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L'impact de la fermeture des centrales nucléaires allemandes sur les besoins en capacité de production d'électricité de la Wallonie et le coût de l'énergie

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2011
  • N° : 121 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 27/10/2011
    • de STOFFELS Edmund
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    L'étude « Besoins en capacité de production d'électricité en Belgique pendant la période 2011-2020 » publié le 16 juin 2011 par la CREG m'interpelle à plus d'un titre.

    Ainsi les quatre ministres de l'énergie fédéral et régionaux belges ont convoqués les "Staten Generaal Energie - Etats Généraux de l'Energie" en réponse aux décisions allemandes du 15 mars de fermer immédiatement 7 centrales nucléaires « d'avant 1980 ». Depuis plusieurs années (à l'exception de 2009), la Belgique est importatrice nette et bénéficie des capacités de production moins coûteuses de ses voisins (France et Allemagne). Cela la met donc en position de dépendance vis-à-vis de ces pays dans un secteur d'utilité publique où le repli à l'intérieur des frontières nationales est une réponse « facile » mais dont l'impact se fait ressentir sur les autres pays avoisinants...

    Ainsi, les fermetures annoncées des centrales nucléaires allemandes auront à terme un impact sur le coût de l’électricité consommée en Belgique et donc en Wallonie. En effet, la loi de l’offre et de la demande déterminera le prix du kWh dans un marché centre-ouest européen qui est en train de s’intégrer de plus en plus. Ce sont des effets sur les tarifs d’une énergie qui s’additionnent à d’autres facteurs liés à l’amortissement des installations de production d’énergie renouvelable la rendant plus cher et souvent trop cher pour une série de ménages. Sommes-nous dans une impasse ? Avons-nous d’autres choix ?

    Je voudrais aussi attirer l'attention de Monsieur le Ministre sur l’aspect social qui doit être au cœur de nos préoccupations. Ne pense-t-il pas qu'il est nécessaire de mener une réflexion pour mettre en place une politique qui va au-delà de l’exonération du coût des certificats verts pour des catégories de consommateurs (ex. client protégés)? J'aimerais l'entendre sur cet aspect.

    Je voudrais également que Monsieur le Ministre commente les impacts des fermetures des centrales allemandes sur le tarif du KWh en Wallonie. Quelle sera leur ampleur?  Quand cet impact se répercutera-t-il en Wallonie? Comment protéger les ménages à bas revenu ? Qui payera ces mesures de protection sociale? L’ampleur de cet effet risque-t-il de s’agrandir dès que les centrales belges fermeront ?
  • Réponse du 09/11/2011
    • de NOLLET Jean-Marc

    Je me permets tout d’abord de préciser que les Etats généraux qui se sont tenus en juin n’ont pas été convoqués à la suite de la décision prise par l’Allemagne mais bien au souhait des quatre Ministres belges de l’énergie de rassembler tous les acteurs du marché pour identifier les obstacles aux investissements dans le secteur énergétique en vue d’accélérer et faciliter la mise en œuvre de ces investissements.

    En ce qui concerne l’impact sur le prix du KWh en Wallonie de la décision du gouvernement de centre-droite allemand de fermer sept réacteurs nucléaires, de ne pas remettre en marche un réacteur qui était déjà à l’arrêt et, enfin, de fermer l’ensemble des autres réacteurs d’ici 2022, je me permets tout d’abord de rappeler que le prix de vente de l’électricité ne dépend pas du coût de production de l’électricité nucléaire. Le prix d’achat de l’électricité n’est qu’une des composantes du prix final de l’électricité, et sa valeur suit celles fixées par les coûts de production variables de la production marginale, qui est chez nous principalement assurée par des centrales au gaz.

    Ainsi, si la CREG observe dans une étude publiée le 8 septembre dernier qu’en Allemagne, les prix « year ahead » ont augmenté après le 15 mars 2011 d’environ 5 euros/MWh, il n’est pas possible de lier cette hausse constatée – qui dépend de nombreux facteurs - à la seule décision allemande de fermer plusieurs réacteurs nucléaires. De plus, si l’on constatait effectivement une augmentation des prix « year ahead » sur la bourse Endex après la mi-mars, on voit qu’entretemps, ces prix ont diminué et se situent actuellement grosso modo 2,5 euros/MWh sous leur niveau de mi-mars. Ceci alors que huit centrales allemandes sont toujours fermées et que le gouvernement allemand a entretemps pris la décision de fermer toutes les autres ! La décision allemande de sortir du nucléaire n’a en outre pas eu le moindre impact sur les prix « day ahead » en Belgique.

    En ce qui concerne le long terme, de nombreuses études sur le sujet ont été publiées en Allemagne. Leurs conclusions sont parfois fort divergentes. Sur la base de différentes estimations recensées dans son étude, la CREG considère qu’une augmentation des prix nominaux de l’électricité sur le marché ‘spot’ en Allemagne de 5 à 15 euros/MWh à l’horizon 2022 ne semble pas exclue, et considère une augmentation de 10 euros/MWh comme la plus probable. En ce qui concerne la Belgique, la CREG parle d’une augmentation à l’horizon 2022 de 5% sur le marché de gros, qui engendrera une augmentation de 2% du prix de l’électricité sur la facture totale pour le client résidentiel.

