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La rencontre bilatérale entre les Ministres Didier Reynders et Francis Mer et l’instauration d’un moratoire sur la taxation des bières fortes importées en France.

  • Session : 2002-2003
  • Année : 2003
  • N° : 25 (2002-2003) 1

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  • Question écrite du 13/02/2003
    • de LEBRUN Michel
    • à KUBLA Serge, Ministre de l'Economie, des PME, de la Recherche et des Technologies nouvelles

    1. Rappel du débat qui s'est tenu le mercredi 18 janvier 2003

    Voici un mois, lors de la séance publique du Parlement wallon du mercredi 18 janvier 2003, j'avais posé une question orale à Monsieur le Ministre à propos des mesures restrictives adoptées par l'Etat français à l'encontre des bières fortes dont le volume d'alcool dépasse 8,5 %.

    Mon intervention était articulée autour de quatre points fondamentaux:

    - il s'agissait tout d'abord de rappeler les motifs invoqués par l'Etat français quant à la prise d'une telle mesure. Les hommes politiques français semblent avoir de nombreuses idées préconçues à l'égard d'un symbole de notre économie. Certes, il ne va pas sans dire qu'une bière forte n'est pas en soi dangereuse pour la santé des consommateurs, mais le problème est plus fondamental et provient de la consommation abusive de boissons alcoolisées;

    - le caractère discriminatoire de cette mesure que j'ai démontré dans la seconde phase de mon exposé par le rappel de certaines dispositions issues du droit communautaire. De nombreuses boissons ont un volume d'alcool supérieur à nos bières fortes. Je pense au vin et à d'autres apéritifs qui ne sont pas touchés par cette nouvelle accise;

    - mon troisième point insistait sur les conséquences d'un tel protectionnisme pour la Région wallonne. En effet, la fragilisation des diverses gammes de produits brassicoles et le niveau des exportations wallonnes de bières fortes affectent le chiffre d'affaires des sociétés concernées;

    - à l'époque, nous avions appris que les mesures étaient déjà en vigueur, la douane française les appliquant sans même attendre l'adoption des arrêtés d'exécution. Le temps était compté et c'est pourquoi, je souhaitais, dans la dernière partie de ma question, encourager Monsieur le Ministre à presser le Gouvernement fédéral afin que les procédures en cours ne s'éternisent pas. Finalement, durant cette période d'incertitude, je me demandais s'il ne fallait pas envisager certaines mesures visant à soutenir l'activité des brasseurs mis en difficultés.

    Je me souviens que la réponse à ma question fut particulièrement positive. Outre le fait que le Ministre Reynders avait déjà invité M. François Mer, son homologue français, à discuter du problème, mais que ce dernier n'avait pas encore réagi, Monsieur le Ministre nous avait également expliqué que l'AWEx devait interroger les brasseurs wallons afin de mesurer les effets néfastes de la mesure, qu'un soutien financier, en accord avec les réglementations européennes, pouvait être

    envisagé et qu'une campagne publicitaire en partenariat avec l'AWEx était en projet.

    2. Le bilan de la rencontre entre le Ministre Reynders et M. Mer

    Le mardi 4 février 2003, le Ministre Didier Reynders rencontrait son homologue français Francis Mer. Selon le Ministre fédéral des Finances, les discussions bilatérales ont abouti à une solution provisoire. Nous pouvons, en effet, lire dans la presse du mercredi 5 février 2003:

    - d'après Didier Reynders, “le Ministre français a reconnu que cette loi était une erreur par rapport à nos produits” (“Le Soir” , p. 11);
    - “la taxe spéciale de 200 euros l'hectolitre qui frappe les bières spéciales belges lors de leur importation en France depuis le début de l'année est suspendue. La France modifiera ensuite la mesure sur le plan légal” (“La Libre Belgique” , p. 19);
    - “A plus long terme, la France devrait revoir la mesure en tant que telle, soit veiller à ce qu'elle ne s'applique pas aux bières belges” (“Vers l'Avenir”, p. 3).

