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L'impact de la sortie du nucléaire

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2011
  • N° : 133 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 28/10/2011
    • de REUTER Florence
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    La CREG a évalué l’impact pour la Belgique de la sortie du nucléaire prévue par l’Allemagne. Cet impact est le suivant : hausse de 20% du prix de l’énergie à moyen terme.

    Monsieur le Ministre peut-il préciser sa position quant à l’impact à terme de la fin du nucléaire tant en Allemagne qu’en Belgique ? Des chiffres sont-ils disponibles quant à l’impact en Wallonie ?

    On sait que le coût de l’énergie a une conséquence sociale forte. Les chiffres du rapport d’activités 2010 de la CWAPE quant à la précarité énergétique sont alarmants vu leur croissance ininterrompue depuis plusieurs années. Quelles réponses Monsieur le Ministre peut-il apporter à cette évolution ? En d’autres termes, les objectifs d’énergie renouvelable initiés par Monsieur le Ministre ne vont-ils pas aggraver la fracture sociale énergétique ?
  • Réponse du 21/11/2011
    • de NOLLET Jean-Marc

    Je me permets tout d’abord de rappeler que l’Etat fédéral reste compétent pour les matières dont l’indivisibilité technique et économique requiert une mise en œuvre homogène sur le plan national. Le plan national d’équipement du secteur de l’électricité et le cycle de combustible nucléaire font partie de ces matières.

    En ce qui concerne l’impact sur le prix du KWh de la décision du Gouvernement de centre-droite allemand de fermer sept réacteurs nucléaires, de ne pas remettre en marche un réacteur qui était déjà à l’arrêt et, enfin, de fermer l’ensemble des autres réacteurs d’ici 2022, je me permets tout d’abord de rappeler que le prix de vente de l’électricité ne dépend pas du coût de production de l’électricité nucléaire. Le prix d’achat de l’électricité n’est qu’une des composantes du prix final de l’électricité, et sa valeur suit celles fixées par les coûts de production variables de la production marginale, qui est chez nous principalement assurée par des centrales au gaz.

    Ainsi, si la CREG observe dans une étude publiée le 8 septembre dernier qu’en Allemagne, les prix « year ahead » ont augmenté après le 15 mars 2011 d’environ 5 euros/MWh, il n’est pas possible de lier cette hausse constatée – qui dépend de nombreux facteurs - à la seule décision allemande de fermer plusieurs réacteurs nucléaires. De plus, si l’on constatait effectivement une augmentation des prix « year ahead » sur la bourse Endex après la mi-mars, on voit qu’entretemps, ces prix ont diminué et se situent actuellement sous leur niveau de mi-mars. Ceci alors que huit centrales allemandes sont toujours fermées et que le gouvernement allemand a entretemps pris la décision de fermer toutes les autres ! La décision allemande de sortir du nucléaire n’a en outre pas eu le moindre impact sur les prix « day ahead » en Belgique.

    En ce qui concerne le long terme, de nombreuses études sur le sujet ont été publiées en Allemagne. Leurs conclusions sont parfois fort divergentes. Sur la base de différentes estimations recensées dans son étude, la CREG considère qu’une augmentation des prix nominaux de l’électricité sur le marché ‘spot’ en Allemagne de 5 à 15 euros/MWh à l’horizon 2022 ne semble pas exclue, et considère une augmentation de 10 euros/MWh comme la plus probable. En ce qui concerne la Belgique, la CREG parle d’une augmentation à l’horizon 2022 de 5% sur le marché de gros, qui engendrera une augmentation de 2% du prix de l’électricité sur la facture totale pour le client résidentiel.

    Un tel calcul devrait cependant inclure l’ensemble des paramètres. Les différents chiffres avancés doivent être comparés non pas avec la situation actuelle, mais bien avec ce qu’il adviendrait en cas de non-sortie du nucléaire. Or, c’est avant tout l’augmentation du coût des combustibles fossiles (par leur raréfaction) qui va être déterminante pour le prix de l’électricité à moyen et long termes.

    La sortie du nucléaire allemande aurait été particulièrement dommageable si elle ne misait que sur les énergies fossiles comme alternative aux capacités nucléaires. Heureusement, ce n’est pas le cas. C’est par une augmentation de l’efficacité énergétique et un développement massif des énergies renouvelables que l’Allemagne entend compenser les capacités nucléaires fermées et ainsi donner une réponse structurelle pour prévenir ou contenir l’envolée des prix de l’électricité. Par sa décision, elle ouvre donc clairement la porte à ce développement et lui donne la place nécessaire à son épanouissement dans des conditions optimales et au meilleur prix.

