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La proposition de la Commission européenne de plafonner les aides aux plus gros exploitants de l'Union européenne

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2011
  • N° : 454 (2010-2011) 1

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  • Question écrite du 07/04/2011
    • de DUPRIEZ Patrick
    • à LUTGEN Benoît, Ministre des Travaux publics, de l'Agriculture, de la Ruralité, de la Nature, de la Forêt et du Patrimoine

    Le Conseil européen de l’agriculture du 17 mars a exprimé son opposition à la proposition de la Commission de plafonner les aides aux plus gros exploitants de l'Union européenne, et ceci, de façon étonnante, au nom de la compétitivité. 

    En maintenant l’accaparement des paiements directs par une minorité de grosses exploitations, le Conseil fait fi des attentes des citoyens et des avertissements répétés de la Cour des Comptes de l’UE. Il affaiblit la PAC et contredit les objectifs de la réforme.

    En refusant la proposition de la Commission européenne de plafonner les paiements directs, le Conseil rend plus difficile la justification du budget de la PAC auprès des contribuables, sachant que plus des trois-quarts  des paiements continuent à être donnés à moins d’un quart des exploitations.

    Ce refus est justifié par l’exigence de compétitivité sur les marchés mondiaux, mais cet argument ne manque pas d’être paradoxal dans un contexte incluant d’importantes aides publiques. Lorsque les prix de vente des denrées agricoles produites en Europe sur les marchés mondiaux sont inférieurs aux coûts de production européens, compléter le revenu par des paiements directs est indispensable, mais ne rend pas pour autant les exploitations compétitives sur le marché international.

    En renonçant au plafonnement des aides directes, le Conseil maintient une compétition entre exploitations européennes particulièrement néfaste pour les plus petites d’entre-elles qui vont continuer à disparaître et ainsi diminuer le nombre d’emplois en agriculture.

    En recevant beaucoup plus d’aides publiques que leurs voisins, les grandes exploitations vont continuer à les absorber, renforçant la désertification rurale. Ne sommes-nous pas là en contradiction avec les « défis territoriaux » de la PAC 2020 ?

    Que pense Monsieur le Ministre de cette décision et de ces implications ?

    Peut-il nous dire quels Etats membres se sont exprimés en ce sens et, surtout, quelle a été la position défendue par la Belgique à ce sujet ?
  • Réponse du 27/04/2011
    • de LUTGEN Benoît

    La Commission européenne a présenté le 18 novembre 2010 au Conseil et au Parlement européen une communication, intitulée « La Politique agricole commune à l’horizon 2020 : Alimentation, ressources naturelles et territoire – relever les défis de l’avenir ». Ce document n’a pas de valeur législative mais est le point de départ d’un important processus de consultation qui permettra à la Commission de préparer des propositions législatives d’ici à l’automne 2011. Il n’y a donc à ce stade aucune proposition législative formelle de la Commission européenne sur la PAC après 2013. La communication de la Commission est un document d’objectifs et d’orientations.

    Parmi les orientations envisagées figure la distribution plus équitable des soutiens directs entre Etats Membres et entre agriculteurs. Différents moyens sont envisagés pour viser cette distribution plus équitable :
    - la redéfinition des enveloppes budgétaires allouées à chaque Etat Membre en abandonnant les références historiques ;
    - l’abandon des références historiques pour le calcul des aides par exploitation et donc une amorce vers un modèle plus harmonisé. Je rappelle au passage que la valeur des aides directes exprimée en euros/hectare se situe, en Belgique, largement au-dessus de la moyenne européenne alors que le montant moyen par exploitation est lui inférieur à la moyenne européenne. C’est donc un exercice qui comportera beaucoup de risques pour les agriculteurs belges et wallons ;
    - pour les grandes exploitations individuelles, ces paiements seraient plafonnés, en tenant compte néanmoins du nombre d’unités de travail salarié (importance d’assurer l’équité dans la distribution des aides directes « entre les différents Etats Membres », « mais aussi entre les différentes régions, les différentes catégories d’exploitations ou différents secteurs »).

    Lors de sa session du 17 mars dernier, le Conseil des Ministres de l’Agriculture de l’Union européenne était saisi d’un projet de conclusions du Conseil. Pour des raisons de procédure (adoption à l’unanimité), le Conseil n’a pas été en mesure d’adopter ces conclusions qui sont ainsi devenues des conclusions de la Présidence, soutenues par 20 délégations représentant une majorité qualifiée.

    Le point qui fait l’objet de votre question est le paragraphe 14 de ces conclusions, libellé comme suit : « [Le Conseil] PREND NOTE de l'opposition ferme de certains États Membres à l'introduction d'une limite supérieure pour les paiements directs perçus par de grandes exploitations individuelles, et de la demande selon laquelle toute proposition devrait être formulée de manière à ne pas affecter la compétitivité des exploitations agricoles et la nécessaire simplification de la PAC ».

    Il est donc à ce stade prématuré et réducteur de dire que le Conseil rejette le plafonnement. Interrogé à ce sujet, le Commissaire Ciolos a indiqué que le plafonnement contribue à une distribution plus équitable et participe à la justification sociétale des dépenses de la PAC. Je partage ce point de vue.

    La délégation belge soutient l’idée du plafonnement et a indiqué, lors des travaux préparatoires, que ce paragraphe était formulé trop négativement. Toutefois, in fine, sur la base d’une appréciation globale du document de conclusions, certes faible et imparfait, mais dans lequel :
    - plusieurs points demandés par la délégation belge lors des travaux préparatoires ont été intégrés ;
    - bon nombre de nos points d’intérêts étaient couverts directement ou indirectement ;
    - rien qui menaçait nos intérêts de base.

    La délégation belge a marqué son accord sur ce projet de conclusions.

    J’ai préféré que la Belgique accepte le texte de la présidence hongroise qui conforte la proposition du Commissaire Ciolos plutôt que le vote belge vienne grossir les Etats membres qui souhaitent demain une PAC moins forte et moins ambitieuse.

    La balle est maintenant dans le camp de la Commission européenne qui doit préparer ses propositions législatives.