Les projets éventuels de logement intergénérationnel du ministre
Session : 2011-2012
Année : 2011
N° : 20 (2011-2012) 1
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Question écrite du 29/09/2011
de PECRIAUX Sophie
à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique
D'ici 2020, les 65 ans et plus représenteront 19,1 % des citoyens belges pour atteindre près de 25 % en 2060
Plus qu'un défi budgétaire, le vieillissement de la population est un enjeu social, sociétal et humain. Maigres pensions, manque de places en maison de repos, solitude, ... , trop d'aînés se sentent démunis, délaissés, précarisés dans une société de plus en plus individualiste.
Mais la vie n'est guère plus simple pour les jeunes : crise du logement, chômage, manque de places en crèche, ... , nombre de jeunes ménages sont confrontés à ces réalités.
Le droit à un logement décent pour tous pourrait passer par le logement intergénérationnel. Une députée bruxelloise vient de déposer une proposition de résolution "visant à développer le logement intergénérationnel en Région bruxelloise".
Par "habitat intergénérationnel, on entend "la cohabitation sous un même toit de personnes âgées et plus jeunes, et la solidarité entre ces habitants mais sans brader l'autonomie de chacun", définit la députée.
Cette forme de logement peut revêtir diverses réalités : kots intergénérationnels, logements "kangourou" ou logements communautaires. Le fil conducteur ? La mixité des générations. On peut toutefois relever des freins qui tiennent aux législations fédérale et régionale : - la baisse éventuelle des revenus d'intégration ou de remplacement si l'autorité compétente reconnaît le bénéficiaire (qu'il soit le jeune ou le senior comme cohabitant) ; - la difficulté des prescrits urbanistiques quand des travaux d'aménagement s'imposent (risque de spéculation, marchands de sommeil, etc.) ; - les écueils sociologiques d'une telle forme d'habitat. Toutefois, les avantages rencontrés par ce type d'habitat ne sont pas négligeables : - les seniors se voient rassurés dans leur vie quotidienne et sortent de leur isolement. Ils jouissent d'une rentrée financière, peuvent rendre service et faire l'économie d'une maison de repos ; - les jeunes, quant à eux, "paient un loyer modéré et peuvent rendre de petits services" ; - enfin, les pouvoirs publics peuvent y trouver "une réponse à la résorption de la vacance immobilière, au manque de places en maisons de repos, à la mise sur le marché de loyers accessibles.
Nonobstant, l'habitat intergénérationnel est encore assez méconnu et peu développé en Wallonie.
Les services de Monsieur le Ministre se sont-ils déjà penchés sur ce nouveau type d'habitat? A-t-il l'intention de leur soumettre ce projet ?
Quelles sont les propositions alternatives de Monsieur le Ministre pour résoudre la crise du logement en Wallonie?
Réponse du 20/10/2011
de NOLLET Jean-Marc
Le vieillissement de la population touche la Belgique comme l’ensemble des pays européens. 17,2% de la population belge a aujourd’hui plus de 65 ans. Plus d’un wallon sur 4 aura plus de 65 ans en 2050. Il apparaît aujourd’hui que les besoins en logements adaptés et en structures d’hébergement seront très importants dans les années à venir. On sait par ailleurs que le maintien à domicile des personnes âgées est, d’une part, un gage de bien-être pour la plupart d’entre elles ; d’autre part, il s’agit sans doute de l’option la plus réaliste sur le plan des finances publiques.
Compte tenu de la conjoncture actuelle des jeunes ménages, je partage la volonté de l'honorable membre d’ouvrir une réflexion sur ce que l’on considère comme de nouveaux modes d’habiter, bien que l’habitat intergénérationnel soit finalement tout sauf une innovation. Il s’agit plutôt d’un retour à des pratiques qui ont longtemps eu cours, en Wallonie comme ailleurs, mais qui doivent dorénavant s’adapter à de nouvelles conventions en matière d’habitat et répondre à une certaine forme de choix, ce qui n’était sans doute pas le cas des générations cohabitantes des décennies passées.
Favoriser la solidarité intergénérationnelle devient une opportunité pour la Wallonie, qui détient là une richesse humaine, une source incontournable d'apprentissage, de soutien et de conseils pour les plus jeunes. Les avantages de la cohabitation intergénérationnelle ne sont plus à démontrer.
Comme le précise la Déclaration de politique régionale, le Gouvernement wallon ouvre les voies qui sont aujourd’hui citées dans la question. D’un côté, il s’est engagé à mettre davantage de logements décents et accessibles financièrement sur le marché locatif puisque tous les indicateurs montrent qu'il existe une pénurie de logements en Wallonie, couplée à une diminution de la taille des ménages candidats au logement (multiplication des familles monoparentales, allongement de la durée de vie).
D’un autre côté, le gouvernement s’est fixé l’objectif d’assurer une véritable place pour les aînés, auxquels nous nous devons d’assurer respect et dignité, notamment en leur réservant une qualité de vie répondant à leurs intérêt et besoins. Dans ce contexte, le développement de solidarités complémentaires aux mécanismes des politiques sociales est à encourager, permettant du coup aux seniors de s’inscrire pleinement dans la vie économique, sociale, politique et familiale.
