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La décision de fermer les centrales nucléaires allemandes

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2011
  • N° : 636 (2010-2011) 1

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  • Question écrite du 09/06/2011
    • de STOFFELS Edmund
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    Entendons-nous bien (et pour que personne ne me prête des paroles que je n’ai jamais eues) : je suis favorable à la fermeture des centrales nucléaires. Le risque lié à cette technologie ne vaut pas l’avantage qu’elle nous procure. Mais interrogeons nous sur les impacts en termes de prix de l’électricité.
     
    La décision de fermer d’ici 2022 les centrales nucléaires en Allemagne implique que pendant la phase de transition (jusqu’à ce que la production nucléaire soit remplacée à 100 % par du renouvelable), l’électricité va être davantage produite sur base de charbon.
     
    Cela n’entraîne-t-il pas le risque d’un lien encore plus fort du prix de l’électricité avec les prix pour les énergies fossiles ?  Et donc d’entraîner à terme une hausse de prix ?
     
    Peut-on vraiment - en termes d’impact sur le prix - comparer cette situation nouvelle avec un scénario selon lequel certaines centrales allaient être temporairement déconnectées du réseau ?
     
    Quel est l’impact probable que cette décision va avoir sur le prix de l’électricité vendue en Belgique ? Et quant aux exportations d’électricité belge ?
     
    Quel est l’enjeu en termes de production d’électricité renouvelable : ne risquons-nous pas que l’écart en termes de technologies de production d’électricité renouvelable se creuse encore, ce qui remettra en cause les pronostics en matière de création d’activités économiques et d’emplois en Région wallonne par ces nouvelles technologies (ce sera pour les promoteurs d’électricité verte plus facile d’acheter la technologie chez nos voisins que la produire chez nous) ?
  • Réponse du 04/07/2011
    • de NOLLET Jean-Marc

    Je me permets tout d'abord de rappeler que le prix de vente de l'électricité ne dépend pas du coût de production de l'électricité nucléaire. En effet, dans le contexte de libéralisation actuel au niveau européen - c'est le cas en Allemagne aussi bien que chez nous - les prix de marché de gros suivent des valeurs fixées par les coûts de production variables de la centrale de production marginale. Or, les centrales nucléaires sont techniquement incapables d'assurer la production de pointe, ou production marginale, et assurent donc la production de base. Cette production de pointe, ou marginale, est en Belgique principalement assurée par des centrales au gaz. C'est donc sur base de la production d'électricité avec le gaz qu'est fixé chez nous le prix de gros, pas sur base des coûts du nucléaire. Par ailleurs, le prix d'achat de l'électricité n'est qu'une des composantes du prix final de l'électricité. Il faut y ajouter le prix du transport, de la distribution et des taxes et redevances. De plus, la facture pour les consommateurs - qu'ils soient particuliers ou industriels - est le résultat du prix de vente de l'électricité multiplié par la quantité d'électricité consommée. Même en cas d'augmentation du prix de vente de l'électricité, il y a donc moyen de faire baisser la facture en diminuant la consommation. A cet égard, je constate que l'Allemagne compte - parallèlement avec le développement massif des énergies renouvelables - améliorer fortement son efficacité énergétique. Le gouvernement allemand va notamment créer à cet effet des incitations à la rénovation énergétique des bâtiments. Ceci est, comme l'honorable membre le sait, également un axe prioritaire de la politique énergétique du Gouvernement wallon.

    Ces différents éléments me laissent penser que l'impact de la sortie du nucléaire sur les prix de l'électricité pour les ménages allemands sera limité, voire positif à terme. C'est d'ailleurs la conclusion d'un tout récent rapport de l'Institut Wüppertal, que je peux transmettre si l'honorable membre le souhaite.

