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Les critiques du patron de l'Union wallonne des entreprises sur la politique menée en matière d'aménagement du territoire

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2011
  • N° : 885 (2010-2011) 1

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  • Question écrite du 06/06/2011
    • de STOFFELS Edmund
    • à HENRY Philippe, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité

    La semaine dernière, un interview de M. Vincent Reuter, Président de l'Union wallonne des entreprises, a été très critique envers la politique menée en matière d'aménagement du territoire depuis plusieurs années en Wallonie.

    Je pense que la critique n'était pas spécialement orientée vers le gouvernement actuel mais sur l'ensemble des gouvernements et des ministres qui se sont succédés dans cette fonction.

    Sa critique principale est d'ordre conceptuel. Selon lui, les autorités wallonnes ne voient pas assez l'aménagement du territoire comme un facteur de développement économique.

    De plus, il estime qu'on réserve trop de place au phénomène Nimby. Il regrette le déséquilibre qui existe, selon lui, entre le réclamant exposé à des nuisances (bruit, manque de sommeil, …) et le promoteur d’un projet d’envergure. Les intérêts des deux parties faisant partie de la catégorie d’intérêt privé. Il regrette qu’un individu à lui tout seul puisse bloquer des projets privés et publics pendant des années et demande à ce que l’équilibre entre les deux soit rétabli.

    En effet, on assiste à un nombre croissant de recours introduits devant le Conseil d’Etat, souvent par des cabinets d'avocats dont c'est devenu la spécialité.

    En tant que responsable politique, cette situation m'interpelle. Elle naît certainement de la complexité et d'une certaine illisibilité de notre législation. Néanmoins, il faut responsabiliser les requérants contre des procédures vexatoires et téméraires.

    Comment Monsieur le Ministre réagit-il aux critiques de M. Reuter ? Faut-il rééquilibrer les rapports de force entre les différents acteurs (riverains et promoteurs) ? Quel est son point de vue sur cette question ? Le cas échéant, quelles solutions préconise-t-il ? Estime-t-il légitime que des recours, contre tel ou tel projet, soient introduits pas des associations ou des citoyens n'ayant aucune proximité avec le projet concerné ?
  • Réponse du 04/08/2011
    • de HENRY Philippe

    Je remercie l'honorable Membre pour sa question.

    Aménager le territoire c'est organiser les usages du sol de sorte à répondre aux besoins en préservant les ressources et en garantissant un cadre de vie de qualité. Opposer riverains et promoteurs, n'est pas la posture appropriée pour gérer l'aménagement du territoire. L'article premier du CWATUPE conduit plutôt les pouvoirs publics à chercher à concilier les usages et les points de vue.

    Trop souvent, et de plus en plus, les gestionnaires de l'aménagement du territoire consacrent leur énergie à ce qui s'apparente plus à de la gestion de conflits de voisinage qu'à une réelle réflexion sur l'organisation des activités sur le territoire et le bon aménagement des lieux. Les réactions de type Nimby ne sont pas neuves, et ne cesseront sans doute jamais. Il y a plus de la ans qu'une sous commission du parlement a étudié la question. Plutôt que regretter vainement leur existence, il convient d'en comprendre les mobiles et chercher à donner réponse aux préoccupations légitimes des citoyens, qui ne relèvent pas de la seule attitude de repli sur soi.

    La sous-commission Nimby proposait de fonder les mesures à prendre sur trois piliers:
    - la transparence et l'ouverture des processus et procédures de décision;
    - la responsabilisation des différents acteurs;
    - la légitimité du décideur et de la décision politiques.

    Plusieurs pistes peuvent s'appuyer sur ces trois piliers.

    Une première piste est à trouver dans la réappropriation par les citoyens des enjeux et défis auxquels notre société doit faire face. Cela nécessite de créer des espaces de débat afin de construire la définition d'un projet commun qui doit fonder les politiques d'aménagement du territoire. Quand l'aménagement du territoire sera devenu l'affaire de tous, il sera plus aisé de trouver un équilibre entre les intérêts de l'individu, des acteurs économiques et de la collectivité.

