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L'interdiction totale des phosphates dans les produits à lessiver

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2011
  • N° : 798 (2010-2011) 1

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  • Question écrite du 05/05/2011
    • de SENESAEL Daniel
    • à HENRY Philippe, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité

    La Commission de protection des consommateurs du Parlement européen s’est prononcée pour l’interdiction totale des phosphates dans les produits à lessiver partout en Europe.

    Il s’agit d’un grand pas en avant puisque les phosphates présents dans les eaux usées finissaient dans nos rivières. Cela avait pour conséquence de produire une prolifération d’algues vertes, des végétaux aquatiques et menait à l’épuisement en oxygène de nos cours d’eau.

    La Commission a également voté une autre obligation. Les étiquettes des produits à lessiver vont prochainement être modifiées. On devrait bientôt retrouver des trucs et astuces pour mieux gérer sa lessive. Ces étiquettes pédagogiques vont donc inviter le citoyen à adopter une démarche lui permettant de faire des économies tout en soulageant la planète. C’est d’autant plus important que 50 à 70% des émissions de carbone liées aux produits de nettoyage sont émises pendant leur utilisation.

    L’interdiction en phosphate va avoir pour effet de diminuer l’eutrophisation de nos cours d’eaux, c’est-à-dire leur épuisement en oxygène. Peut-on estimer l'effet environnemental d'une telle interdiction sur l'état écologique des rivières wallonnes ?

    La nouvelle réglementation concernant les étiquettes devrait aider les consommateurs à diminuer les émissions de carbone occasionnées pendant l’utilisation de produits de nettoyage. Dispose-t-on d'une estimation de l'empreinte écologique de ce secteur ?
  • Réponse du 08/06/2011 | Annexe [PDF]
    • de HENRY Philippe

    La Commission européenne a proposé récemment un projet de règlement qui vise à limiter la teneur en phosphore dans les détergents textiles à 0,5 % du poids total. Cette disposition devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2013. A noter que ce règlement ne devrait pas s'appliquer aux détergents destinés aux lave-vaisselles automatiques utilisés par des particuliers ou des professionnels.

    En outre, en ce qui concerne les détergents portant le label écologique, la Commission européenne vient d'adopter les décisions du 28 avril 2011 (2011/264/UE et 2011/263/UE) établissant des critères écologiques pour l'attribution du label écologique de l'Union européenne aux détergents textiles et aux détergents pour lave-vaisselle. Le critère n°4 annexé à ces documents - substances et mélanges faisant l'objet d'une limitation ou d'une exclusion - prévoit que les phosphates ne peuvent pas entrer dans la composition du produit, en tant que tels ou en tant que constituants d'un mélange entrant dans cette composition.

    Le 13 février 2003, la Belgique avait déjà adopté un arrêté royal (1) régissant la teneur en phosphates dans les produits destinés aux usages ménagers pour le lavage des textiles. L'article 1er de cet arrêté précise que « A partir du 1er janvier 2004, il est interdit d'offrir en vente ou de mettre à la disposition du consommateur final des produits destinés aux ménages pour le lavage des textiles contenant au total plus de 0,5 % de phosphore, qu'il soit présent sous forme de composés organiques ou inorganiques ».

    La Belgique a donc anticipé la réglementation européenne relative à l'utilisation de phosphates dans les produits lessiviels et elle est déjà en phase, depuis 2004, avec la proposition de règlement de la Commission européenne limitant la teneur en phosphore dans les détergents textiles à 0,5 % en poids.

    Cependant, bien que la Belgique ait anticipé le problème du phosphore dans les détergents textiles, elle n'a pas nécessairement résolu définitivement les problèmes d'eutrophisation dans ses cours d'eau, car il existe de nombreuses autres sources d'émissions de phosphates : phosphates d'origine agricole (lessivage des sols par ruissellement, apport de particules érodées, engrais, apports directs par les bovins ... ), rejets urbains (savons, détergents non textiles, métabolisme humain ... ), rejets industriels. D'autres facteurs interviennent également sur les niveaux de concentration en phosphates dans les cours d'eau : rendement épuratoire des stations d'épuration, fluctuation des débits, pollution des sédiments ... , ce qui fait que les effets escomptés des mesures mises en œuvre sur la qualité des cours d'eau ne sont pas toujours optimaux, comme le précise le dernier tableau de bord de l'environnement wallon (indicateur eau 5 : http://etat.environnement,wallonie.be).

    Selon une étude de la DG-Environnement (2), les émissions de phosphate en Belgique, dues aux détergents représenteraient environ 10 % des rejets urbains (lesquels représenteraient 40 % des émissions de phosphates dans les cours d'eau). Par ailleurs, selon te rapport de la Commission du 4 mai 2007 (3), une étude réalisée en 2002 par WRc conclut que: « l'interdiction de détergents à base de phosphates peut permettre une réduction de la charge phosphorique pouvant aller jusqu'à 40 % ; Néanmoins cette mesure ne suffit pas, seule, à améliorer, sensiblement le phénomène d'eutrophisation ». Dans ce même rapport, on cite une étude portant sur le développement d'une évaluation quantitative du risque d'eutrophisation causée par les polyphosphates dans les détergents. Cette étude publiée en octobre 2006 (4) arrive à la conclusion que: « la différence entre le risque d'eutrophisation généré par la présence de détergents phosphatés- et le risque généré en l'absence de détergents à base de phosphates est généralement de 2 % à 8 % pour l'évaluation de l'impact en Méditerranée et environ de 0,4 % à 2 % pour l'Atlantique et l'Europe Septentrionale et centrale ».

