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La position de Natagora sur les agro-carburants

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2011
  • N° : 809 (2010-2011) 1

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  • Question écrite du 12/09/2011
    • de SENESAEL Daniel
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    L’association de protection de la nature, Natagora, a publié ce mercredi 27 juillet sur son site Internet une prise de position sur le sujet des agro-carburants. Natagora utilise délibérément le terme d’agro-carburants qui indique que le carburant est obtenu à partir de produits issus de l’agriculture.

    L’Europe s’est fixé, pour 2020, un objectif de 10% d’énergie produite à partir d’énergies renouvelables dans le secteur des transports via le recours aux biocarburants et de 6% de réduction des émissions de gaz à effet de serre par les carburants utilisés dans ce secteur.

    Cependant, en Belgique et dans l’Europe entière, l’ensemble des terres agricoles ne suffisent pas à satisfaire cette production. En outre, la production européenne d’agro-carburants n’est pas concurrentielle et nécessite d’énormes subsides et protections pour rester viable. C’est pourquoi nous sommes obligés d’avoir recours à l’importation.

    Le rapport de Natagora mentionne d’autres points négatifs de la politique relative aux agro-carburants. Par exemple, les agro-carburants sont produits la plupart du temps dans le cadre de modèles d’agriculture intensive qui présentent plusieurs impacts environnementaux négatifs : appauvrissement et pollution des sols, perte de diversité biologique liée à la monoculture, utilisation intensive de pesticides et d’engrais chimiques, diminution de la qualité et des quantités en eaux. De plus, la nécessité d’importation engendre une spéculation foncière dans les pays du sud. Enfin, les monocultures intensives engendrent des impacts déplorables sur la biodiversité et les ressources naturelles.

    Pour ces raisons évoquées ci-dessus, Natagora recommande à l’Union européenne d’abandonner l’objectif de quota d’énergie renouvelable au profit d’un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

    Que pense Monsieur le Ministre de cette recommandation ? Nous avons vu que la Belgique doit avoir recours à l’importation, l’objectif de 10% d’énergie produite à partir d’énergies renouvelables dans le secteur des transports via le recours aux biocarburants est-il, dès lors, judicieux ou faut-il l’abandonner comme le suggère Natagora ?

    Selon une étude récente de l’Institut de politique environnementale européenne (IEEP) a évalué que pour les 27 Etats membres de l’Europe, l’utilisation accrue des agro-carburants telle que prévue d’ici 2020 provoquerait des changements indirects d’affectations du sol pour une surface comprise entre 4,1 et 6,9 millions d'hectares.

    La conversion de cette surface conduirait, en outre, à une augmentation des gaz à effet de serre évaluée entre 27 et 56 millions de tonnes d'équivalent CO2 par an d'ici à 2020, l’équivalent de ce qu’émettraient 12 à 26 millions de voitures supplémentaires sur les routes européennes ! Monsieur le Ministre a-t-il des chiffres plus précis concernant la Wallonie à nous communiquer ? Quelle est la position du Gouvernement wallon sur la production d’agro-carburants ?
  • Réponse du 04/10/2011
    • de NOLLET Jean-Marc

    Je suis avec attention les études récentes abordant la problématique des agro-carburants. Ces études peuvent effectivement interpeller, et j’attends à ce sujet que l’Europe réagisse de manière appropriée notamment dans le cadre des évaluations prévues par la Directive 2009/28/EC relative aux énergies renouvelables.

    L’Europe impose des critères de durabilité obligatoires à tout biocarburant consommé en Europe, qu’il soit produit localement ou importé. Les critères définis dans la Directive 2009/28/EC concernent les réductions d’émissions de gaz à effet de serre des biocarburants par rapport à l’équivalent fossile, les stocks de carbone (forêts, tourbières, …) ainsi que la biodiversité. Il y a également une obligation de rapportage de l’impact sur les prix alimentaires et sur la qualité du sol. Ce système de durabilité a pour objectif de permettre la sélection de biocarburants performants en termes d’émission de gaz à effet de serre et de vérifier que les biocarburants consommés en Europe n’engendrent pas d’impacts environnementaux négatifs. Le volet relatif aux biocarburants relève des compétences fédérales. Un arrêté royal est d'ailleurs en préparation afin de transposer en droit belge les dispositions prévues par la Directive.

    En ce qui concerne la Wallonie, et plus particulièrement le cas de Biowanze, celui-ci produit du biocarburant de première génération à partir de froment et de betteraves qui, à pleine capacité, permet une économie de CO2 de l’ordre de 70% du champ à la roue par rapport aux carburants fossiles, grâce à sa capacité à produire la grande partie de son énergie à l'aide d'un composant du froment (le son) non utilisé dans le processus de production du bioéthanol. Ce producteur semble donc parfaitement en mesure de répondre aux critères européens.

    Le changement indirect d’occupation du sol est un phénomène complexe et global ; une gestion optimale de l’occupation de terres s’avère donc indispensable. Le phénomène est actuellement activement étudié mais les résultats fournis à l’heure actuelle par divers modèles divergent fortement et les modèles ne peuvent pas encore être considérés comme fiables.

    En ce qui concerne la suggestion d’abandonner l’objectif de quota d’énergie renouvelable au profit d’un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, notons qu’il existe déjà à l’heure actuelle un double objectif - énergie renouvelable dans la Directive 2009/28/EC et réduction d’émissions de gaz à effet de serre dans la Directive 2009/30/EC - et que ces objectifs se soutiennent mutuellement. Les énergies renouvelables seront en effet indispensables pour réaliser l’objectif de réduction d’émission de gaz à effet de serre. De plus, il ne faut pas mettre sur le même pied la filière spécifique des agro-carburants avec les autres filières d’énergie renouvelable.

    Les carburants dits de « première génération » ne prétendent pas pouvoir remplacer toute l’énergie du secteur du transport. Ils permettent également d’ouvrir le marché pour les carburants dits de « futures générations ». Les biocarburants de deuxième génération et de troisième génération, sont à des stades différents de développement. D’après le récent rapport spécifique du GIEC sur les énergies renouvelables, les biocarburants de deuxième génération (ligno-cellulosiques) sont à un stade pré-commercial dans certains pays. Les biocarburants de troisième génération (algues et autres procédés biologiques) en sont encore en phase de recherche et développement.