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La lutte contre l'extrême droite, la xénophobie et l'antisémitisme

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2011
  • N° : 193 (2010-2011) 1

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  • Question écrite du 10/08/2011
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à DEMOTTE Rudy, Ministre-Président du Gouvernement wallon

    Les faits qui ont endeuillé, le vendredi 22 juillet dernier, la Norvège et le carnage dont se revendique le nommé Breivik, militant avéré des thèses de l'extrême-droite, doivent non seulement faire réagir toutes les sensibilités démocratiques d'un parlement, mais également nous convaincre de l'importance continue d'éveiller les consciences de la population aux valeurs de la démocratie.

    Comment Monsieur le Ministre-Président a-t-il réagi aux faits du 22 juillet dernier ?

    Comment la Wallonie se mobilise-t-elle dans la lutte contre les idéologies de l'extrême, la xénophobie et l'antisémitisme ? Quels sont les opérateurs et les moyens financiers mobilisés ? Comment ce travaille est-il évalué ?

    Des aides et des subventionnements sont-ils mobilisables pour permettre aux jeunes générations d'être confrontées au souvenir de ceux qui luttèrent contre le nazisme ?

    Une politique concertée, étudiée et actualisée est-elle mise en place par la Wallonie dans cette lutte ? Comment se décline-t-elle ?
  • Réponse du 07/09/2011
    • de DEMOTTE Rudy

    En réponse à la question écrite de l'honorable Membre, il est porté à sa connaissance les éléments suivants.

    Avant tout, il convient de préciser que, suite au drame qui a endeuillé la Norvège, j'ai immédiatement tenu à écrire aux représentants de ce pays pour leur exprimer que le Gouvernement wallon et la population wallonne prenaient dans la douleur qui frappait le peuple norvégien et atteignait tout démocrate. Cette initiative rapide fut appréciée, à un moment où les témoignages d'une sympathie et d'une compassion sincères sont un réconfort.

    Ceci étant, comme l'entend l'honorable Membre, si de tels drames sont l'occasion d'une (re)prise de conscience de la menace que constituent toujours l'extrémisme et l'intolérance, il est clair que le combat à mener contre ces périls représente un travail de fond devant être soutenu dans la durée. La Wallonie s'y est investie de longue date et met en œuvre de nombreuses initiatives en ce sens, relayée par la Fédération Wallonie-Bruxelles, active également dans le cadre de ses compétences.

    L'honorable Membre connaît les actions majeures déployées par les instances wallonnes - parlement et gouvernement, côte à côte - pour entretenir le souvenir des conséquences historiques de l'intolérance et de la négation de l'autre ainsi que pour lutter contre la xénophobie sous toutes ses formes.

    Pour rappel, on peut citer à titre d'exemples éclairants :
    - le vote par le Parlement wallon, en avril 2009, d'une résolution relative au devoir de mémoire, à la défense de la démocratie et de la citoyenneté et à la lutte contre les extrémismes;
    - l'action du Comité « Mémoire et Démocratie» du Parlement;
    - l'attention portée à l'inventaire et à la préservation du patrimoine mémoriel et des lieux de mémoire;
    - les éditions successives du prix Arthur Haulot ;
    - ou la participation active de la Wallonie dans la préparation des commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale.

    L'honorable Membre pourra également obtenir plus de détails du ministre responsable des pouvoirs locaux sur l'action structurante menée et soutenue à ce niveau essentiel.

    J'évoquerai plus précisément, dans cette réponse, le dispositif mis en place pour développer et pérenniser le travail de mémoire et d'histoire portant sur le système concentrationnaire et d'extermination nazi.

    Celui-ci se fonde largement sur l'important décret du 13 mars 2009 relatif à la transmission de la mémoire des crimes de génocide, des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre et des faits de résistance ou des mouvements ayant résisté aux régimes qui ont suscité ces crimes qui a renforcé et coordonné les initiatives prises à ce sujet.

