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Le chauffage au bois et les particules fines

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2011
  • N° : 622 (2010-2011) 1

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  • Question écrite du 01/03/2011
    • de STOFFELS Edmund
    • à HENRY Philippe, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité

    Selon certaines recherches scientifiques, se chauffer au bois engendrerait des questions auxquelles personne n’a encore pensé jusqu’à présent.

    Pendant que l’arbre grandit, son métabolisme produit les substances (à une vitesse extrêmement lente) qui vont ensuite être brûlées (endéans quelques minutes).

    Si en termes de bilan CO2, la filière bois-énergie revendique une certaine neutralité sur le plan des effets sur le climat, des scientifiques s’accordent à dire qu’il n’en est pas ainsi sur le plan des particules fines (tellement fines qu’on ne parviendra même pas à les capturer tous par un système de filtrage des fumées).

    Jusqu’à présent, le problème ne se posait pas de façon top aiguë : en effet, brûler du bois se fait plutôt en zone rurale où on ne risque pas une concentration de fumée excessive. Mais dans la mesure où on encourage la cogénération (bois-énergie), on est face à des installations parfois de taille industrielle. La question se pose alors déjà autrement (sans revenir une xième fois sur la pénurie en matière première que le bois-énergie provoquera dans les secteurs de valorisation du bois).

    Monsieur le Ministre a-t-il pu prendre connaissance de recherches scientifiques sur cette question ? Dans l’affirmative, quelles sont les conclusions qu'il en tire ?
  • Réponse du 26/04/2011 | Annexe [PDF]
    • de HENRY Philippe

    1. Concernant les émissions atmosphériques liées à la combustion du bois.

    L'utilisation du bois de chauffage pose effectivement de nombreuses questions d'ordre environnemental.

    Du point de vue des émissions de CO2, pour autant que le. bois utilisé soit issu d'une forêt gérée de façon durable (prélèvements inférieurs aux repousses), la combustion du bois, est considérée comme neutre. La gestion de la forêt wallonne peut-être considérée comme globalement durable, sa superficie ayant même augmenté de plus de 21% depuis le 19e siècle. Il faut néanmoins remarquer qu'à l'heure actuelle, la Région wallonne importe déjà plus de 50% de sa consommation de bois. Il faut alors s'assurer que ce bois importé soit produit à partir de forêts gérées durablement. A cet effet, la CwaPE a mis en place une méthodologie dans le cadre du mécanisme d'octroi des certificats verts.

    La combustion du bois génère aussi des émissions de CH4 et N2O en faibles quantités, qui sont des gaz à effet de serre devant être comptabilisés.

    Par contre la situation en matière d'émissions d'autres polluants atmosphériques est nettement moins favorable. Ceci est lié à la physico-chimie de la combustion qui requiert d'une part l'utilisation d'un combustible (ici le bois), et d'un comburant, qui est l'oxygène de l'air. Plus intime est le contact entre le combustible et le comburant, meilleure sera la qualité de la combustion. C'est pour cette raison que la combustion la plus facile à réaliser est celle des combustibles gazeux car on obtient instantanément un mélange intime des molécules de carburant et d'oxygène.

    Le processus de combustion du bois est quant à lui plus complexe et se déroule en trois phases:
    - évaporation de l'eau présente dans le bois ;
    - décomposition des éléments constitutifs du bois en gaz et combustion de ce gaz;
    - combustion du charbon de bois.

    Pour que les gaz s'enflamment, une température de 700-800° C doit être atteinte. Les gaz doivent être mêlés le plus intimement possible à l'oxygène et ce pendant une durée suffisamment longue pour permettre une combustion complète de ceux-ci. En pratique, toutes les molécules d'oxygène rencontrent difficilement toutes les molécules à oxyder.

    Ce phénomène de combustion incomplète du bois est à l'origine de l'émission de différents polluants atmosphériques, en particulier de monoxyde de carbone (CO), composés organiques volatiles (COV, dont le formaldéhyde et l'acroléine), hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), dioxines et furannes, ainsi que de poussières fines.

