/

Les procédures de modification de permis de lotir

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2011
  • N° : 797 (2010-2011) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 05/05/2011
    • de SENESAEL Daniel
    • à HENRY Philippe, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité

    Certaines personnes souhaitant transformer ou agrandir leur habitation se voient contraintes de remplir de longues et coûteuses procédures administratives ou, tout simplement, de renoncer à leur projet. En effet, dans les lotissements non périmés, il ne serait plus possible de déborder de la zone capable de bâtisse même avec le mécanisme de la dérogation. Une procédure de modification de permis de lotir doit être instruite préalablement à toute demande de permis d’urbanisme ou de déclaration urbanistique préalable entraînant, par là même, des frais non négligeables pour le particulier.

    Malgré ces procédures, si un particulier obtient sa modification de permis de lotir via un permis d’urbanisation modificatif, quel est le statut juridique du permis de lotir initial ? L’ensemble forme-t-il encore un permis de lotir ? La partie modifiée (ou l’ensemble du permis de lotir initial puisque l’on doit y mettre des options d’ensemble ?) est-elle un permis d’urbanisation qui, une fois les travaux réalisés voit ses prescriptions tomber au niveau du rapport urbanistique ?

    D’autres instructions circuleraient également dans les administrations à propos des dérogations : la notion de l’esprit des prescriptions. Certains souhaits des particuliers ne seraient pas des dérogations mais nécessiteraient l’instruction d’une modification de permis de lotir, soit, de nouveau l’instruction d’un permis d’urbanisation modificatif complet. Ce serait le cas, par exemple, de personnes souhaitant construire une extension (même dans la zone capable de bâtisse) à toiture plate en bardage bois dans des anciens lotissements où les pentes de toitures sont prévues à 45 degrés et où les matériaux de parement sont prévus en briques. Ce serait le cas également lorsque des particuliers souhaiteraient construire une habitation plus contemporaine dans des lotissements qui ne prévoient pas, par exemple, la possibilité de construire des habitations « passives » en bois avec des baies vitrées n’ayant pas une dominante verticale et avec des débordements de toiture (orientation en fonction du soleil). L’administration indiquerait que la dérogation ne peut aboutir à dénaturer la règle à laquelle on déroge ou encore qu’il ne faut pas nuire aux options fondamentales du lotissement.

    A cela, il pourrait être répondu qu’il suffit d’appliquer les dispositions transitoires du RESA ter, article 109, c'est-à-dire « d’abroger » les prescriptions du lotissement en leur donnant une « simple valeur indicative » de rapport urbanistique et environnemental. Encore faut-il que tous les lots soient construits (ce qui n’est pas toujours le cas, a fortiori, si l’on construit une nouvelle habitation dans ce lotissement) et qu’il y ait eu certification que tous les travaux ont été réalisés conformément aux permis délivrés (la circulaire ministérielle de Monsieur le Ministre du 3 juin 2010). A qui incombe la responsabilité de l’application de cet article ? Que se passe-t-il si un des « co-lotis » n’est pas en règle vis-à-vis de son permis ou encore, qu’il garde un lot pour ses enfants ou pour agrandir son jardin ?

    Empêcherait-il simplement l’ensemble du lotissement d’évoluer ? Et si les travaux en infractions ont été réalisés dans le cadre de l’article 262 : travaux ne nécessitant pas de permis ? Enfin, qu’entend-on par conforme « aux permis délivrés » au pluriel ? Cela veut-il donc dire qu’un permis d’urbanisme octroyé par dérogation aux prescriptions d’un lotissement est d’office non conforme au permis de lotir et empêche donc l’application de l’article 139 ? Qu’en est-il également des transcriptions aux hypothèques de ces prescriptions (dans les actes de base) qui sont des actes authentiques qui rendent officielles et publiques les prescriptions ? Et ce, même pour les lotissements périmés.

    Même si le propriétaire achète « en connaissance de cause », même si la sécurité juridique est souhaitée par tous, en premier lieu par les voisins entre eux, Monsieur le Ministre comprendra aisément que l’on ne construit plus aujourd’hui comme hier, qu’il faudrait peut-être s’adapter aux techniques et aux matériaux d’aujourd’hui et surtout anticiper demain qui est proche, et ce, dans le cadre philosophique du développement durable.

    Dans certaines communes, le personnel des services d'urbanisme ne sait plus quoi répondre face à ces projets ne répondant pas tout à fait aux prescriptions, qui plus est, pouvant elles mêmes être interprétées de différentes manières... Relèvent-ils de la dérogation ou de la modification de permis de lotir via permis d’urbanisation modificatif….? La réponse serait même différente selon les secteurs et les fonctionnaires délégués. Afin d’assurer un lissage de la pratique de l’aménagement du territoire en Wallonie et surtout assurer la sécurité juridique et l’égalité chère à tous les citoyens et aux différents acteurs de l’aménagement du territoire dont les communes, les notaires, les géomètres, les architectes, … nous souhaitons de la part de Monsieur le Ministre qu'il indique clairement où s’arrête la dérogation et où commence la modification de permis de lotir via permis d’urbanisation modificatif !

