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Les champs électromagnétiques artificiels

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2011
  • N° : 239 (2010-2011) 1

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  • Question écrite du 26/04/2011
    • de STOFFELS Edmund
    • à TILLIEUX Eliane, Ministre de la Santé, de l'Action sociale et de l'Egalité des chances

    La Libre Belgique publiait : « Le Journal de médecine professionnelle et environnementale du 24 janvier dernier, informe sur les conséquences de la téléphonie mobile sur la santé.

    Deux des principaux chercheurs de l’étude internationale « Interphone » parlent de risque accrus de tumeurs. Ils conseillent d’utiliser davantage le SMS, un kit main libre et/ou le mode haut-parleur du téléphone, de manière à réduire l’exposition du cerveau aux radiations.

    Des effets à long terme semblent en effet se confirmer. Ainsi, « un risque accru d’une forme particulièrement dangereuse de tumeur cérébrale à long terme chez les grands utilisateurs est préoccupant … ».

    Par grands utilisateurs, ils entendent déjà une demi-heure d’utilisation quotidienne ! Et, chez des sujets à faible utilisation, on aboutit à des ratios de risque supérieurs à I pour le gliome, le type de tumeur en question. C’est bien ce qu’affirment dans ce journal la chercheuse française Elizabeth Siegel Cardis et l’Israélien Siegel Sadetzki.

    Madame la Ministre est-elle au courant de cette publication ?

    Quelles sont les conséquences qu'elle en tire par rapport aux compétences qui lui ont été confiées ? N’est-il pas utile d’avoir bien à l’œil cette problématique et d’en tirer les enseignements tant en matière d’environnement qu’en termes de santé ?

    Devons-nous modifier les règles en Région wallonne en matière d’émissions électromagnétiques ? D’antennes GSM ? De distance minimale à garder entre une antenne et les habitations les plus proches ?

    Le GSM n’étant pas la seule source de champs électromagnétiques, n’est-il pas utile de lancer une campagne d’information et de sensibilisation sur la question de savoir « comment réduire l’exposition aux champs électromagnétiques » ?
  • Réponse du 18/05/2011
    • de TILLIEUX Eliane

    Avant de répondre à la question de l'état des connaissances quant à l'impact des ondes électromagnétiques et des GSM sur la santé, et des mesures à prendre, il me semble important de rappeler quelques principes et définitions.

    Pour rappel, les charges électriques génèrent un champ électrique. Ainsi, il existe un champ électrique autour de chaque prise. Quand le courant électrique passe dans les fils, lors de la consommation d'électricité (par exemple, quand une lampe est allumée ou que l'aspirateur fonctionne), les charges électriques se déplacent et génèrent un champ magnétique.

    Les appareils électriques sont alimentés par un courant alternatif. Les champs électriques et magnétiques générés sont donc des champs alternatifs qui alternent avec la même fréquence que le courant: 50 vibrations par seconde ou 50 Hz.

    Le spectre de fréquence des radiations non ionisantes est subdivisé en fréquences extrêmement basses (ELF) (>0 - 300 Hz), en fréquences intermédiaires ou moyennes (IF) (300 Hz - 100 kHz), en ondes radio (RF) (100 kHz - 300 GHz) et ondes optiques (300 GHz- 3 PHz).

    A haute fréquence, le champ électrique et le champ magnétique, indivisibles, sont désignés dans leur ensemble comme une onde électromagnétique ou un champ électromagnétique. Les ondes radio, GSM, la lumière infrarouge, la lumière visible, les rayons ultraviolets, les rayons X, les rayons gamma, etc.... sont tous des ondes électromagnétiques.

    Plus les ondes se succèdent rapidement, plus leur fréquence est élevée. La téléphonie mobile par exemple se situe dans la zone de fréquence des radiofréquences (100 KHz à 300 GHz) et des micro-ondes (300 MHz à 300 GHz).

