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Encadrement des pensionnaires de l’établissement de défense sociale "Les Marronniers" lors de sorties dûment autorisées.

  • Session : 2002-2003
  • Année : 2002
  • N° : 3 (2002-2003) 1

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  • Question écrite du 25/10/2002
    • de BERTOUILLE Chantal
    • à DETIENNE Thierry, Ministre des Affaires sociales et de la Santé

    Depuis plusieurs mois, on a pu constater une importante diminution des évasions de pensionnaires de l'hôpital psychiatrique “Les Marronniers” à Tournai. Ces résultats encourageants sont principalement à mettre à l'actif des importants moyens mis en oeuvre par la Région wallonne en vue de l'aménagement des bâtiments.

    Pourtant, un nouveau phénomène semble avoir pris une ampleur inquiétante ces derniers temps. Il s'agit des évasions de pensionnaires intervenues lors de sorties dûment autorisées. En effet, dans un but de resocialisation, certains pensionnaires ont l'autorisation d'effectuer des sorties, que ce soit dans un centre commercial tout proche, à la bibliothèque communale, sur des terrains de sport ou tout simplement au centre-ville. La plupart de ces sorties se font donc en groupe encadré par des éducateurs.

    La personnalité des pensionnaires entre-t-elle en ligne de compte dans la détermination du lieu de sortie ? Les pensionnaires sont-ils appelés à respecter certaines consignes lors de ces sorties ? Encourent-ils des sanctions - et de quel ordre - en cas de non-respect de ces consignes ?

    Ces sorties se font sous la responsabilité d'éducateurs. Ceux-ci reçoivent-ils une formation particulière lors de leur entrée en service auprès de l'établissement psychiatrique “Les Marronniers” ? Si formation il y a, reçoivent-ils des instructions concernant l'encadrement de ces sorties ? Avant celles-ci, reçoivent-ils des informations particulières sur les pensionnaires qu'ils sont chargés d'accompagner ?

    Enfin, combien de pensionnaires sont en charge de chaque éducateur lors de ces sorties ?

    Ces activités de resocialisation se font principalement par la visite et l'utilisation de lieux publics appartenant, pour la plupart, aux autorités communales tournaisiennes. La direction des “Marronniers” a-t-elle des contacts fréquents avec l'administration communale de Tournai ? Des contacts ont-ils également été pris avec la police en vue de l'établissement de certaines règles minimales de sécurité concernant l'encadrement des pensionnaires ?

    Certaines sorties se font également dans les centres commerciaux proches. Existe-t-il une collaboration ou un échange d'informations avec les propriétaires de magasins ou des centres commerciaux visités ?
  • Réponse du 03/12/2002
    • de DETIENNE Thierry

    La question de l'honorable Membre appelle les considérations suivantes.

    Il faut d'abord noter une petite confusion au niveau de la définition des pensionnaires de l'établissement.

    En effet, le Centre hospitalier psychiatrique est composé de trois secteurs différents dont les missions sont chaque fois spécifiques, à savoir :

    1°) le secteur de défense sociale où séjournent les internés.

    2°) le secteur du CHS qui accueille une patientèle souffrant de problèmes psychiatriques (dépression, etc.) et des mises sous protection.

    3°) le secteur de la MSP où résident, en application de l'arrêté royal du 10 juillet 1990, des patients psychiatriques présentant un trouble psychiatrique chronique stabilisé et des handicapés mentaux.

    Seuls les internés sont concernés par cette question parlementaire.

    Une remarque terminologique s'impose car la confusion entre les mots " évasion " (c'est le terme évoqué dans la question parlementaire), le mot " fugue " et le mot " non-réintégration " subsiste malheureusement. Cette précision terminologique revêt un caractère important car elle conditionne tous les sentiments ou fantasmes dont une certaine presse se fait l'écho.

    L'évasion consiste, pour un interné, à quitter l'établissement sans y être autorisé.
    La fugue consiste à fausser compagnie à l'accompagnateur, lors d'une sortie dûment autorisée par la Commission de défense sociale.
    La non-réintégration consiste à " prolonger ", au-delà du temps autorisé, une sortie ou un congé ; cette sortie, ou congé, étant également autorisée sur la base d'une décision de la Commission de défense sociale.

    Il est évident que le degré d'insécurité varie en fonction de ces termes. En effet, les risques seront différents lorsqu'il s'agit d'un interné qui ne réintègre pas l'établissement dans les temps voulus à l'issue d'un congé ou d'un interné qui s'évaderait (ce dernier ne bénéficiant pas de sortie autorisée).