    Normalement, la taxe spéciale a été suspendue, directement après la rencontre entre les deux ministres. La loi, quant à elle, devrait être modifiée, voire supprimée. Cette information nous réjouit. Le Ministre belge pouvait certes compter sur le soutien de toutes les forces vives préoccupées par la question (cdH compris), mais j'applaudis M. Reynders, qui a pu faire valoir nos intérêts et nos droits, et convaincre l'Etat français de revenir sur sa décision.

    Cette victoire diplomatique est de très bon augure pour l'exploitation de nos bières fortes vers le marché français. Mais il ne faudrait pas sombrer dans l'excès de triomphalisme ou l'excès de confiance. Je crois, en effet, que nous devons rester vigilants à l'égard de nos partenaires et amis français, et attentifs vis-à-vis de nos brasseurs régionaux. Voilà pourquoi j'aimerais poser quelques questions à Monsieur le Ministre.

    3. Interrogations et certitudes

    1° Rester attentifs vis-à-vis de nos brasseurs régionaux.

    Selon la fédération des brasseurs belges, cette loi “a créé pas mal de confusion et d'incertitude sur le marché, ce qui a occasionné des dégâts non négligeables (“Le Soir” du mercredi 5 février 2003, p. 11). Il s'agit, par exemple, de pertes de volume de vente (“Depuis l'annonce de cette décision (la loi de décembre 2002), certaines commandes en direction de la France ont diminué de 50 % notamment pour la bière Bush” , “La Dernière Heure” du mercredi 5 février 2003, p. 4), causées par une hausse temporaire des prix , par une non-distribution du produit ou par une détérioration de l'image de marque de la bière forte auprès des consommateurs français. D'après la fédération des brasseurs belges, ces pertes de volume ne seront pas forcément faciles à récupérer. Je souhaiterais avoir des informations plus précises à ce propos :

    - qu'en est-il de l'étude réalisée par l'AWEx qui doit évaluer les effets néfastes de la mesure restrictive, même si cette mesure vient d'être suspendue;

    - pour aider certaines sociétés brassicoles wallonnes qui souffrent d'une importante perte de volume de vente ou d'une détérioration de leur image, Monsieur le Ministre envisage-t-il encore l'octroi d'aides financières exceptionnelles ou la mise en oeuvre d'une campagne publicitaire en partenariat avec l'AWEx, comme il nous l'avait proposé le mercredi 18 janvier 2003 en séance publique ?

    2° Rester vigilants vis-à-vis de l'Etat français.

    Les médiats ont relaté, de manière extrêmement succincte, le contenu et les conclusions des discussions entre M. Reynders et M. Mer. Monsieur le Ministre pourrait-il nous donner des informations plus précises quant à la portée de ce qui a été discuté et décidé entre les deux Ministres ?

    Le moratoire qui a été instauré doit aboutir à une révision, voire à une suppression, de la mesure en question, ce qui permettra aux bières traditionnelles belges de ne plus être pénalisées. Il revient normalement au législateur français (Sénat et Assemblée nationale française) de la modifier ou de la supprimer. Je rappelle que c'est une commission paritaire, composée de sénateurs et de députés, qui a réintroduit un article défavorable à nos bières traditionnelles. La position de M. Mer n'est donc pas systématiquement la même que celle des députés et des sénateurs. L'enjeu consistera donc à persuader les membres du Sénat et de l'Assemblée nationale française qu'une bière forte peut être dégustée. A ce sujet, Didier Reynders a-t-il obtenu des garanties auprès de son homologue français ?
  • Réponse du 13/03/2003
    • de KUBLA Serge

    L'enquête de l'AWEx est maintenant terminée. Il est encore un peu tôt pour avoir une réponse définitive sur le sujet. Le préjudice n'a porté que sur le mois de janvier, puisque, suite à l'action politique forte qui a été menée par les autorités fédérales et régionales, la mesure française est maintenant suspendue.