    La qualité de la combustion, et donc le niveau d'émission de ces composés va varier très fortement en fonction de nombreux paramètres :
    - le taux d'humidité du bois;
    - le type d'essence ;
    - la présence ou non d'enduits sur le bois (pratique interdite, à moins que la combustion soit effectuée dans des installations dûment autorisées) ;
    - le mode de conditionnement du bois (bûche, plaquette, pellets) ;
    - la technologie de générateur de chaleur (p. ex appareil à double combustion, à allumage inversé) ;
    - la qualité du système d'amenée d'air et d'évacuation des gaz de combustion;
    - la durée et la conduite de la phase d'allumage qui est à l'origine de surémissions importantes, liées aux faibles températures régnant dans le foyer(1) ;
    - la conduite de la combustion ;
    - ...

    C'est pour cela que, sans atteindre les niveaux d'émissions des combustibles gazeux conventionnels, une chaudière à pellets de bonne qualité, alimentée en continu par des granulés de bois de bonne qualité émettra les polluants atmosphériques précités en quantité très faible comparativement à une chaudière de technologie ancienne, alimentée par des bûches de qualité médiocre.

    Il convient de noter que dans les inventaires d'émissions actuels, même si l'estimation est rendue très délicate en raison de la grande variabilité des émissions selon la source, il ressort que, malgré le fait que la combustion du bois ne représente que 6% de la consommation énergétique du secteur résidentiel, elle est à l'origine de la plus grande partie des émissions de composés toxiques de ce secteur. Ces émissions restent significatives si on les compare aux émissions globales de ces polluants en Région wallonne. Voir tableau en annexe.

    Cette tendance est confirmée par les résultats d'une étude effectuée par les autorités canadiennes, portant sur les émissions résidentielles issues de la combustion du bois (2).



    2. Concernant les effets sanitaires liés au chauffage au bois.

    En fonction de leur taille mais également de leur composition, les poussières ont des effets différents sur les problèmes de santé. Une étude autrichienne montre que les particules émises par les chaudières de technologie moderne à alimentation automatique seraient dix fois moins nocives que celles d'un moteur diesel. Par contre les poussières émises lors d'une combustion incomplète seraient dix fois plus nocives que celles d'un moteur diesel.

    Plusieurs études tendent à confirmer que le chauffage au bois est à l'origine d'impacts sanitaires spécifiques.

    On peut notamment citer une étude conduite par les autorités sanitaires de la Ville de Montréal qui ont fait collecter des informations sur les concentrations de polluants présents dans l'air intérieur des maisons. Cette étude a montré une concentration moyenne plus élevée de deux composés carcinogènes: le formaldéhyde (+ 23%) et l'acétaldéhyde (concentration moyenne presque multipliée par trois) dans l'air intérieur des maisons situées dans le quartier où le chauffage au bois est très utilisé. Les auteurs de cette étude ont également pu identifier des produits de la fragmentation de la naphtalène dans les échantillons d'urine des utilisateurs des systèmes de chauffage au bois (la naphtalène étant un des composés présents dans les HAP).

    Faut-il promouvoir l'utilisation de bois de chauffage de façon décentralisée, dans des zones rurales caractérisées par une faible densité de population, ou dans des installations centralisées, de plus grosse puissance ?

    Il est manifeste que la faible densité de population en zone rurale et la moindre pollution de fond permettent généralement, malgré les émissions plus importantes des installations de chauffage alimentées au bois, de garantir que les concentrations dans l'air ambiant restent en deçà des seuils de qualité de l'air définis par la réglementation européenne. Pour cette raison, le chauffage au bois dans des habitations individuelles sera nettement à privilégier en zone rurale plutôt que dans des zones à plus forte densité de population (3).

    Néanmoins, comme cela vient d'être évoqué, même dans les zones à faible densité d'habitat, le recours à la combustion du bois comme moyen de chauffage pose question :
    - suite à l'impact du chauffage au bois sur la qualité de l'air intérieur;
    - suite à l'impact de la combustion du bois sur les émissions globales de nombreux polluants atmosphériques, tenant compte de la faible quantité d'énergie produite.