    L’Allemagne a fait un choix, la Belgique doit encore faire le sien. La Belgique peut, comme le voudraient certains (dois-je le dire, je n’en fais pas partie), s’obstiner dans la filière nucléaire et voir ainsi se creuser encore l’écart en termes de technologies de production d’électricité renouvelables et de réseaux intelligents et décentralisés, avec le manque à gagner en termes de création d’activités économiques et d’emplois qui va avec. Elle peut, au contraire, fermer ses premiers réacteurs nucléaires comme prévu par la loi, d’ici 2015, puis sortir complètement du nucléaire d’ici 2025, tout en développant l’efficacité énergétique, les renouvelables et en adaptant ses réseaux. Notre pays pourra ainsi « accompagner » l’Allemagne sur la voie d’une véritable « révolution énergétique », avec tous les bénéfices qu’elle procurera en termes d’emplois, de sécurité d’approvisionnement, de sûreté et de protection de l’environnement. A cet égard, la décision prise récemment par les négociateurs fédéraux peut être assimilée à une occasion manquée dès lors qu’elle reporte la décision d’une nouvelle échéance de six mois.

    N’oublions pas qu’un jour ou l’autre, de gré ou de force, les réacteurs nucléaires devront fermer, en Allemagne comme chez nous. Des capacités de remplacement devront être construites et le réseau devra être adapté. Mais il n’y a ni impasse ni fatalité. Une sortie programmée du nucléaire, comme en Allemagne ou comme c’est prévu par la loi de 2003 en Belgique, permet de prévenir les hausses de prix «brutales» telles qu’elles pourraient survenir suite à des problèmes techniques ou un accident. A cet égard, la CREG conclut d’ailleurs son étude relative à l’Allemagne en écrivant : « les investisseurs ont considérablement plus de temps pour préparer la fermeture des 12 008 MW de capacité nucléaire à l’horizon 2022 qu’ils n’en ont eu lors de la fermeture des 5 065 MW le 15 mars 2011. Dès lors, les marchés ne devraient pas connaître de soubresaut majeur lors de la fermeture effective des dernières centrales nucléaires allemandes. »

    Je rejoins l'honorable membre en ce que l’aspect social doit être au cœur de nos préoccupations. Afin de lutter contre la précarité énergétique, divers mécanisme sont mis en œuvre en Wallonie. Je soulignerais en particulier les mesures sociales instaurées dans le cadre des marchés du gaz et de l’électricité. En 2010, la CWaPE a réalisé une évaluation des obligations de service public de nature sociale et des concertations se poursuivent avec les différents acteurs. Les mesures sociales appliquées dans le cadre des marchés du gaz et de l’électricité seront donc prochainement adaptées. Il est notamment prévu que les clients protégés au sens régional soient transférés vers les gestionnaires de réseaux de distribution afin de leur permettre de bénéficier du tarif social spécifique. Il est également envisagé d’étendre les catégories de clients protégés au sens régional pour tenir compte des difficultés de paiement rencontrées par des clients à faible revenu.

    Par ailleurs, concernant l’information et l’accompagnement des ménages en situation de précarité, outre les tuteurs énergies, les plans d’action préventive en matière d’énergie (PAPE) se poursuivent. Les actions menées dans ce cadre visent à aider les populations fragilisées à réaliser des économies d'énergie, mieux comprendre les marchés de l’électricité et du gaz et ainsi réduire leurs factures énergétiques. Les actions sont de deux ordres :
    - organisation de séances d'information et de sensibilisation à destination des ménages précarisés et des professionnels : travailleurs sociaux, aides familiales, aides ménagères, employés ou non du CPAS, ainsi qu’auprès des associations actives dans le domaine de la lutte contre la pauvreté ;
    - suivi individualisé de ménages précarisés bénéficiaires ou non du CPAS.

    Actuellement près de 150 CPAS bénéficient d’un soutien financier, pour un montant global d’environ 2 250 000 euros.

    Pour terminer, je remarque que la Confédération des syndicats allemands (DGB), qui compte sept millions de membres, soutient la sortie du nucléaire, qu’elle voit comme la meilleure garantie de développement et de création d’emplois. Ceci montre bien qu’il n’y a pas d’opposition, mais plutôt une complémentarité à rechercher entre la sortie du nucléaire et l’équité sociale.