    En Wallonie, la consommation de produits détergents de type écologiques (tous types confondus) représentaient près de 6 % de la consommation totale de produits détergents en 2008 (5). En considérant une concentration maximale de phosphore dans les détergents textiles (classiques et écologiques) de 0,5 % en poids (respects de la valeur maximale autorisée dans l'AR du 13 février 2003), les quantités de phosphore liées à l'utilisation de détergents textiles et rejetées dans les eaux wallonnes avoisinaient les 33 tonnes (6) en 2008. Cette valeur représente environ 3 % des rejets totaux de phosphore d'origine urbaine déversés dans les cours d'eau wallon (selon les estimations issues du modèle PEGASE pour l'année 2005 : voir indicateur eau 2 du Tableau de bord de l'environ­nement wallon 2010 : http://etat.environnement.wallonie.be).

    Si la décision de la directive 2011/264/UE qui vise à interdire totalement l'utilisation de phosphates dans les détergents textiles de type écologique avait été d'application en 2008, les quantités de phosphore déversées évitées dans les cours d'eau wallons auraient été d'environ 2 tonnes. Ce qui signifie que l'impact de l'utilisation des détergents textiles écologiques sans phosphates reste assez marginal en Région wallonne.

    Depuis janvier 2007 (Règlement n°907/2006/CE), la réglementation sur l'étiquetage des détergents
    * prévoit d'indiquer l'adresse du site web où il est possible d'obtenir la liste des composants;
    * oblige de déclarer les fragrances allergisantes si elles sont ajoutéès sous forme de substances pures;
    * impose l'accessibilité des informations sur les composants destinées au grand public par le recours à la nomenclature INCL

    L'étiquetage doit également mentionner la dose conseillée en fonction de trois niveaux de dureté de l'eau. Enfin, les règles en matière d'étiquetage s'appliquent à tous les détergents, qu'il s'agisse de détergents industriels ou utilisés par le grand public.

    En ce qui concerne les émissions de carbone liées au fonctionnement d'équipements électriques (machines à laver, lave-vaisselle ... ) qui utilisent des produits détergents, la directive 2010/30/UE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010 (7), établit un cadre relatif à l'étiquetage et à l'information des consommateurs sur la consommation énergétique des produits liés à l'énergie (citons par exemple, les machines à laver et les lave-vaisselle qui utilisent des produits détergents). Utiliser des équipements économes en électricité doit permettre de réduire la facture annuelle des consommateurs et de diminuer les émissions de CO2.

    D'autre part, des engagements sont également pris pour augmenter la part des produits de lessive concentrés. Pour une même quantité de doses de lavage, ces produits ont l'avantage d'être plus compacts et plus faciles à transporter, générant ainsi moins de CO2.

    En outre, dans le cadre de la promotion de modes de production et de consommation plus durables, la question de l'affichage (étiquetage) environnemental des produits de consommation courante est souvent soulevée. Des engagements ont été pris au niveau fédéral pour mettre en place une réglementation à ce sujet. Dans le cadre ces engagements, une étude (8) du SPF santé publique, sécurité de la chaîne alimentaire et environnement a été consacrée à l'analyse des méthodes d'évaluation environnementale existantes ainsi qu'à l'analyse critique comparative des dispositifs d'affichage environnemental existants.

    Suite aux résultats de cette étude, un groupe de travail a été mis en place afin de proposer des principes méthodologiques généraux de calcul de bilans environnementaux. Ces principes ont déjà été appliqués à trois produits-pilotes (imprimés, bières, matelas). Ces principes sont repris dans un Mémorandum qui contribuera à établir la position belge dans le cadre du futur débat européen sur le calcul du bilan environnemental des produits.

    En ce qui concerne le calcul de l'empreinte écologique des secteurs qui produisent des détergents, il n'existe aucune estimation actuellement à notre connaissance.




    (1) Arrêté royal portant interdiction de la mise sur le marché de produits destinés à usage ménager pour le lavage des textiles et contenant des phosphates.
    (2) Eutrophisation et phosphates dans les détergents en Europe : une possible interdiction progressive ou limitation s'imposant à des applications spécifiques – Date 2007/31/03.
    (3) Rapport de la commission au Conseil et au Parlement européen vu l'article 16 du règlement (CE) n°648/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relatif aux détergents, concernant l'utilisation des phosphates.
    (4) réalisé par le consultant Green Planet research en collaboration avec l'institut national espagnol de recherche et de technologie agricole et alimentaire (INIA).
    (5) Selon une étude de GFK (2010).
    (6) en appliquant aux détergents classiques le même ratio « quantités de détergents textiles/non textiles » que pour les détergents écologiques.
    (7) concernant l'indication, par voie d'étiquetage et d'informations uniformes relatives aux produits, de la consommation en énergie et en autres ressources des produits liés à l'énergie.
    (8) Bio Intelligence Service. 2008, Méthode d'évaluation environnementale et d'étiquetage environnementale.