    Pour rappel, aucune évasion n'a eu lieu depuis décembre 2000 (même si dernièrement la presse parlait, à tort, d'une cinquième évasion). Chacun se félicite de cette situation. Celle-ci est due, comme le mentionne l'honorable Membre aux moyens mis en œuvre par la Région wallonne en vue de l'aménagement des bâtiments, mais également à l'ensemble du personnel qui a pris conscience de l'importance de mesures élémentaires de sécurité.

    Pour répondre aux questions posées et comprendre la raison des sorties des patients internés, il faut se référer à la loi même de défense sociale.

    Le fondement de cette loi s'inscrit à la fois dans la mise à l'écart temporaire d'une personne ayant commis un crime ou un délit et jugée irresponsable de son acte, mais à la fois également dans la perspective de la réadaptation sociale ultérieure de cette personne, si son état mental évolue favorablement. Les commissions de défense sociale, instituées par cette loi, doivent donc évaluer, au regard des avis qui leur sont soumis, si l'interné peut ou non bénéficier d'une modification de son régime de vie quotidienne. Les sorties ou congés s'inscrivent donc dans ce processus de réadaptation sociale.

    Ce sont des décisions de commission qui conditionnent à la fois la durée, le lieu ou les modalités de sorties.
    En effet, les décisions de commission mentionnent régulièrement si les sorties sont limitées dans le temps ou dans l'espace géographique : les sorties sont ainsi généralement limitées par la commission elle-même à 3 heures maximum, ce qui n'autorise pas des déplacements (généralement à pieds) éloignés de l'établissement, mais sont au contraire régulièrement limitées, en vertu de la décision même de la commission, à la ville de Tournai.

    Par ailleurs, lorsqu'une commission limite des sorties uniquement à la ville de Tournai, l'établissement n'a aucunement l'autorisation d'enfreindre cette décision pour autoriser une sortie dans un autre lieu.
    Ces limitations de temps et d'espace expliquent pourquoi la plupart des sorties d'internés (que ce soit des sorties seul ou des sorties accompagnées) se déroulent sur l'entité de la ville de Tournai.
    Par ailleurs, il est vrai que, pour des raisons de coût et de disponibilité de personnel, lorsque les décisions de commission ne limitent pas leurs décisions dans le temps ou l'espace, l'établissement lui-même est contraint de limiter les sorties accompagnées à un rayon de 30 kilomètres autour de Tournai (en restant sur territoire belge, bien entendu).

    En ce qui concerne l'accompagnement proprement dit, afin de réduire les risques de fugues, “Les Marronniers” ont décidé de limiter les sorties accompagnées à un maximum de trois patients par accompagnant. Cet accompagnement est assuré par le personnel soignant (terme générique reprenant les infirmiers, éducateurs et surveillants auxiliaires de soins) ou paramédical de l'unité de vie de l'interné, sous la responsabilité du psychiatre traitant. Ce sont donc les membres du personnel qui connaissent le mieux le patient qui effectuent l'accompagnement de la sortie.

    Les sorties sont par ailleurs préparées en équipe en tenant compte des aspirations de l'interné, des prescrits des commissions, des objectifs thérapeutiques de la sortie, de l'état mental de l'interné et des risques éventuels par rapport à la population locale. Elles font par ailleurs l'objet d'une évaluation ultérieure. Ces évaluations conditionnent le déroulement des sorties ultérieures. Il est donc évident que la personnalité, la pathologie et les actes délinquants commis avant l'internement interviennent à la fois dans la préparation et l'évaluation des sorties.

    Ainsi par exemple, certains lieux sont systématiquement rejetés : les piscines communales pour des internés délinquants sexuels, certaines salles de sport trop proches d'établissements scolaires, les débits de boisson… L'accès à certains lieux n'est par ailleurs autorisé qu'en fonction de certains moments . Ainsi, les unités évitent de se rendre en des lieux publics fortement fréquentés par des jeunes les mercredis après-midi ou durant les périodes de congés scolaires.

    La préparation des sorties s'effectue en partie avec l'interné lui-même. Ainsi, il est mis au courant des modalités de la sortie, des autorisations et des interdictions qui y sont liées. Chacun d'entre eux sait donc qu'une consommation d'alcool est interdite, que des vols dans les magasins le sont tout autant, que leur comportement général est évalué et conditionne les sorties ultérieures, que certains achats sont interdits…Ces sorties font donc l'objet d'une forme de " contrat individualisé " entre l'interné et l'établissement. A titre d'exemple, les internés sont avertis qu'à leur retour à l'établissement, ils pourront faire l'objet de fouille ou de test visant à déterminer s'ils ont consommé des produits stupéfiants ou de l'alcool.
    L'interné sait que la sortie sera évaluée et que la transgression de ce " contrat " entraînera une éventuelle révision de son programme thérapeutique individuel. Ainsi, chacun d'entre eux sait que la durée des sorties peut être écourtée, que les sorties peuvent être postposées, voire annulées.