    La production d'énergie à partir du bois devrait être mise en œuvre prioritairement dans des installations centralisées de plus grande puissance, dans lesquelles les dispositifs d'abattement des émissions les plus efficaces peuvent être installés (filtres à manches permettant de réduire les émissions de particules à un niveau inférieur à 5 mg/Nm3, les poussières retenues contenant une partie importante des composés organiques volatils, composés aromatiques polycycliques et métaux lourds émis). Ces installations étant soumises à permis d'environnement, il conviendra que, lors de telles demandes de permis, les fonctionnaires en charge de la rédaction des conditions particulières veillent à définir des valeurs limites d'émissions telles que la qualité de l'air soit garantie à tout moment, en particulier si l'installation est localisée dans une zone où la densité d'habitat est importante.

    Il convient d'ailleurs de noter qu'à la demande de l'Agence wallonne de l'Air et du Climat, une étude visant à préciser les critères de performances devant être respectés par les installations de combustion, dont notamment celles qui sont alimentées au bois, est actuellement en cours de réalisation. Les résultats de ce travail seront utilisés dans le cadre des remises d'avis par cette agence, en vue de la délivrance de permis d'environnement.



    4. Initiatives en vue de réduire les émissions atmosphériques liées à la combustion du bois.

    Outre l'étude actuellement en cours à la demande de l'Agence wallonne de l'Air et du Climat, il convient de mettre en évidence les initiatives suivantes, qui auront un impact positif sur les émissions de polluants atmosphériques liés à la combustion du bois :
    - l'arrêté royal du 12 octobre 2010 (M.B. 24 octobre 2010) réglementant les exigences minimales de rendement et les niveaux des émissions de polluants des appareils domestiques de chauffage alimentés en combustible solide. Cet arrêté fixe, à partir du 24/11/2011, dans le cadre de la mise sur les marché des différents appareils de chauffage domestiques alimentés par des combustibles solides, un rendement de combustion minimum et des niveaux d'émission maximums de CO et de poussières. Les appareils visés sont: les poêles, les inserts, les chaudières-poêles, les appareils à granulés de bois, les appareils domestiques à combustible solide à libération lente de chaleur, les feux ouverts.
    - un projet d'arrêté royal relatif à la qualité des pellets (qui a notamment pour but d'harmoniser les normes de qualité physico-chimique des pellets et suivre l'origine de la biomasse) ;
    - une démarche commune des trois régions ayant pour objet la certification des installateurs de chaudières et poêles alimentés par la biomasse, en application de la directive 2009/28 sur les énergies renouvelables (4);
    - l'obligation, en application de l'arrêté du Gouvernement wallon du 29 janvier 2009 relatif aux installations de chauffage central (5), de faire contrôler annuellement les installations de chauffage central alimentées par des combustibles solides.





    (1) Phase quasi inexistante dans des foyers alimenté en continu par des pellets, par compte importante lors de l'allumage d'un foyer à bûches, et qui dépendra de la façon à laquelle les bûches et le petit bois sont disposés.

    (2) Impact du remplacement des poêles à vois résidentiels sur les émissions atmosphériques au Canada – André Germain – Direction de la portection de l'environnement – Environnement Canada, Montréal 2005.

    (3) A titre d'exemple, de l'impact des chauffages au bois sur la qualité de l'air en zone urbanisée, il est intéressant de consulter les résultats d'une campagne de mesures réalisée entre l'hiver 1999 et l'été 2002, en hiver et en été, par la Direction de la santé publique et Environnement Canada, dans le centre-ville et dans un quartier de Montréal où est concentré un nombre élevé de résidences utilisant le bois comme mode de chauffage principal ou d'appoint. Les concentrations des HAP de ce quartier résidentiel peuvent y être jusqu'à cinq fois plus élevées en hiver qu'en été et deux fois plus élevés qu'au centre-ville. En hiver, les teneurs quotidiennes de particules fines PM2,5, mesurées dans ce quartier résidentiel sont de 10 % supérieures, à celles du centre-ville dle Montréal et 10 % plus élevées qu'en été. Comme pour les HAP, les teneurs de PM2,5 augmentent de 20 % les soirs de fin de semaine en hiver.

    (4) Directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables.

    (5) Arrêté du Gouvernement wallon du 29 janvier 2009 tendant à prévenir la pollution atmosphérique provoquée par les installations de chauffage central destinées au chauffage de bâtiments ou à la production d'eau chaude sanitaire et à réduire leur consommation énergétique.