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La consommation de médicaments en maison de repos

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2011
  • N° : 329 (2010-2011) 1

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  • Question écrite du 11/07/2011
    • de TROTTA Graziana
    • à TILLIEUX Eliane, Ministre de la Santé, de l'Action sociale et de l'Egalité des chances

    La Belgique est grande consommatrice de médicaments, ce qui constitue d'ailleurs un réel problème de santé publique. Fin 2009, j'interrogeais Madame la Ministre à ce sujet sur la consommation parfois excessive de somnifères et de calmants constatée au sein des maisons de repos et maisons de repos et de soins.

    Aujourd'hui, une étude de la Mutualité chrétienne réalisée auprès de 60.000 membres résidant dans 1.084 institutions révèle qu'un résident consomme en général beaucoup plus d'antidépresseurs et d'antipsychotiques qu'une personne âgée à domicile, avec, précisons-le, des différences parfois notables entre maisons de repos. De plus, un quart des résidents y consomment des médicaments peu appropriés pour leur âge en raison d'effets secondaires importants.

    Précisément, en 2009, 43,2 % des résidents en maison de repos ont consommé des antidépresseurs pendant au moins 30 jours (contre 31,7 % pour les bénéficiaires de soins infirmiers à domicile) et 18,2 % ont consommé des antipsychotiques pendant au moins 30 jours (contre 9,2 % pour les personnes bénéficiant de soins infirmiers, soit deux fois plus de résidents en maisons de repos). Par ailleurs, la consommation d’antidépresseurs peut varier entre les maisons de repos de 30 % à 59 %, soit du simple au double tandis que celle d’antipsychotiques varie de 9 % à 35 % !

    Selon l'étude, deux éléments peuvent expliquer ces différences de consommation entre les maisons de repos et le domicile. D'une part, l'importance et la formation de l'équipe soignante. D'autre part, le degré de concertation entre les acteurs responsables de la prescription et de la délivrance des médicaments, à savoir la direction d'une maison de repos, son médecin coordinateur, l'équipe soignante et les prestataires extérieurs comme les médecins généralistes et le pharmacien.

    Madame la Ministre partage-t-elle le constat de l'étude susmentionnée relativement aux éléments explicatifs de la consommation plus importante d'antidépresseurs et d'antipsychotiques en maisons de repos ?

    Dans la mesure où une amélioration de la qualité dans la prescription des médicaments reste un enjeu essentiel en maisons de repos, je souhaiterais savoir quelles sont les initiatives de Madame la Ministre en faveur d'une consommation plus raisonnée des médicaments en institutions ? La démarche qualité en vigueur dans les maisons de repos contribue-t-elle à modifier les habitudes de consommation de médicaments ? Le personnel soignant est-il systématiquement sensibilisé à cette problématique ?

    L'étude recommande notamment de renforcer le rôle du médecin coordinateur dans la stratégie globale de prescription des médicaments, prescription qui est aujourd'hui du ressort du médecin traitant. Madame la Ministre est-elle favorable à ce renforcement ? Ce point a-t-il déjà été soulevé au sein de la Conférence interministérielle Santé publique ? De manière plus générale, quelle est la teneur des discussions intervenues au sein de cette Conférence interministérielle au sujet de la consommation des médicaments ?
  • Réponse du 30/08/2011
    • de TILLIEUX Eliane


    Que l'honorable Membre me permette de confirmer les éléments de ma réponse du mois de juin à cette même question.

    J'ai pris connaissance de l'étude menée par les mutualités chrétiennes en 2009 concernant la prise de médicaments par les personnes âgées.

    Les messages clefs de l'étude sont les suivant :
    - consommation importante d'antidépresseurs et d'antipsychotiques en maisons de repos;
    - beaucoup de médicaments issus de la « liste de Beers» (liste de médicaments inappropriés, à la fois à cause de leur manque d'efficacité et du risque d'effets secondaires, l'inscription d'un médicament sur cette liste ne signifie toutefois pas que la prescription de ce médicament dans un cas particulier soit inopportune);
    - les grandes différences de consommation entre maisons de repos persistent;
    - le niveau de consommation d'antidépresseurs et d'antipsychotiques est nettement moins important à domicile (à profil de dépendance comparable) ;
    - après une hospitalisation, la consommation d'antidépresseurs et d'antipsychotiques en maisons de repos n'est pas plus élevée.