    La sortie fait donc l'objet d'une première analyse effectuée par le personnel de l'unité, avec le médecin psychiatre traitant. Mais par ailleurs, en cas d'incident ayant eu lieu en cours de sortie ou au retour de celle-ci, une seconde analyse est effectuée lors d'une réunion hebdomadaire pluridisciplinaire présidée par le médecin-chef. Cette seconde analyse, effectuée avec recul et en interdisciplinarité, permet parfois de faire prendre conscience à l'équipe elle-même qu'elle n'a pas toujours fait preuve de l'objectivité voulue dans son évaluation et que la décision prise doit être réévaluée.

    Les patients internés ont par ailleurs été avertis qu'en cas de fugue ou de non-réintégration (celles-ci faisant l'objet d'un avis immédiat aux autorités judiciaires, policières et aux commissions de défense sociale), ils encourent le risque de se voir supprimer toute sortie jusqu'au passage suivant devant la commission de défense sociale (soit dans les six mois qui suivent). La commission de défense sociale peut donc ainsi réévaluer les modalités de sorties ultérieures en tenant compte de la " sanction " interne déjà intervenue.
    Il est bien entendu par ailleurs que si un interné a commis un délit durant sa sortie, les sorties seront d'office supprimées dans l'attente d'une décision de la commission de défense sociale et éventuellement dans l'attente d'une décision judiciaire.

    En ce qui concerne la formation du personnel, depuis 1998, une formation en santé mentale est dispensée par l'Institut de promotion sociale de la Communauté française de Tournai. Un groupe, variant de 10 à 25 personnes (éducateurs, infirmiers ou personnel paramédical non spécialisé en santé mentale) y participe chaque année. Dans la formation, les matières spécifiques de la prise en charge d'internés sont abordées, à savoir la législation, les pathologies psychiatriques, la pratique de soins sous contrainte, le volet sécuritaire relatif à la personne internée... D'autre part, la fonction d'accompagnement des nouveaux agents est également assurée par un cadre intermédiaire, et depuis peu, le directeur de la sécurité réunit ces nouveaux agents pour une conscientisation des risques liés à la sécurité en défense sociale et aux directives qui y sont liées.

    Les contacts avec la police locale ou fédérale sont essentiellement entretenus par le directeur de la sécurité, dans le respect à la fois de la sécurité publique et du secret professionnel.
    Des contacts ont par ailleurs cours actuellement avec le tout nouveau commissariat de police et douane franco-belge situé à Tournai. Ces contacts visent à mettre en place, dans le respect de la légalité, une procédure de rapatriement d'internés signalés en fugue mais retrouvés sur territoire français. A titre informatif, ce commissariat commun est intervenu voici quelques semaines dans ce contexte.
    En cas d'incident, les autorités policières sont immédiatement averties et collaborent avec le personnel de l'établissement à la résolution de l'incident.

    Enfin, s'il est exact que la ville de Tournai doit supporter des sorties quotidiennes d'internés, les incidents de ces deux dernières années sont tout à fait mineurs, à la fois en termes statistique (rappelons le taux d' " échec " de 2 millième déjà développé dans la réponse à une précédente question parlementaire) mais surtout en termes de gravité.

    Il m'apparaît par ailleurs que la confusion entre les internés et les autres malades de l'hôpital persiste et que ces derniers, lorsqu'ils fréquentent également les lieux publics de Tournai, sont assimilés à des internés, alors même que leur dangerosité n'est guère plus importante que celle des patients hospitalisés dans n'importe quelle institution psychiatrique.

    Il y a lieu de rappeler à cet effet que même en ce qui concerne les patients sous le régime de protection des personnes malades mentales, les patients hospitalisés dans la partie ouverte de l'hôpital ne peuvent faire l'objet de restrictions de liberté que de manière très limitée, ainsi que le prévoit la loi du 26 juin 1990.

    Enfin, j'informe l'honorable Membre que le Ministère fédéral de la Santé publique a accepté de subsidier une expérience pilote aux Marronniers en vue de favoriser l'information sur la maladie mentale dans les écoles de la région, et de permettre ainsi une destigmatisation dont les malades mentaux ont grand besoin.