    Un tel calcul devrait cependant inclure l’ensemble des paramètres. Les différents chiffres avancés doivent être comparés non pas avec la situation actuelle, mais bien avec ce qu’il adviendrait d’ici 2022 en cas de non-sortie du nucléaire. Or, c’est avant tout l’augmentation du coût des combustibles fossiles (par leur raréfaction) qui va être déterminante pour le prix de l’électricité à moyen et long termes. La sortie du nucléaire allemande aurait été particulièrement dommageable si elle ne misait que sur les énergies fossiles comme alternative aux capacités nucléaires. Heureusement, ce n’est pas le cas. C’est par une augmentation de l’efficacité énergétique et un développement massif des énergies renouvelables que l’Allemagne entend compenser les capacités nucléaires fermées et ainsi donner une réponse structurelle pour prévenir ou contenir l’envolée des prix de l’électricité. Par sa décision, elle ouvre donc clairement la porte à ce développement et lui donne la place nécessaire à son épanouissement dans des conditions optimales et au meilleur prix.

    Je suis donc convaincu que la décision allemande est une bonne nouvelle pour l’économie comme pour les ménages. Comme l’écrivait Le Vif (Gérald Papy) dans un éditorial paru en juin, « l’Allemagne se fixe un cap énergétique qui peut enclencher un cercle vertueux ». Outre l’impact sur l’augmentation de l’efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables, un impact positif sur les réseaux pourrait par exemple être attendu, se traduisant en une accélération de la transition vers un réseau intelligent et décentralisé. Certes, dans un premier temps la capacité d’exportation de l’Allemagne sera réduite. Ceci ne met néanmoins pas la Wallonie en situation de dépendance, notre région étant structurellement exportatrice d’électricité.

    En confirmant la décision qui avait été prise par la majorité rouge-verte sous une précédente législature, le Gouvernement démocrate-chrétien et libéral allemand, qui dirige la première économie européenne, a donné un signal politique particulièrement fort. J’espère qu’il sera entendu chez nous également. A cet égard, je note que suite à la décision de l'Allemagne, plusieurs communes, dont celle d’Amblève, qui vous est si chère, m'ont informé de l'adoption à l'unanimité de leur conseil de résolutions relative à la sortie du nucléaire. Toutes ces résolutions vont donc dans le sens de l'accélération de la sortie du nucléaire en Belgique.

    Un jour ou l’autre, de gré ou de force, les réacteurs nucléaires devront fermer, en Allemagne comme chez nous. Des capacités de remplacement devront être construites et le réseau devra être adapté. Mais il n’y a ni impasse ni fatalité. Une sortie programmée du nucléaire, comme en Allemagne ou comme c’est prévu par la loi de 2003 en Belgique, permet de prévenir les hausses de prix «brutales» telles qu’elles pourraient survenir suite à des problèmes techniques ou un accident. A cet égard, la CREG conclut d’ailleurs son étude en écrivant : « les investisseurs ont considérablement plus de temps pour préparer la fermeture des 12.008 MW de capacité nucléaire à l’horizon 2022 qu’ils n’en ont eu lors de la fermeture des 5.065 MW le 15 mars 2011. Dès lors, les marchés ne devraient pas connaître de soubresaut majeur lors de la fermeture effective des dernières centrales nucléaires allemandes. »

    Je remarque d’ailleurs que la Confédération des syndicats allemands (DGB), qui compte sept millions de membres, soutient la sortie du nucléaire, qu’elle voit comme la meilleure garantie de développement et de création d’emplois. Ceci montre bien qu’il n’y a pas d’opposition, mais plutôt une complémentarité à rechercher entre la sortie du nucléaire et l’équité sociale.

    Je rejoins l'honorable membre en ce que l’aspect social doit être au cœur de nos préoccupations. C’est pourquoi différentes mesures sont mises en œuvre pour informer et accompagner les ménages en situation de précarité énergétique. Pour n’en citer que deux, car il les connait déjà toutes fort bien, je rappellerai ici la réforme des primes à l’énergie, plus sociales, ou encore les appels à projets pour la réalisation de plans d’action préventive en matière d’énergie (PAPE) lancés en 2010 et 2011 à l’intention des CPAS. Au total près de 150 CPAS bénéficient d’un soutien financier pour un montant global d’environ 2.250.000 euros.

    Par ailleurs, à la suite de l'évaluation des mesures sociales par la CWaPE en octobre dernier, les concertations se sont poursuivies sous l'égide de celle-ci avec les différents acteurs (fournisseurs, gestionnaires de réseau, CPAS et associations sociales). Dès lors, dans le cadre de l'adaptation du décret électricité, j’envisage de proposer au Gouvernement wallon différentes mesures de renforcement des obligations de service publique imposées aux gestionnaires de réseaux et fournisseurs.

    A côté de ces mesures, la réflexion en matière de tarification progressive se poursuit afin notamment de supprimer la redevance forfaitaire qui impacte plus lourdement les ménages ayant une faible consommation.