    Si la connaissance du passé constitue bien une pierre angulaire pour la compréhension du présent et la construction du futur, la transmission de la mémoire est, en ce sens, indispensable. Le décret du 13 mars 2009 poursuit donc des objectifs de pédagogie et de sensibilisation, d'information et de formation à destination - principalement mais pas uniquement _ des jeunes générations.

    Le dispositif mis en place par le décret répond ainsi à trois demandes justement formulées dans la question de l'honorable Membre :

    1° concernant la reconnaissance d'opérateurs habilités à mener des actions à l'intention du grand public, des acteurs du monde de l'éducation et des jeunes, on peut citer :
    - 3 centres de ressources: les Territoires de la Mémoire, la Fondation Auschwitz et le Centre Communautaire Laïc Juif;
    - 6 centres labellisés : la Fondation de la Mémoire contemporaine, les Films de la Mémoire, la Fondation MERCi, l'Institut de la Mémoire Audiovisuelle Juive (IMAJ), RCN Justice & Démocratie et Ibuka;


    2° concernant les actions déployées pour permettre aux jeunes générations d'être confrontées au souvenir de ceux qui ont lutté contre le nazisme, il convient de mentionner que celles-ci passent notamment :
    - par le biais des activités proposées par les centres de référence;
    - et s'expriment au travers des appels à projets annuels qui portent sur l'exploitation et la valorisation de témoignages, sur l'organisation de visites de lieux de mémoire et sur d'autres projets comme des expositions, et représentations théâtrales;

    3° concernant, enfin, la mobilisation de moyens financiers, celle-ci comprend :
    - 50 000 euros de subvention annuelle pour chaque centre de ressources et 5 000 euros minimum pour chaque centre labellisé ;
    - et une enveloppe de 150 000 euros affectée annuellement au financement des projets retenus.

    Par ailleurs, le décret « Mémoire » a mis en place un Conseil de la transmission de la mémoire, instance de réflexion, d'avis et de conseil compétente pour toute question relative à l'objet du décret. Le Conseil remet, ainsi, notamment, un avis au Gouvernement sur la reconnaissance des centres de référence ainsi que sur les projets soumis dans le cadre des appels annuels.

    En outre, la cellule de coordination Démocratie ou barbarie, créée en 1994 et chargée de façon générale de la coordination sur les questions de mémoire ainsi que d'enseignement à la citoyenneté et aux droits humains, s'est vu confier de nouvelles missions dans le cadre du décret. Outre le secrétariat du Conseil, elle doit assurer la coordination, le suivi et la promotion des activités soutenues.

    Concernant l'évaluation, l'ensemble du dispositif prévu par le décret a été mis en place et fonctionne normalement. Le premier rapport d'activités du Conseil de la transmission de la mémoire (30 juin 2009-30 juin 2010) a été remis au gouvernement et au président du Parlement de la fédération Wallonie-Bruxelles. Il a rendu compte du travail de mise en place du dispositif et a proposé une première évaluation de l'application du décret. Le second rapport d'activités permettra de rendre compte d'une année complète de fonctionnement.

    Dès à présent, quelques éléments d'évaluation peuvent être mis en exergue :
    - les centres de ressources et les centres labellisés proposent des informations importantes et variées: publications, séminaires, formations, visites de lieux en Belgique ou à l'étranger, expositions, animations dans les établissements scolaires, actions de sensibilisation à l'intention du grand public, etc. Ces ressources concernent non seulement les thématiques visées par le décret mais, également et plus largement, les problématiques de la lutte contre les extrémismes et la promotion des valeurs de la démocratie;
    - les appels 2009 et 2010, après une sélection rigoureuse par le Conseil(1) ont permis de reconnaître et de financer des projets de grande qualité. On soulignera que, dans les trois catégories, les projets sont majoritairement liés à la Shoah, au système concentrationnaire nazi et à la Résistance. Dans une moindre mesure mais de manière significative, ils concernent aussi le génocide Tutsi au Rwanda;
    - en matière de visites de lieux de mémoire, Auschwitz reste la première destination mais on notera que les promoteurs de projets ont souvent inclus la visite de lieux signifiants en Belgique, comme le fort de Breendonk et le Musée juif de la Déportation et de la Résistance de Malines.