    La fréquence détermine le type, les caractéristiques spécifiques et l'application des ondes électromagnétiques. Et notre corps réagit différemment aux ondes de fréquences différentes. Les champs électriques et magnétiques peuvent exercer une force sur les particules chargées électriquement dans le corps humain. Les conséquences varient en fonction des fréquences du champ électromagnétique alternatif. Les champs ayant des fréquences entre 100 kHz et 10 MHz peuvent déclencher deux processus: le courant induit et l'effet thermique. La grandeur utilisée pour quantifier cet effet thermique est le débit d'absorption spécifique (DAS).

    Pour établir des limites d'exposition - obtenue en appliquant une marge de sécurité - pour l'ensemble du spectre électromagnétique, l'organisation internationale d'experts scientifiques indépendants ICNIRP (International Commission on Non­lonizing Radiation Protection) a, en 1998, étudié les données scientifiques disponibles. En septembre 2009, l'ICNIRP a confirmé ses recommandations en se basant sur des données récentes.

    Les experts de l'ICNIRP ont déterminé un seuil d'apparition d'effet préjudiciable à la santé en ce qui concerne les hautes fréquences (in Les champs électromagnétiques et la santé. Votre guide dans le paysage électromagnétique, Service public fédéral santé publique, sécurité de la chaîne alimentaire et environnement, 2010) : ce seuil se situe selon les experts à un niveau de 4 Watt par Kilo (W/Kg) : si le débit d'absorption spécifique (DAS) dépasse cette valeur, le corps n'est plus capable d'évacuer la chaleur.

    L'ICNIRP a fixé les limites d'exposition en appliquant au seuil un facteur de sécurité de 10 pour les travailleurs et de 50 pour la population en général (soit au total 0,08 W/kg). Pour le contrôle, une autre grandeur doit cependant être utilisée, à savoir l'intensité du champ électrique, exprimée en Volts par mètre (v/m) (1).
    Dans son avis 6605 et confirmé dans l'avis 6803, le Conseil Supérieur de la Santé (CSS) a recommandé dès 2000 une limite d'exposition totale aux ondes radio de toutes les sources stationnaires 200 fois plus stricte que la limite recommandée par l' ICNIRP (soit 0,0004 W/kg), correspondant à une intensité du champ électrique de 3 V/m à la fréquence de 900 MHz. Le CSS a notamment argumenté que
    * la norme de 3 V/m était techniquement réalisable;
    * cette norme tient compte de l'existence de personnes potentiellement plus sensibles ou vulnérables parmi la population générale et offre une protection supplémentaire aux personnes porteuses d'implants médicaux (norme européenne de compatibilité électromagnétique);
    * elle tient compte du principe de précaution, des effets biologiques ayant été décrits au-delà de cette valeur.

    Les experts affirment que l'exposition liée aux téléphones mobiles est beaucoup plus importante que celle due aux antennes de stations de base (2). En effet, lors d'une communication, la partie de la tête située du côté du téléphone est soumise à un DAS qui est environ 1.000 à 10.000 fois plus élevé que celui dû à l'antenne de la station de base. Si on considère la dose absorbée par les organes les plus exposés (dans le cas présent, une partie de la tête), il est montré (3) que le GSM peut produire, en une dizaine de secondes de communication, une dose du même ordre que celle reçue, en 24 heures, par les riverains d'antennes les plus exposés. Ces données sont évidemment très importantes lorsque l'on traite la question des effets des rayonnements électromagnétiques où l'importance du niveau d'exposition doit être prise en compte. Elles fournissent également des éléments de réponse à la question de savoir si les règles en Wallonie en matière d'émissions électromagnétiques des antennes doivent être modifiées du fait de l'évolution des connaissances résultant d'études telles qu'interphone.

    Les effets des ondes électromagnétiques sur la santé provenant de l'usage d'un GSM peuvent être de deux types: effets à court terme et effets à long terme. Sur le plan épidémiologique, ce sont principalement des études à court terme qui ont été réalisées (utilisation du GSM sur une période de moins de 10 ans). Celles-ci ne montrent aucun risque accru de développement de tumeurs du cerveau. Les études à long terme (plus de 10 ans d'utilisation) sont rares. Il n'y a pas encore assez de données disponibles pour tirer de conclusion. L'utilisation longue et répétée du GSM reste donc une zone d'ombre où la prudence est de mise.