    C'est dans cet objectif que j'ai souhaité susciter le débat citoyen en organisant les « Ateliers du territoire » que coordonnent les maisons de l'urbanisme partout en Wallonie. Ils permettront de familiariser les citoyens aux enjeux de l'aménagement du territoire, de les responsabiliser et préparer ainsi la révision du SDER.

    Une deuxième piste réside dans l'utilisation des outils de l'aménagement de territoire. Le citoyen est souvent aux prises avec une décision au stade de la délivrance d'un permis. Mais le permis n'est que l'étape ultime de la procédure. L'aménagement du territoire c'est surtout organiser le territoire pour « répartir les hommes et activités économiques ».

    Et cette organisation du territoire demande avant tout d'adopter, quand le contexte le permet, des outils adaptés et dynamiques pour encadrer le développement des projets d'urbanisation et les encourager en justifiant de leur bien-fondé.

    Dès lors que le cadre sera clair et transparent et que le bien-fondé des projets sera apparent, le citoyen pourra mieux s'approprier ces projets et les intégrer dans les enjeux de notre société. La décision des pouvoirs publics y gagnera ainsi en légitimité.

    Les pouvoirs publics ont trop peu investi, ces dernières années, dans la réalisation de tels documents. Les plans de secteurs n'ont pas été révisés pendant des années. Le SDER a été adopté 1999 et n'a plus été révisé depuis. Lorsque nous évoquons l'idée de « passer d'un urbanisme de loi à un urbanisme de projet » c'est notamment à l'élaboration de ces outils que je fais référence.

    En ce qui concerne l'activité économique par exemple, à travers l'évaluation du Plan prioritaire ZAE bis ce sont 1712 hectares d'espaces dédiés aux entreprises qui ont été rendus disponibles pour les prochaines années et pour lesquels plusieurs projets de révision du plan de secteur ou de plans communaux d'aménagement révisionnels ont été entamés.

    Ce processus d'évaluation et de programmation est de nature à assurer l'information nécessaire au citoyen pour qu'il intègre bien les enjeux. Mais l'adoption d'un plan d'aménagement donne aussi à l'entreprise qui cherche à s'implanter en Wallonie un cadre transparent susceptible de la sécuriser dans ses investissements. L'aménagement du territoire peut ainsi réserver l'espace nécessaire à l'activité économique et assurer sa bonne localisation. Il peut aussi encadrer l'utilisation de ces espaces et assurer une gestion parcimonieuse du sol en favorisant la densité de leur occupation. L'aménagement du territoire joue un rôle essentiel de facteur de développement économique.

    Le développement économique ne se résume pas à l'occupation des zonings. Pratiquement chaque activité qui s'implante sur le territoire de la Wallonie contribue à son développement économique, je pense aux activités touristiques, aux commerces, au secteur de la construction ... Programmer le développement territorial, les services, les logements contribue à créer ce cadre stable pour faire de la Wallonie un territoire attractif.

    C'est dans ce contexte que sera prochainement lancée la révision du SDER. En application de la DPR, il contiendra des objectifs chiffrés et clarifiera les options de la Wallonie, notamment en matière de développement de l'activité économique.

    Une troisième piste pour réduire les réactions de type Nimby consiste à mieux cibler le cadre de la participation des citoyens.

    L'aménagement du territoire aujourd'hui est parfois devenu l'art de la dérogation ... pour des éléments mineurs.

    Peut-être a-t-on donné trop d'importance par le passé aux règles d'urbanisme touchant aux détails de la matière (matériaux, pente de toitures, ... )? Et cela au détriment des éléments plus fondamentaux tels que la destination ou la densité.

    L'évaluation du CWATUPE devra répondre à la question suivante: le Code permet-il d'atteindre les objectifs stratégiques que le gouvernement s'est fixés? Parmi ces objectifs figurent notamment la réponse aux besoins économiques, sociaux et environnementaux, la structuration du territoire et la participation citoyenne. C'est dans ce cadre que sont analysés les règles et les outils, tant en ce qui concerne leurs procédures que leurs réalisations concrètes.

    Nous pourrons ensuite envisager de modifier si nécessaire le Code pour permettre une concrétisation de ces pistes.