    A côté de la mise en œuvre du décret « Mémoire », d'autres initiatives et actions sont déployées.

    Ainsi, la Wallonie et Bruxelles sont représentées au sein de la délégation belge de la Task force for international cooperation on holocaust education, remembrance and research. La Belgique prendra la présidence de cet organisme international de mars 2012 à mars 2013. Dans ce cadre, la Fédération Wallonie-Bruxelles organisera l'une des deux sessions plénières. Celle-ci se tiendra à Liège, en 2012. Cette année de présidence sera l'occasion de faire une évaluation du décret sur la transmission de la mémoire après 3 ans d'application et de mettre en évidence nos « bonnes pratiques» en matière d'enseignement sur la Shoah et le système concentrationnaire nazi.

    Par ailleurs, des opérateurs institutionnels ou associatifs n'opérant pas uniquement en Wallonie et à Bruxelles ont une action dans les domaines visés par la question. On peut citer le CEGES (Centre d'Etudes et de Documentation Guerre et Sociétés contemporaines), le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, l'IV-INIG (Institut des Invalides de Guerre), le Musée royal de l'Armée et d'Histoire militaire ou encore le Mémorial national du fort de Breendonk et la « Kazerne Dossin ».

    Pour rappel, le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a également soutenu financièrement et diffusé largement la version abrégée du rapport La Belgique docile établi en 2007 par le CEGES. L'ouvrage d'Anne Roekens ainsi réalisé - La Belgique et la persécution des juifs - fournit une synthèse accessible du rapport, enrichie d'encarts explicatifs, de documents écrits et iconographiques ainsi que de lignes du temps. Cet instrument de travail de qualité a été diffusé dans toutes les écoles secondaires de Wallonie et de Bruxelles.

    Il convient de citer également le «Train des mille» qui sera organisé en mai 2012. Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Fondation Auschwitz, l'Institut des Vétérans-INIG et la Fédération internationale des Résistants co-organiseront le déplacement (et le rassemblement) d'un millier de jeunes Wallons, Bruxellois et Européens à Auschwitz. Ce voyage poursuivra des objectifs pédagogiques (visite du Musée d'Auschwitz et du centre d'extermination de Birkenau, prise de connaissance de visu du système concentrationnaire et génocidaire nazi), mémoriels (visite en compagnie de rescapés et de témoins) et citoyens.

    A côté de ces éléments, l'enseignement joue, bien évidemment, un rôle central et fondamental pour atteindre les objectifs que nous partageons. J'évoquerai quelques actions menées plus spécifiquement à l'intention des acteurs du monde de l'éducation et des jeunes.

    Ainsi, la lutte contre l'extrême-droite, la xénophobie et l'antisémitisme et plus spécifiquement l'action à mener auprès des jeunes s'inscrivent, bien entendu, dans le cadre plus large de l'éducation à la citoyenneté et de l'initiation aux mécanismes du fonctionnement de la démocratie tel que défini dans le décret « Missions» de 1997 et le décret du 12 janvier 2007 relatif au renforcement de l'éducation à la citoyenneté responsable et active.

    Le décret du 12 janvier 2007 prévoyait la réalisation d'un document intitulé Etre et devenir citoyen visant à l'acquisition de références pour la compréhension de la société civile et politique par les élèves du dernier degré de l'enseignement secondaire. Ce référentiel, accompagné de pistes d'exploitation pédagogiques a été publié en 2009.
    En ce sens, des ressources variées et abondantes (formations, publications, animations, dossiers, activités pédagogiques, visites, etc.) sont mises à la disposition des acteurs du monde de l'éducation par de nombreux opérateurs.


    A côté de ses actions spécifiques (circulation d'informations, publications, journées pédagogiques, etc.), la cellule Démocratie ou barbarie diffuse également des publications d'opérateurs partenaires et a publié un Mémento de la citoyenneté qui recense plus de deux cents institutions et associations actives en matière d'éducation et de formation aux citoyennetés et aux droits humains, dont, par exemple, le CRECCIDE qui propose des activités visant le développement de la démocratie et de la citoyenneté pour des élèves, de la maternelle au premier degré du secondaire.