    En attendant les conclusions de l’évaluation du CWATUPE, ne serait-il pas opportun de prendre des mesures transitoires urgentes afin de clarifier la situation qui, dans l’état actuel des choses, risque très fort de devenir intenable économiquement, juridiquement et administrativement à court, moyen et long termes tant pour les communes et la Région que surtout pour les citoyens ?
  • Réponse du 03/10/2011
    • de HENRY Philippe

    1. Après modification du permis de lotir par un permis d’urbanisation, « quel est le statut du permis de lotir » ?

    La circonstance qu’une autorité compétente a délivré un permis d’urbanisation modifiant un permis de lotir (en vertu de l’article 109, al. 2, du décret du 30 avril 2009 – RESAter) ne modifie pas le statut du permis de lotir. Le permis de lotir conserve les effets juridiques qui lui sont attachés par l’effet des décrets. La partie modifiée évoluera, elle, selon les règles propres du PUR.

    2. « L’ensemble forme-t-il encore un permis de lotir » ?

    A la suite de ce qui est dit ci-avant, il faut considérer que dans le périmètre du permis de lotir, deux régimes juridiques coexistent.

    3. « La partie modifiée (…) est-elle un permis d’urbanisation qui, une fois les travaux réalisés, voit ses prescriptions tomber au niveau du rapport urbanistique » ?

    Une réponse positive doit être apportée. Le chapitre 9 de la circulaire du 30 juin 2010 apporte les explications nécessaires à la compréhension des mécanismes institués par le décret précité (la circulaire est publiée au Moniteur belge du 19 juillet 2010, pp. 46936 et suivantes).

    4. Quant aux dérogations

    Le procédé de la dérogation doit - selon les dispositions décrétales - rester exceptionnel. Les règles qui l’autorisent sont de stricte interprétation. Toute autre solution permettrait à l’autorité de vider la norme principale de sa substance en méconnaissance des règles qui permettent la révision de la norme.

    A cet égard, la jurisprudence du Conseil d’Etat est constante :

    « Le caractère exceptionnel visé à l’article 114 s’entend de la nécessité de déroger à une norme pour la réalisation optimale d’un projet bien spécifique en un lieu bien précis, sans que, par leur nombre et par leur ampleur, les dérogations accordées puissent aboutir à vider de sa substance la norme à laquelle il est dérogé, en méconnaissance des règles de compétences et de procédure qui président à la révision de celle-ci. » (C.E., Kersten et Alexandre, n° 211.025, 3 février 2011) (Voir aussi C.E., Colle, nos 190.750 et 190.751, 24 février 2009 ; C.E., Ville de Namur, n° 192.386, 14 avril 2009, C.E., Deneyer, n° 202.696, 31 mars 2010).

    Autrement dit, je confirme le propos de l’honorable membre qui précise que la dérogation ne peut pas « dénaturer » la règle et donc que le mécanisme dérogatoire doit éviter de « nuire aux options fondamentales » d’un permis de lotir.

    La jurisprudence du Conseil d’Etat relative à la motivation formelle des dérogations aux permis de lotir s’établit en ce sens que :

    « si la modification demandée ne porte que sur un lot, il convient que l’administration établisse, avant de l’accorder, que ce lot présente un caractère spécifique ou qu’elle fasse apparaître que la généralisation de la modification à l’ensemble des lots comparables ne met pas en cause le bon aménagement des lieux et l’harmonie du projet collectif que constitue le lotissement. » (C.E., Janssens van der Maelen, n° 192.842, 29 avril 2009)

    A défaut, il faut procéder à une modification du permis de lôtir.

    5. « A qui incombe l’application de l’article 139 du CWATUPE » ?

    Cette disposition est à mettre en œuvre par le collège communal et le fonctionnaire délégué.

    6. « Que se passe-t-il si un des "co-lotis" n’est pas en règle vis-à-vis de son permis » ?

    La DGO4 adopte une position qui vise à assurer la situation juridique de tous les co-lotis : Le constat prévu par l’article 109, al. 3, du CWATUPe n’a pas l’effet prévu par le décret du 30 avril 2009, à savoir l’effet abrogatoire de plein droit en question et la force d’un RUE (article 18 ter du CWATUPe). L’UVCW met en évidence certaines difficultés issues de cette interprétation. Une réunion de travail sera prochainement organisée sur cette problématique.

    7. « Que se passe-t-il si un des "co-lotis" garde un lot pour ses enfants ou pour agrandir son jardin » ?

    a) Conserver un lot dans un patrimoine ne modifie pas le régime juridique du lotissement ou les effets d’un permis d’urbanisation.
    b) Le fait de conserver un lot n’empêche pas "l’ensemble du lotissement d’évoluer" selon les dispositions des articles 109 du RESAter.
    c) Des déclarations de régularisation sont admises.

    8. « Qu’entend-on par conforme "aux permis délivrés" au pluriel » ?

    a) Le pluriel se justifie par le nombre des autorisations habituellement délivrées dans le périmètre d’un lot : le permis de lotir lui-même et le ou les permis d’urbanisme.

    b) L’obtention de dérogations ne constitue nullement une cause de non-conformité qui paralyserait les effets attendus de l’article 139 du CWATUPe.

    c) Les effets des actes posés par les Conservateurs des Hypothèques sont étrangers aux effets des articles déjà cités du CWATUPe.