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Le fait que la fin du nucléaire outre-Rhin pourrait coûter très cher à la Wallonie, aux Wallons et surtout à ses consommateurs d'électricité

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2011
  • N° : 90 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 24/10/2011
    • de EERDEKENS Claude
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    En page 6 de son édition du mercredi 12 octobre 2011, « L'Echo » signalait que la fin du nucléaire outre-Rhin pourrait nous coûter très cher.

    L'Allemagne va effectivement fermer ses neuf derniers réacteurs nucléaires en 2022.

    Selon la CREG, cette situation va entraîner une hausse de 20 % du prix du marché en Belgique.

    Alors que le prix de l'électricité est actuellement de près de 40 % plus cher en Wallonie qu'en France, la fermeture des neuf derniers réacteurs nucléaires en Allemagne et la multiplication sur la facture des consommateurs wallons des 1.000 éoliennes envisagées en Wallonie à l'horizon 2020 vont-elles entraîner en 2020 ou 2022 le fait que l'électricité soit pour les ménages wallons et les entreprises wallonnes deux fois plus chère qu'en France ?

    Une telle révision est-elle réaliste ou exagérément pessimiste ?
  • Réponse du 09/11/2011
    • de NOLLET Jean-Marc

    En ce qui concerne l’impact sur le prix du KWh en Wallonie de la décision du gouvernement de centre-droite allemand de fermer sept réacteurs nucléaires, de ne pas remettre en marche un réacteur qui était déjà à l’arrêt et, enfin, de fermer l’ensemble des autres réacteurs d’ici 2022, je me permets tout d’abord de rappeler que le prix de vente de l’électricité ne dépend pas du coût de production de l’électricité nucléaire. Le prix d’achat de l’électricité n’est qu’une des composantes du prix final, et sa valeur suit celles fixées par les coûts de production variables de la production marginale, qui est chez nous principalement assurée par des centrales au gaz.

    Ainsi, si la CREG observe dans une étude publiée le 8 septembre dernier qu’en Allemagne, les prix « year ahead » ont augmenté après le 15 mars 2011 d’environ 5 euros/MWh, il n’est pas possible de lier cette hausse constatée – qui dépend de nombreux facteurs - à la seule décision allemande de fermer plusieurs réacteurs nucléaires. De plus, si l’on constatait effectivement une augmentation des prix « year ahead » sur la bourse Endex après la mi-mars, on voit qu’entretemps, ces prix ont diminué et se situent actuellement grosso modo 2,5 euros/MWh sous leur niveau de mi-mars. Ceci alors que huit centrales allemandes sont toujours fermées et que le Gouvernement allemand a entretemps pris la décision de fermer toutes les autres ! La décision allemande de sortir du nucléaire n’a, en outre, pas eu le moindre impact sur les prix « day ahead » en Belgique.

    En ce qui concerne le long terme, de nombreuses études sur le sujet ont été publiées en Allemagne. Leurs conclusions sont parfois fort divergentes. Sur la base de différentes estimations recensées dans son étude, la CREG considère qu’une augmentation des prix nominaux de l’électricité sur le marché ‘spot’ en Allemagne de 5 à 15 euros/MWh à l’horizon 2022 ne semble pas exclue, et considère une augmentation de 10 euros/MWh comme la plus probable. En ce qui concerne la Belgique, la CREG parle d’une augmentation à l’horizon 2022 de 5% sur le marché de gros, qui engendrera une augmentation de 2% du prix de l’électricité sur la facture totale pour le client résidentiel.

    Un tel calcul devrait cependant inclure l’ensemble des paramètres. Les différents chiffres avancés doivent être comparés non pas avec la situation actuelle, mais bien avec ce qu’il adviendrait d’ici 2022 en cas de non-sortie du nucléaire. Or, c’est avant tout l’augmentation du coût des combustibles fossiles (par leur raréfaction) qui va être déterminante pour le prix de l’électricité à moyen et long termes. La sortie allemande du nucléaire aurait été particulièrement dommageable si elle ne misait que sur les énergies fossiles comme alternative aux capacités nucléaires. Heureusement, ce n’est pas le cas. C’est par une augmentation de l’efficacité énergétique et un développement massif des énergies renouvelables que l’Allemagne entend compenser les capacités nucléaires fermées et ainsi donner une réponse structurelle pour prévenir ou contenir l’envolée des prix de l’électricité. Par sa décision, elle ouvre donc clairement la porte à ce développement et lui donne la place nécessaire à son épanouissement dans des conditions optimales et au meilleur prix.

    Je suis donc convaincu que la décision allemande est une bonne nouvelle pour l’économie comme pour les ménages. Comme l’écrivait Le Vif (Gérald Papy) dans un éditorial paru en juin, « l’Allemagne se fixe un cap énergétique qui peut enclencher un cercle vertueux ». Outre l’impact sur l’augmentation de l’efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables, un impact positif sur les réseaux pourrait par exemple être attendu, se traduisant en une accélération de la transition vers un réseau intelligent et décentralisé.
    Certes, dans un premier temps la capacité d’exportation de l’Allemagne sera réduite. Ceci ne met néanmoins pas la Wallonie en situation de dépendance, notre région étant structurellement exportatrice d’électricité.

    En confirmant la décision qui avait été prise par la majorité rouge-verte sous une précédente législature, le Gouvernement démocrate-chrétien et libéral allemand, qui dirige la première économie européenne, a donné un signal politique particulièrement fort. J’espère qu’il sera entendu chez nous également.

    Un jour ou l’autre, de gré ou de force, les réacteurs nucléaires devront fermer, en Allemagne comme chez nous. Des capacités de remplacement devront être construites et le réseau devra être adapté. Mais il n’y a ni impasse ni fatalité. Une sortie programmée du nucléaire, comme en Allemagne ou comme c’est prévu par la loi de 2003 en Belgique, permet de prévenir les hausses de prix «brutales» telles qu’elles pourraient survenir suite à des problèmes techniques ou un accident. A cet égard, la CREG conclut d’ailleurs son étude en écrivant : « les investisseurs ont considérablement plus de temps pour préparer la fermeture des 12.008 MW de capacité nucléaire à l’horizon 2022 qu’ils n’en ont eu lors de la fermeture des 5.065 MW le 15 mars 2011. Dès lors, les marchés ne devraient pas connaître de soubresaut majeur lors de la fermeture effective des dernières centrales nucléaires allemandes. »