    Par ailleurs, notre enseignement n'ignore pas - bien au contraire - le fait historique majeur que constitue le système concentrationnaire et d'extermination nazi.

    1° Les problématiques liées au système concentrationnaire en général et plus spécifiquement à la Shoah sont inscrites dans les programmes d'enseignement appliqués dans tous les réseaux, en particulier dans le cadre du cours d'Histoire:
    - programme d'histoire des établissements d'enseignement secondaire général du réseau de la Communauté: dans les «contenus obligatoires », on trouve un item «univers concentrationnaire et génocide ». Des visites de lieux comme Breendonk (déportation politique) et Malines (déportation raciale) sont suggérées dans les exemples de situations d'apprentissage;
    - programme d'histoire des établissements d'enseignement secondaire général du réseau libre subventionné catholique: dans les «moments-clés» (obligatoires), on trouve les items «les univers concentrationnaires» et « la Shoah ».

    2° Ces problématiques trouvent également une large place dans les manuels d'histoire utilisés dans les différents réseaux d'enseignement et agréés par la Fédération Wallonie-Bruxelles.

    3° De nombreuses formations sont proposées aux enseignants de tous les réseaux, dans le cadre de l'Institut de Formation en cours de Carrière et/ou par les opérateurs reconnus comme centres de ressources ou labellisés dans le cadre du décret du 13 mars 2009.

    4° Des enseignants de tous les réseaux d'enseignement participent régulièrement à des sessions de formation organisées à Yad Vashem.

    5° Pour aborder la question des génocides et des crimes contre l'humanité du XXe siècle, de nombreux enseignants visitent de façon récurrente des lieux situés tant en Belgique (Malines et Breendonk) qu'à l'étranger (AuschwitzBirkenau, Buchenwald ... ). De même, des témoins sont fréquemment sollicités pour partager leur expérience avec les élèves des écoles.

    6° La journée de commémoration du 27 janvier fait l'objet de circulaires invitant les établissements à aborder ce sujet dans les classes et proposant des publications et activités permettant de répondre à cette demande:
    - en 2009, tous les établissements d'enseignement secondaire ont ainsi reçu un exemplaire du DVD Modus Operandi et du dossier pédagogique l'accompagnant. Pour l'enseignement fondamental et le premier degré du secondaire, le CRECCIDE a diffusé les ouvrages Les carnets de Lieneke et J'étais un enfant dans le ghetto de Varsovie et proposé un dossier pédagogique;
    - en 2010, la Carte des camps et autres lieux de détention nazis (Allemagne et Europe centrale) réalisée par l'IV-INIG et l'IGN a été distribuée;
    - comme déjà mentionné, en 2011, c'est l'ouvrage d'Anne Roekens, La Belgique et la persécution des Juifs qui a été mis à disposition des écoles secondaires et des enseignants.

    7° Démocratie ou barbarie met également une série d'outils à la disposition des enseignants (ouvrages de référence, dossiers pédagogiques, recueil de documents, témoignages, etc.) sur ces thématiques. On peut citer, à titre d'exemples, les productions de Démocratie ou barbarie:
    - le dossier pédagogique Le génocide juif;
    - le dossier pédagogique Le fort de Breendonk;
    - le coffret Retour aux sources de vies volées, passage du témoin à la jeunesse par trois rescapés des camps nazis d'Auschwitz-Birkenau et de Ravensbrück ;
    - Paroles de pierres, traces d'histoire qui propose une analyse et des Propositions de démarches d'appropriation des lieux d'histoire et de mémoire des deux guerres mondiales en Belgique.

    On peut également évoquer les productions acquises et diffusées comme Le Dictionnaire de la barbarie nazie et de la Shoah et de nombreux ouvrages de témoignages sur le système concentrationnaire et la Shoah.


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    (1) En 2009, 44 dossiers ont été introduits et 21 projets retenus. En 2010, 24 dossiers ont été acceptés pour 48 introduits.