02/2011
    • de STOFFELS Edmund
    • à LUTGEN Benoît, Ministre des Travaux publics, de l'Agriculture, de la Ruralité, de la Nature, de la Forêt et du Patrimoine

    Une crise alimentaire s’annonce. Ce qui se passe actuellement dans les pays nord-africains prend son origine, entre autres, dans le prix excessifs des denrées alimentaires. Cette situation provoque les rancœurs des populations à l’égard des gouvernements autoritaires et peu démocratiques. Et c’est la ponte de l’iceberg.

    Les analystes qui observent le secteur des céréales annoncent une crise encore plus profonde avec des conséquences encore plus graves – suivant les conditions météo entraînant éventuellement des pertes au niveau des récoltes (on craint une sécheresse en Argentine ?).

    En plus d’une pénurie déjà existante et de prix déjà inaccessibles pour bon nombre de gens, la demande chinoise renforce la pression sur le marché tout comme la production de biocarburants qui ne fait qu’amplifier la problématique.

    De Schutter, responsable de l’ONU, est clair dans ses propos : ce n’est pas un problème de pénurie. Ce sont les mauvaises annonces telles que les incendies en Russie, la canicule en Ukraine ou les fortes pluies au Canada (source : Plein Champs) qui provoquent les réactions du marché.

    Evidemment que la crise touchera d’abord et avant tout les plus faibles. La dernière crise alimentaire a causé des milliers de morts.

    Comment lutter contre la spéculation avec les denrées alimentaires ? La spéculation de ce genre n’est-elle pas un crime au même titre que les crimes contre l’humanité ? Crime qui mérite d’être poursuivi au tribunal de Den Haag ?

    La réalité des stocks (427 millions de tonnes) est considérable, bien que de 63 MT moins importants qu’en 2009, dit-il. Deux tiers de cette diminution est imputable aux USA et à l’UE. Devons-nous donc craindre une insuffisance en termes d’auto-approvisionnement alimentaire ?
  • Réponse du 18/02/2011
    • de LUTGEN Benoît

    Globalement, cette année n’est certainement pas paisible, ne fut-ce qu’en termes d’aléas climatiques et il est possible que les prix des céréales offerts aux consommateurs poursuivent une évolution à la hausse. Toutefois, il faut garder à l’esprit que le prix de la céréale payé aux producteurs ne représente que moins de 5 % du prix du pain. La mauvaise transmission des variations des prix des matières premières aux consommateurs amplifie les effets de ces variations. Les hausses sont transmises rapidement et de manière plus que proportionnelle. Les baisses sont, tardivement, peu transmises dans le prix au consommateur. Enfin, gardons en tête qu’après plusieurs années particulièrement difficiles pour les agriculteurs wallons, des prix élevés sont le moyen de reconstituer les trésoreries et d’effectuer les investissements nécessaires au maintien de l’outil de production mais sans cesse reporté par manque de moyens.

    La Belgique est importatrice nette de céréales. En 2006, la Belgique a produit 2,6 millions de tonnes de céréales et en a consommé environ 5 millions de tonnes. Gardons cependant en tête que la majeure partie des céréales consommées en Belgique sont destinées à l’alimentation animale. Cette hausse de prix des aliments non répercutée dans le prix du porc au détail est d’ailleurs la principale cause de la crise actuelle de ce secteur.

    Tout ceci démontre également que le détricotage des outils de gestion de marché de la Politique agricole commune et la libéralisation excessive des échanges des produits agricoles ont ouvert la porte à une volatilité extrême des prix. En outre, tout cela aboutit à une fragilisation d’une part plus grande de nos exploitations agricoles en Europe et à des conséquences dramatiques dans les pays du Sud. Ceci me conforte dans la conviction qu’une exception agricole au niveau de l’Organisation mondiale du Commerce est nécessaire et que la sécurité alimentaire des populations doit primer sur l’accroissement du commerce.

    On notera également qu’au-delà de la variation des taux de change le manque flagrant de transparence concernant les stocks stratégiques disponibles ainsi que la destination réelle des contrats passés – production ou pure spéculation – amplifient considérablement la volatilité des prix. On ne peut donc qu’encourager les initiatives de la France, dans le cadre de sa présidence du G20, de limiter ce type de spéculation et de disposer d’informations plus claires sur les stocks réellement disponibles et les besoins réels des opérateurs économiques. Sur le plan international on observera également que des restrictions aux exportations comme celles prises par l’Ukraine ou l’Argentine encouragent inutilement la spéculation et devraient être appréciées en fonction de leurs effets sur les pays tiers.

    Au niveau belge, les stocks d’intervention sont gérés par le BIRB. Compte tenu des prix actuels, les stocks existants en 2009 ont été progressivement vendus en 2010. Bien entendu, aucune quantité n’est présentée à l’intervention. Cela n’entrave cependant pas le programme national d’aides aux plus démunis qui est alimenté par d’autres voies.