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Les particules fines qui polluent le cerveau

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2011
  • N° : 157 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 03/11/2011
    • de STOFFELS Edmund
    • à HENRY Philippe, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité

    Voici une information parue dans la presse francophone qui doit attirer notre attention et susciter notre réaction immédiate :
    « On connaissait déjà les dégâts que la pollution de l’air pouvait provoquer au niveau des poumons ou du cœur. Et voilà qu’on apprend que le cerveau serait lui aussi la cible des polluants présents dans l’atmosphère. Et ces effets seraient loin d’être anodins : problèmes d’apprentissage, de mémorisation, voire dépression ! Une découverte que l’on doit à l’Université de l’Ohio où des chercheurs ont exposé de manière prolongée plusieurs souris à des particules fines. D’une taille comparable à un 30e de l’épaisseur d’un cheveu, celles-ci sont rejetées dans l’atmosphère par le trafic automobile et par l’industrie, mais sont aussi naturellement présentes dans l’air. Une fois dans le corps, ces particules provoquent des inflammations en plusieurs endroits, et notamment dans l’hippocampe, partie du cerveau impliquée dans l’apprentissage et l’humeur. Ces fonctions sont alors altérées, l’inflammation provoquant une réduction du nombre de connexions nerveuses. Les conclusions de cette étude, publiées dans Psychiatrie, viennent donc s’ajouter aux nombreux autres effets néfastes associés aux particules fines, déjà reliées au diabète et à l’obésité. ».

    Lorsque l’on sait que les principales émissions des particules fines viennent du secteur du transport et de la consommation d’énergie, il y a lieu de s’interroger si les mesures actuelles visant à limiter lesdites émissions sont suffisantes.

    Nous avons adopté par exemple le régime des éco-bonus et des éco-malus pour ce qui concerne le domaine fiscal lié à la mobilité individuelle. Mais nous n’avons pas intégré dans le dispositif les émissions des particules fines. Nous nous sommes contentés de limiter les émissions CO2. Aussi louable que l’initiative a été, il me semble que nous devons ouvrir à nouveau le dossier et l’élargir à la problématique des particules fines, et ce, d’autant plus que nous avons été à maintes reprises au-dessus des normes autorisées, ce qui est de nature à nous attirer des critiques de l’UE.

    Une initiative commune des deux ministres Henry (environnement) et Antoine (fiscalité) ne s’impose-t-elle pas en vue de réduire de façon substantielle les émissions de particules fines par un mécanisme revu d’éco-bonus/éco-malus ?

    Le mécanisme d’éco-bonus/éco-malus peut-il être étendu à d’autres sources d’émissions de particules fines (comme de CO2) ?
  • Réponse du 23/01/2012
    • de HENRY Philippe

    Une analyse approfondie de la littérature scientifique serait nécessaire pour formuler un avis étayé sur l’effet de la pollution atmosphérique sur le cerveau humain.

    L’article cité rapporte des résultats obtenus chez la souris. Il est difficile d’extrapoler purement et simplement ces résultats à l’homme car différents phénomènes et paramètres sont différents chez l’homme et la souris (1). La prudence est donc de mise dans l’analyse de ces informations.

    Une (brève) recherche bibliographique concernant des études épidémiologiques chez l’homme indique que des associations auraient effectivement été observées entre la pollution atmosphérique et des maladies neuro-dégénératives (2 et 3), des déficits cognitifs chez des enfants fortement exposés (4), le développement neurologique de l’enfant exposé au NO2 (5), ou encore des accidents vasculaires cérébraux, ainsi que la maladie de Parkinson et d’Alzheimer, les mécanismes étant cependant encore mal connus (6).

    Mieux comprendre et suivre l’impact sanitaire des fines particules constituent un axe important du programme d’actions régionales environnement-santé (PARES). Agir pour réduire ces fines particules de manière durable doit constituer un autre objectif fédérateur pour les différentes autorités compétentes, qu’elles soient régionales, communautaires, fédérales ou locales.

    En ce qui concerne l’éco-bonus et son éventuel élargissement aux particules, sachez que cela a toujours été envisagé comme tel par mes services. C’est la raison pour laquelle la méthode ECOSCORE est depuis plusieurs années soutenue financièrement par la Wallonie. Cependant, c’est un problème plus complexe que celui des émissions de CO2 et dès lors, il est difficile de se référer à des mesures réalisées sur base de tests comme c’est le cas pour les émissions de CO2. Mais toutefois, c’est un des sujets qui est abordé dans le cadre du groupe de travail interrégional sur la fiscalité automobile.

    En ce qui concerne enfin votre dernière suggestion, d’étendre le principe d’éco-bonus à d’autres sources d’émission de particules fines, des sources fixes telles que le chauffage domestique ou les émissions industrielles je présume, je ne pense pas que ce soit la bonne solution actuellement.
    Des réflexions au niveau européen pour étendre le système de trading aux polluants acidifiants tels que les NOx et le SO2 se sont d’ailleurs soldées par une impasse pour des raisons similaires.



    (1) Les phénomènes d’absorption et de métabolisme, la barrière hémato-encéphalique et beaucoup d’autres paramètres sont différents chez la souris et chez l’homme. De plus, les tests de mémoire et de comportement réalisés chez la souris sont aussi difficilement extrapolables à l’homme.
    (2) Gomez-Mejiba et al. Inhalation of environmental stressors & chronic inflammation: autoimmunity and neurodegeneration. Mutat Res. 2009, 674: 62-72.
    (3) Levesque S et al. Air pollution & the brain: Subchronic diesel exhaust exposure causes neuroinflammation and elevates early markers of neurodegenerative disease. Neuroinflammation. 2011, 8: 105.
    (4) Calderón-Garcidueñas et al. Exposure to severe urban air pollution influences cognitive outcomes, brain volume and systemic inflammation in clinically healthy children. Brain Cogn. 2011 [Epub ahead of print]
    (5) Freire et al. Association of traffic-related air pollution with cognitive development in children. J. Epidemiol. Community Health, 2010 64: 223-228.
    (6) Michel L et al. Air Pollution: Mechanisms of Neuroinflammation & CNS Disease. Trends Neurosci. 2009, 32: 506–516