L'amour en maison de repos

• Session : 2010-2011
• Année : 2011
• N° : 176 (2010-2011) 1

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• Question écrite du 01/03/2011

  • de BAYET Hugues
  • à TILLIEUX Eliane, Ministre de la Santé, de l'Action sociale et de l'Egalité des chances
  
  La mutualité socialiste distribue une intéressante brochure intitulée « Seniors: le sexe, c'est bon pour la santé ! », réalisée avec le soutien du prédécesseur de Madame la Ministre. Il s'agit d'apporter des informations précises sur une série de questions que les personnes âgées se posent sans toujours oser en discuter et de lever quelques tabous. Le discours est résolument positif mais s'assombrit quand on aborde la question de l'amour en maison de repos.
  
  Il est souligné que les responsables et le personnel des maisons de repos accordent peu de place, voire pas du tout, aux relations amoureuses des pensionnaires, en particulier lorsqu'il s'agit de nouveaux couples. Les auteurs de la brochure vont plus loin puisqu'ils dénoncent « des comportements limitant l'autonomie et la liberté des personnes âgées : séparation des couples « nouveaux », acceptation des couples hétérosexuels limitée aux couples mariés, refus de couples homosexuels, etc. ». Absence de réflexion, absence de formation, peurs mal maîtrisées, tabous divers seraient les causes de ces comportements inadmissibles de la part du personnel et responsables des homes.
  
  Je souhaite savoir si Madame la Ministre détient des données plus précises sur ces problèmes. Si elles font défaut, des études ne seraient-elles pas nécessaires pour cerner le type d'attitudes que suscitent la vie affective et la sexualité des aînés dans les maisons de repos? Qu'en est-il à ce stade des formations et informations disponibles pour le personnel et responsables de homes? Madame la Ministre a-t-elle des pistes pour améliorer la situation?

• Réponse du 24/03/2011

  • de TILLIEUX Eliane
  
  Il est tout d'abord important de préciser que les établissements pour personnes âgées qui s'engagent à respecter sur l'honneur la charte relative à la qualité, doivent intégrer le principe suivant : « Il s'agit de respecter la dignité humaine, c'est-à-dire la reconnaissance de l'identité de chaque personne, le respect de l'histoire individuelle de chacun, de son intimité et de son espace personnel, de sa propre conception du monde, de l'organisation de sa vie spirituelle et le droit de poursuivre le développement de son potentiel humain ... Cela implique entre autres, le droit à la vie privée, le droit à la vie affective, le droit à une vie sexuelle entre adultes consentants ... ». Bien que l'adhésion à charte relative à la qualité ne soit pas obligatoire, il s'agit d'une orientation qui doit influencer tout le secteur.
  
  Il incombe donc aux membres du personnel de respecter les choix et désirs des résidents.
  
  A noter également que le décret du 30 avril 2009 relatif à l'hébergement et à l'accueil des personnes âgées impose à tous les établissements « le respect des droits individuels des résidents et de leur garantir le respect de leur vie privée, affective et sexuelle ».
  
  Cependant, il est évident que cette thématique est encore fort tabou dans certaines institutions même si toutefois, la sensibilisation est amorcée et notamment, par la mise en place de formations spécifiques.
  
  En effet, par exemple, consciente de l'importance de cette thématique dans leurs institutions, l'Association des Directeurs de Maison de Repos va consacrer, le 7 avril prochain, une journée de formation continuée sur le thème « SEX-SENIORS @ HOME ou comment approcher, gérer et respecter la sexualité en institution ». Cette initiative ne sera cependant pas la première sur le sujet : l'asbl Le Bien Vieillir a organisé le 3 mars dernier, toujours dans le cadre de la formation permanente, une journée intitulée: « Sexualité et vieillissement: besoins, désirs et tabous ». Cette formation a notamment été suivie par des membres du personnel de maison de repos (soignants, ergothérapeute, kinésithérapeute) sensibilisés par cette thématique car y étant confrontés de manière quotidienne.
  
  Il est vrai que nous devons souligner un manque de préparation du personnel à cette thématique lors de leurs études et que pour beaucoup, les personnes âgées n'ont plus de sexualité. Les soignants expriment dès lors des difficultés dans la manière dont ils doivent réagir. Des outils devraient être à leur disposition pour pouvoir mettre de la distance entre leurs valeurs personnelles et la réalité de terrain. La présence de formations continuées dans ce domaine constitue dès lors une démarche enrichissante à tous et à poursuivre.
  
  Dans sa question, l'honorable membre souligne également la pertinence d'élaborer des études pour cerner les attitudes que suscitent la vie affective et la sexualité des aînés dans les maisons de repos. Je me permets dès lors de lui exposer brièvement une étude menée en 2006 par X. Cnockaert et P. Derreumaux en France (Crépy-en-Valois dans l'Oise) dans 2 EHPAD (Etablissement d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes), étude ayant pour objet l'analyse du regard des soignants sur la sexualité en EHPAD.
  « Il ressort de l'analyse des questionnaires que la sexualité des personnes âgées en EHPAD est vécue par les soignants comme un phénomène naturel prolongeant la vie d'adulte. Soignants et familles ne semblent cependant pas en phase car les deux tiers du personnel estiment les familles hostiles devant l'expression de comportements à connotation sexuelle chez leurs parents » (1).
  
  Cette dernière observation est également apportée par les membres du personnel dans nos institutions. Il est en effet souvent difficile pour une famille que leur mère ou leur grand-mère puisse redevenir une femme par une nouvelle rencontre.
  
  Cette analyse témoigne bien de l'évolution des mentalités du personnel de soins. Et même si la sensibilisation du personnel de soins est en phase initiale, il faut être conscient qu'une réflexion en la matière doit être poursuivie. Il est cependant important de rappeler que l'amélioration de l'intimité dans les maisons de repos a profondément évolué. La majorité des chambres seront bientôt individuelles et un regard particulier est apporté sur la qualité de vie et le projet de vie de l'institution, en harmonie avec le projet de vie du résident.
  
  
  
  (1) informations issues de http://www.geronto-normandie.org/uploads/File/Congr%C3%A9s%20Amiens/PROG_FINAL_AMIENS.pdf