    Concernant la problématique des échanges d'électricité avec l'Allemagne, selon le Commissaire européen à l'Energie, lui-même allemand, ce pays a produit en 2010 beaucoup plus d'électricité qu'il n'en a consommée. La fermeture des réacteurs nucléaires va certes réduire la capacité d'exportation de l'Allemagne, en tout cas à court et moyen termes. Une analyse sur les conséquences de cette décision a été annoncée par M. Oettinger à l'issue du plus récent Conseil européen de l'Energie. Cette analyse sera discutée entre Ministres de l'Energie à l'automne et je me montrerai attentif à ses conclusions. Il ne faut cependant pas aller trop vite en besogne et je rappelle à ce sujet que, d'une part, la Belgique n'a pas d'interconnexion électrique directe avec l'Allemagne et que, d'autre part, la Wallonie est structurellement exportatrice d'électricité.

    Par ailleurs, je constate déjà que ni la décision allemande de la fermeture de sept réacteurs, dans la foulée de la catastrophe de Fukushima, ni l'annonce de la sortie totale du nucléaire, le 30 mai dernier, ni l'adoption récente du projet de loi par le Gouvernement allemand n'ont fait grimper les indices utilisés pour établir les prix de l'électricité sur le marché belge. J'ai jeté un œil à l'évolution des prix de l'électricité en Allemagne même et n'ai jusqu'à présent pu déceler aucune tendance à la hausse - au-delà des variations conjoncturelles habituelles - qui pourrait être attribuée à la fermeture des sept plus vieux réacteurs allemands.

    Je m'attends par contre à un impact - positif - de la décision allemande sur le développement des réseaux intelligents et décentralisés, et des énergies renouvelables. L'Allemagne va se doter dans ce domaine d'une expertise très utile. L'Allemagne va également connaître un impact positif en termes d'emplois. L'Allemagne va enfin développer une expertise très intéressante dans la perspective du démantèlement de dizaines, voire de centaines de centrales nucléaires au cours des décennies à venir. Ce faisant, l'Allemagne va acquérir une fameuse longueur d'avance sur les pays qui s'entêtent dans l'aventure nucléaire.

    Face au choix de l'Allemagne, et l'honorable membre s'inquiète justement dans sa question écrite, la Belgique a le choix. Elle peut, comme le voudraient certains (dois-je le dire, je n'en fais pas partie), s'obstiner dans la filière nucléaire et voir ainsi se creuser encore l'écart en termes de technologies de production d'électricité renouvelables et de réseaux intelligents et décentralisés, avec le manque à gagner en termes de création d'activités économiques et d'emplois qui va avec. Elle peut, au contraire, fermer ses premiers réacteurs nucléaires comme prévu par la loi, d'ici 2015, puis sortir complètement du nucléaire d'ici 2025, tout en développant l'efficacité énergétique, les renouvelables et en adaptant ses réseaux. Notre pays pourra ainsi «accompagner» l'Allemagne sur la voie d'une véritable « révolution énergétique », avec tous les bénéfices qu'elle procurera en termes d'emplois, de sécurité d'approvisionnement, de sûreté et de protection de l'environnement.

    C'est clairement dans cette perspective que je veux inscrire mon travail et c'est également dans cette perspective que le Gouvernement wallon projette, entre autres, d'augmenter les quotas de certificats verts de 3,65% par an jusqu'en 2016 en vue d'atteindre l'objectif de 20% d'énergie renouvelable dans la consommation finale d'énergie en 2020.

    Pour conclure, j'ai relevé qu'à l'occasion du dernier Conseil européen de l'Energie, la Belgique - représentée par le Ministre fédéral de l'Energie - a fait part de son « admiration» à l'Allemagne pour sa décision d'abandonner le nucléaire. Le Ministre fédéral de l'Energie a rappelé à nos collègues européens que la Belgique avait décidé elle aussi de sortir du nucléaire, en 2003 déjà, et que la loi de sortie du nucléaire était toujours d'application. Suite à la décision de l'Allemagne, plusieurs communes - et je sais que l'honorable membre y est attentif - ont adopté à l'unanimité de leur conseil des résolutions relatives à la sortie du nucléaire. De même, le Conseil inter-régional de la Grande Région a voté ce 10 juin une résolution pour une sortie accélérée du nucléaire. Cette résolution a pu être votée avec le soutien du Président du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Monsieur Luperto. Toutes ces prises de position vont dans le sens de la sortie du nucléaire en Belgique et je m'en réjouis.