    Des recommandations en matière d'utilisation du téléphone mobile ont été formulées par le Conseil supérieur de la Santé - à l'époque dénommé Conseil Supérieur d'Hygiène - et réitérées dans son avis n°6.605/5 en 2004, notamment dans l'objectif de limiter l'exposition au rayonnement des GSM. Ces recommandations sont les suivantes:
    * l'usage d'un téléphone mobile (GSM) par le conducteur d'un véhicule automobile en mouvement, même avec un équipement "mains libres", est à éviter dans la mesure du possible.
    * l'usage du téléphone mobile par la population générale, et en particulier par les enfants et les femmes enceintes ou à leur proximité immédiate, ne devrait pas durer plus de quelques minutes d'affilée. Si possible, il ne devrait pas être une solution de remplacement de la téléphonie fixe.
    * l'usage du téléphone mobile par la population générale, et en particulier par les enfants et les femmes enceintes ou à leur proximité immédiate, devrait être évité dans les conditions de mauvaise transmission telle qu'attestée par une indication de faible signal sur l'écran du combiné. Ces conditions existent, notamment, à l'intérieur d'un véhicule automobile (sauf utilisation d'une antenne extérieure), d'un wagon de train, tram ou métro, d'une cage d'ascenseur, ou du sous-sol d'un bâtiment en béton armé.
    * l'usage du téléphone mobile doit être préféré en situation stationnaire plutôt qu'en mouvement, surtout rapide (véhicule). Ceci afin d'éviter les élévations du niveau de puissance d'émission qui existent, notamment, lors du passage d'une cellule du réseau GSM à une autre.
    * l'usage d'une "oreillette" doit être encouragé afin de permettre l'éloignement, même modeste (p. ex. 20 cm), du combiné, non seulement de la tête mais aussi de tout le corps, en particulier en début de communication. Sinon, il est conseillé d'alterner régulièrement (p. ex. toutes les 2 minutes) l'oreille d'écoute, avec ou sans usage d'un dispositif réputé atténuer l'exposition aux micro-ondes.
    * un téléphone mobile (GSM) doit toujours être tenu à une distance minimale de 15 centimètres par rapport à tout dispositif électronique implanté, tel que, notamment, stimulateur (pace maker) ou défibrillateur cardiaque.
    * en cas d'usage sans oreillette, la préférence doit aller à l'utilisation d'un téléphone mobile équipé d'une antenne réduisant l'absorption des micro­ondes plutôt que d'une antenne mono ou dipolaire.

    En septembre 2010, le Service public fédéral Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et environnement a édité une brochure grand public diffusée notamment via les points de vente des GSM, consacrée à l'état des connaissances, à différentes questions et à des astuces pour réduire l'exposition, notamment inspirées des recommandations du Conseil supérieur de la Santé.

    Comme peut le constater l'honorable membre, ces recommandations sont similaires à celles reprises dans l'article qu'il mentionne.

    On me demande si les règles en Région wallonne en matière d'émissions électromagnétiques doivent être modifiées du fait de l'évolution des connaissances résultant d'études telles qu'interphone. Pour rappel, INTERPHONE est une étude internationale coordonnée par l'agence internationale de recherche contre le cancer dont l'objectif est de déterminer si l'usage des téléphones mobiles augmente le risque de développer une tumeur cérébrale. Les résultats publiés en mars 2010 concluent à une absence de risque de gliomes ou de méningiomes. Cependant, il se pourrait qu'à de hauts niveaux d'exposition, le risque soit augmenté pour les gliomes, mais pour l'affirmer, il faudrait de plus amples investigations.

    Les conclusions publiées dans l'International Journal of Epidemiology sont les suivantes:
    « This is the largest study of the risk of brain tumours in relation to mobile phone use conducted to date and it included substantial numbers of subjects who had used mobile phones for >1= 10 years. Overall, no increase in risk of either glioma or meningioma was observed in association with use of mobile phones. There were suggestions of an increased risk of glioma, and much less so meningioma, at the highest exposure levels, for ipsilaferal exposures and, for glioma, for tumours in the temporal lobe. However, biases and errors limit the strength of the conclusions we can draw from these analyses and prevent a causal interpretation (4). »

    Si des études suggèrent une possibilité d’association (5) avec un risque accru de tumeurs, jusqu'à présent aucune d'entre elles n'a établi un lien causal entre la téléphonie mobile et ce risque.