    Les résultats moyens sont les suivants :
    - 42 % des résidents ont reçu en 2009 des antidépresseurs pendant 30 jours ou plus;
    - 22 % des résidents ont reçu en 2009 des antipsychotiques pendant 30 jours ou plus. (médicaments utilisés normalement dans le traitement d'affections psychiatriques graves, comme la schizophrénie) ;
    - 26 % des résidents ont reçu en 2009 au moins un produit figurant sur la « liste de Beers ».

    Dit autrement, dans moins d'une maison sur dix, la proportion de consommateurs chroniques d'antidépresseurs est inférieure à 30 % des résidents.

    Les comparaisons qui se font à profil de dépendance comparable (mais en soi, pourquoi la dépendance devrait-elle être un critère de consommation de psychotropes?) montrent qu'au domicile, on consomme moitié moins d'antidépresseurs et trois fois moins d'antipsychotiques : ce qui est évidemment fort interpellant.

    Les résultats de cette étude corroborent ceux de l'étude réalisée par le KCE (parastatal dont la mission consiste à produire des rapports d'études afin d'aider les responsables à prendre des décisions en matière de santé publique) en 2007.

    Il ressortait déjà à l'époque qu'une moyenne de 44 % des résidents en maison de repos avaient consommé des antidépresseurs pendant au moins un mois (75 % dans certaines institutions). De plus, 25 % des résidents se voyaient prescrire des psychotiques.

    De manière générale, les mutualités chrétiennes n'ont pas constaté de différences entre leurs études de 2007 et 2009 et confirment ainsi les analyses du KCE.

    L'étude montrait que les établissements qui utilisent le moins ces médicaments sont les grandes maisons de repos et de soins qui disposent d'un médecin coordinateur et conseiller, d'un pharmacien hospitalier et d'un bon système interne de gestion des médicaments.

    Le KCE recommandait donc de renforcer le rôle du médecin-coordinateur et conseiller (qui a souvent suivi une formation spécifique en soins à prodiguer aux personnes âgées) dans le cadre d'une meilleure collaboration avec le personnel infirmier dont la formation doit tendre vers une meilleure qualité de la gestion des médicaments.

    Toutefois, la plupart de ces recommandations relèvent de la compétence de l'Autorité fédérale.

    Dans le cadre de la fixation des normes d'agrément des lits MRS, le rôle du médecin coordinateur sera renforcé.

    Le groupe de travail MRS du Conseil national des établissements hospitaliers s'y attache.

    La structuration des départements infirmiers, l'informatisation des dossiers des patients et l'utilisation de la grille d'évaluation Bel Rai participent aussi d'une approche intégrée, et donc plus efficace, de la gestion des besoins en médicaments. Ces objectifs sont également à l'étude au sein du Service public fédéral santé.

    L'autorité publique doit déterminer le niveau des besoins de qualité de soins à apporter aux personnes âgées dans les institutions et ainsi les rendre plus efficaces.

    La Conférence interministérielle de la santé s'est saisie du dossier.

    Elle a adopté une note autorisant le déploiement d'expériences pilotes pour améliorer les processus de gestion des médicaments, notamment par la présence des pharmaciens dans les institutions, mais aussi pour favoriser la diminution de la prise de certains médicaments, en particulier les psychotropes, en proposant des solutions alternatives favorisant l'amélioration de l'état clinique des patients concernés.

    Un budget de 600.000 euros a été libéré afin de permettre le développement d'une vingtaine d'expériences pilotes

    Ces expériences pilotes ne pourront toutefois être mises en place que sur la base d'un appel à candidature lancé après adoption d'un arrêté royal aujourd'hui en préparation dans les services de l'INAMI.