    Les brasseurs demandent dans leur ensemble de maintenir la pression sur les autorités françaises pour supprimer la mesure qui est, actuellement, simplement suspendue.

    Il conviendra, d'après les brasseurs, de voir à la fin mars/début avril, l'impact réel sur les ventes en France pour apprécier l'éventualité de mesures spécifiques à l'export.

    Les brasseurs ne sont pas tous exposés de la même façon et leur puissance commerciale (pour les plus gros exportateurs tel Chimay dont toute la production n'est pas touchée) leur a permis de supporter le choc en janvier. Les brasseurs dont l'intégralité de la production (Bush) est concernée par les mesures françaises subissent le choc plus durement.

    Suite à la prise de décision du Parlement français au sujet d'une taxe de santé appliquée sur toutes les bières titrant plus de 8,5 % vol d'alcool, la Confédération des brasseurs belges avait déposé une plainte à la Commission européenne (chez le Commissaire Bolkestein) pour violation de l'article 3, § 3, de la directive 92/12/CEE du 25 février 1992 relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accises.

    En clair, il s'agit d'un texte qui rend impossible la commercialisation des bières étrangères en concurrence déloyale avec la commercialisation des bières françaises par le simple fait du choix du critère de limite de 8,5 % vol. d'alcool.

    A la suite de cette plainte écrite le 12 décembre 2002, le Ministre des Finances belge a écrit à son collègue français Francis Mer, le 20 décembre 2002, pour lui faire part de ses inquiétudes pour le commerce belge, des implications que cette mesure allait avoir. Il lui demandait de prendre des mesures en la matière.

    Les deux Ministres se sont rencontrés lors de l'Ecofin de janvier et ont décidé d'une rencontre à Paris le 4 février 2003.

    Lors de cette rencontre, le Ministre Francis Mer a déclaré au Ministre Didier Reynders, en présence de l'Ambassadeur de Belgique à Paris et de plusieurs collaborateurs des deux Ministres, qu'il comprenait l'incompréhension de la Belgique sur cette mesure qu'il n'avait pas prise, mais qui avait été prise dans les enceintes parlementaires à l'initiative de la santé publique. La mesure était censée empêcher certains problèmes d'alcoolémie chez les jeunes et les clochards. En outre, il précisait que de la manière dont elle était formulée, elle touchait plus particulièrement des bières belges de dégustation qui n'avaient rien à voir avec l'alcoolémie et que, pour éviter tout dommage au commerce, il chargeait sa collaboratrice présente à ses côtés de prendre langue avec l'administration des douanes et accises françaises afin de suspendre “dare-dare” (ce sont ses propres termes) l'application de la mesure.

    Il y a lieu de savoir que l'application de la loi française nécessite la prise de décrets d'application de la compétence du Ministre des Finances chargé de la perception et qu'apparemment ces décrets ne sont pas encore pris. Il était donc compétent pour imposer la suspension de la mesure.

    En outre, la Commission européenne avait écrit au Ministre français pour lui signaler l'incompatibilité de la loi avec le droit européen, lui faire savoir que, bien que l'instauration de la cotisation spéciale aurait un impact économique majeur sur les producteurs étrangers des bières concernées, aucune consultation n'avait eu lieu avec ces producteurs et que ces bières étaient étrangères aux problèmes sociaux invoqués comme motif de la taxation par l'Assemblée nationale.

    La mesure de suspension est bien entendu une mesure provisoire prise par le Ministre français en attendant la modification de la loi française. La suspension est prise en vue de ne pas causer de dommages durables au commerce. En outre, il a été bien précisé par le Ministre Didier Reynders que la plainte déposée par les brasseurs continuait son cours et ne serait éventuellement retirée qu'après modification de la loi.