    La veille scientifique reste de mise dans cette problématique, notamment quant aux effets à long terme découlant de l'usage intensif du GSM. Et il me parait tout à fait justifié, sur le principe, que les réflexions et législations tiennent compte des considérations et exigences de précaution résultant des études épidémiologiques, à titre d'exemple l'avis n°8081 du CSS dans ses recommandations concernant l'exposition de la population aux champs magnétiques émanant des installations électriques qui a été publiée 1er octobre 2008.

    Il faut relever que la valeur de 3 V lm préconisée par le CSS a inspiré le décret du 3 avril 2009 au titre de limite d'immission pour le champ électromagnétique émis par les antennes émettrices fixes d'une puissance de plus de 4W (6). Cette limite s'applique aux lieux de séjour, par antenne, et sans que soient pris en compte les rayonnements électromagnétiques générés par d'autres sources de rayonnements électromagnétiques éventuellement présentes (7). Le cumul des sources de champs électromagnétiques devrait le cas échéant retenir notre attention.

    Il est un fait que l'intensité des champs électriques et magnétiques décroît avec l'éloignement de la source. Ce critère est indirectement pris en considération dès lors que la législation régionale prévoit le respect de la valeur limite d'immission en quelque lieu de séjour que ce soit, quelle que soit la distance par rapport à l'antenne. Il l'est également dès lors que l'article 6, §2 du décret prévoit un périmètre de proximité (d'écoles, de crèches, d'hôpitaux, de maisons de repos) dans lequel les contrôles doivent être effectués dans les 30 jours de la mise en service des antennes émettrices stationnaires.

    Les publications éditées par le Service public fédéral ayant trait l'une aux ondes électromagnétiques et l'autre aux GSM, déjà largement diffusées contribuent à l'information et la sensibilisation de la population. Compte tenu de l'intérêt manifesté, le SPF prévoit l'édition de fiches thématiques qui seront prochainement téléchargeables sur son site, en ce compris en langue germanophone. Mon collègue le Ministre Philippe Henry a quant à lui prévu une publication consacrée aux antennes émettrices réglementées ainsi que divers équipements de la sphère privée. Dans le cadre du subside que j'alloue à Espace environnement, une fiche d'information sur la réduction de l'exposition aux champs électromagnétiques est également diffusée à un large public (8).



    (1) Pour rappel, l'exposition aux basses fréquences (engendrées par exemple par les lignes à haute tension) utilise comme grandeur le champ magnétique et l'intensité des champs magnétiques est exprimée en teslas (T).

    (2) AFFSET (France), expertise collective sur les radiofréquences, octobre 2009.

    (3) ISSeP, Télécommunications mobiles et informatiques sans fil, rapport n° 1100/2008.

    (4) Braine tumour risk in relation to mobile telephone use: results of the interphone international case-contro study, The INTERPHONE Study Group, International Journal of Epidemiology 2010,1-20,8 march 2010.

    (5) Association: existence d'un lien statistique entre deux variables. En l'occurrence, il ressort de l'étude Interphone que « There were suggestions of an increased risk of glioma, and much less so meningioma. in the highest decile of cumulative cal/time. in subjects who reported usual phone use on the same side of the head as their tumour and, for glioma. for tumours in the temporallohe, Biases and errors limit the strength of the conclusions that can be drawnfrom these analyses (. .. ). »

    (6) l'avis du CSS vise l'exposition totale, aux ondes radio de toutes les sources stationnaires, ce qui inclut par exemple les émetteurs de télévision. Toutefois, la puissance n'est pas la seule donnée qui influence l'exposition. l'exposition est aussi notamment déterminée par la distance par rapport à la source.

    (7) Tels que par exemple les champs basse fréquence générés par les lignes à haute tension. Article 4, alinéa 4.

    (8) Je peux réduire mon exposition aux champs électriques, magnétiques et électromagnétiques dans ma maison, fiche d'information n°8, Espace-Environnement, avril 2009