Réunissant ces deux objectifs, un pas supplémentaire a été franchi par le gouvernement qui s’est fixé comme priorité de promouvoir la solidarité dans le logement, à travers des formules comme l’«habitat kangourou» ou les ensembles intergénérationnels.
Il faut souligner également que le Gouvernement wallon s’est chargé de plaider auprès du Gouvernement fédéral l'individualisation des droits sociaux, condition sans laquelle la cohabitation s’avère parfois impossible, pour les personnes les plus précarisées bénéficiant de revenus de remplacement.
En termes d’aides financières, je rappelle que le Fonds du Logement octroie des prêts lorsque des personnes souhaitent effectuer des aménagements nécessaires à l’accueil, au sein de leur domicile, d’un parent vieillissant. Il faut toutefois noter que ces prêts doivent être complètement amortis, comme tous les prêts du Fonds du Logement, au moment où l’emprunteur atteint l’âge de 70 ans. Il n’est donc a priori pas un outil à destination des aînés qui voudraient eux-mêmes aménager leur logement en vue de le partager, mais il constitue néanmoins un outil de développement de l’habitat intergénérationnel.
D’autres formes de soutien sont apportées par la région, comme des subventions exceptionnelles pour le développement de ce type de projets. C’est le cas à Perwez, pour un projet en cours de réalisation par la SLSP Notre Maison.
Dans le cadre de l’appel à projets Habitat durable, que j’ai lancé en 2010, le gouvernement a aussi décidé de soutenir d’autres initiatives, comme un habitat groupé intergénérationnel situé en plein centre du village de Charneux, dans la commune de Herve. D’autres propositions m’ont été soumises dans le cadre de l’appel à projets Habitat durable 2011, et je suis certain qu’il s’agira là d’une nouvelle opportunité de confirmer cette volonté gouvernementale.
Il m’apparaît essentiel d’investir dans ces formes d’habitat, mais pas n’importe comment. C’est pourquoi j’ai confié à l’UCP, mouvement social des aînés, une recherche sur l’habitat partagé.
Car il est indispensable d’avoir à l’esprit les principaux obstacles au développement de ces formes d’habitat alternatif. Si le logement intergénérationnel s’avère opportun dans ses dimensions sociale et économique, dans la pratique, ces projets se heurtent à plusieurs obstacles d’ordre administratif ou juridique, comme le souligne l'honorable membre.
L’absence de sous-numérotation des habitations concernées entraîne notamment que des personnes domiciliées à la même adresse, mais ne partageant pas le même ménage (ce qui est le cas, en l’occurrence, des expériences citées), se voient apparaître sur la même composition de ménage. Le fait de la cohabitation de ces personnes peut dès lors avoir d’importantes répercussions, tant pour le jeune ou le jeune couple que pour la personne âgée. Cette conséquence met clairement en avant la nécessité de l’individualisation des droits sociaux, laquelle permettrait de lever ce premier obstacle.
J’invite donc l'honorable membre, qui se trouve autant préoccupée par la progression de ces expériences que je le suis, à soutenir cette proposition auprès du Gouvernement fédéral.
Mais la difficulté administrative de la composition de ménage s’étend plus avant, notamment lorsque l’un des habitants contracte des dettes et qu’un huissier est envoyé à son domicile pour effectuer une saisie. Toutes les personnes composant le ménage deviennent alors théoriquement saisissables.
Une des solutions avancées par certains serait alors la création d’une sous-numérotation, permettant de séparer les ménages résidant à la même adresse. Toutefois, cette proposition se heurte aux règles définies par le CWATUPe. Il n’est en effet pas sans conséquence à plus long terme de subdiviser des logements, en augmentant parfois la densité de manière non maîtrisable. Par ailleurs, ces transformations (création d’une entrée séparée notamment) nécessitent un permis d’urbanisme qui n’est souvent octroyé que sous réserve de respect du CWATUPe et avec l’intervention d’un architecte signant les plans modificatifs.
Les conséquences à plus long terme sur le bien concerné sont également à prendre en considération, notamment en cas de vente distincte des logements créés.
On ne peut pas non plus négliger le risque de revoir se profiler à l’horizon les marchands de sommeil trouvant là une nouvelle opportunité de créer des logements exploitables dans un seul but vénal et sans perspective sociale.
En outre, j’estime que le développement d’un habitat kangourou nécessite un accompagnement approprié. Il n’est en effet pas évident pour une personne âgée d’ouvrir sa porte à des tiers, les réflexions prennent un temps certain et les conditions matérielles à la réussite du projet doivent être réunies.
En conséquence, conformément à l’excellente étude menée sur l’habitat solidaire (étude sur les possibilités de reconnaissance de l’habitat groupe pour les personnes en précarité sociale – novembre 2006) dans le cadre de la politique des grandes villes, je pense qu’il serait utile d’encadrer juridiquement ces formes d’habitat intergénérationnel afin de ne pas pénaliser la solidarité qui se met en place entre les différents occupants.
J’ai bien l’intention de poursuivre l’analyse des pistes de réflexion sur ce type d’habitat solidaire, en collaboration avec les acteurs concernés. Je pense que la recherche réalisée par l’UCP devrait nous permettre d’avancer dans cette voie.