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La question de savoir si la sortie du nucléaire dès 2015 est un défi en termes de relance

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2011
  • N° : 150 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 08/11/2011
    • de STOFFELS Edmund
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    La sortie du nucléaire telle qu’esquissée en 2003, ne mettra pas en péril notre approvisionnement en énergie. Actuellement, nous sommes exportateurs d’électricité. Le problème ne se pose donc pas dans l’immédiat (2015), même si certains tirent maintenant la sonnette d’alarme.

    Le nombre de GWh, qui ne seront plus produits en 2015 par des centrales nucléaires, peuvent être compensées par la production actuelle et à créer sur base du renouvelable. Le problème se pose cependant pour 2025 : pour couvrir la demande en électricité, il faudra investir assez massivement dans de nouvelles unités de production – de préférence renouvelables également – et dans le réseau de transport et de distribution.

    Afin de maîtriser le coût de l’électricité et d’éviter que celui-ci ne pèse trop sur la compétitivité des entreprises ou sur le budget des ménages à revenu modeste, il faudra veiller à ce que l’amortissement des nouvelles unités se fasse non pas trop sur base des certificats verts mais plus sur base d’aides à l’investissement, dont les montants seront prélevés, d’une part, de la rente nucléaire (les centrales atomiques sont amorties grâce au tarif électrique mais aussi grâce aux aides généreuses de l’autorité publique) et, d’autre part, des rentrées dès que l’octroi de quotas d’émissions CO2 seront payants.

    Ce qui serait dommage, c’est une politique du « stop & go ». En effet, pour motiver des investisseurs potentiels, il faut leur donner une perspective fiable et à long terme. Tout va et vient dans la matière est de nature à créer l’incertitude et à démotiver les investisseurs.

    Peut-on, selon Monsieur le Ministre, susciter une véritable filière wallonne en matière d’énergie renouvelable, filière qui sera créatrice d’activités et d’emplois ? Partage-t-il l’analyse selon laquelle la fermeture des centrales nucléaires donnera le signal de départ pour une série d’investissements plus importants dans la production et la distribution d’électricité propre ?

    Y a-t-il moyen de maîtriser le poids de l’énergie dans la facture des entreprises et de les mettre à l’abri contre des pertes en matière de compétitivité, par le renforcement des dispositifs d’aide à l’investissement qui encourageraient celles-ci à devenir autoproductrices d’électricité ? En réinvestissant le produit de la rente nucléaire et des émissions CO2 dans la production du renouvelable ? La future répartition des compétences telle qu’elle se dessine actuellement facilitera-t-elle pareille politique ?
  • Réponse du 30/11/2011
    • de NOLLET Jean-Marc

    En matière de sortie du nucléaire, je partage l'analyse de l'honorable membre : si pour 2015, la « relève » est assurée, le défi principal sera, d’ici 2025, de renforcer les mesures d’utilisation rationnelle de l’électricité, de consolider le développement des sources renouvelables et de la cogénération, ainsi que de moderniser substantiellement nos réseaux de transport et de distribution. C’est toute la pertinence du développement des sources d’électricité renouvelables en Wallonie, qui constitue un signal important dans le cadre de la loi sur la sortie progressive du nucléaire, ainsi que de l’initiative REDI – pour réseaux durables et intelligents - menée actuellement par la CWaPE, et faisant l’objet d’un vif intérêt de la part des opérateurs de réseaux. Notre région pourra ainsi « accompagner » l’Allemagne sur la voie d’une véritable « révolution énergétique », avec tous les bénéfices qu’elle procurera en termes d’emplois, de sécurité d’approvisionnement, de sûreté et de protection de l’environnement.

    Je partage également le point de vue de l'honorable membre quant au fait que ceux qui plaident pour la réouverture du (faux) débat en matière de nucléaire en Belgique ne font que contribuer à l'incertitude en matière d'approvisionnement énergétique et, ainsi, décourager ces investissements dans l'efficacité énergétique, les énergies renouvelables et les réseaux.

    Comme souligné par l’honorable membre, le déploiement des énergies renouvelables en Wallonie doit aller de pair avec la création de valeur ajoutée et d’emplois dans notre région. L’objectif de 20% d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie à l’horizon 2020, comportant une contribution de 8 000 GWh d’électricité renouvelable produite sur sol wallon, devrait ainsi générer un investissement annuel en matériel installé qui s’élèvera de 800 à 900 millions d'euros, et permettra de générer entre 15 000 et 17 000 emplois en Wallonie pour la période considérée. De même, dans le cadre de la décision sur les orientations de la politique éolienne dans les prochaines années, et en tant que Ministre du Développement Durable et initiateur des Alliances emploi-environnement, il m’a semblé essentiel d’accompagner l’essor éolien de création de valeur ajoutée et d’emploi sur le territoire régional. Ainsi, il ressort des contacts avec l’industrie technologique wallonne que les ingrédients nécessaires pour aboutir à un tel objectif sont au nombre de trois :
    1. Un objectif ambitieux pluri-annuel, porté par l’ensemble du gouvernement ;
    2. Un mécanisme d’appel d’offres pour optimiser le choix du meilleur projet ;
    3. Un critère d’attribution lié aux retombées socio-économiques régionales.

    Ces éléments font partie de l’accord du gouvernement relatif à l’éolien. Nous ne partons pas de rien puisque le cluster ‘énergie durable’ TWEED a finalisé une étude relative aux compétences wallonnes dans l’éolien. Cette démarche a permis :
    * d’identifier les perspectives et les besoins en matière de sous-traitance dans la chaine de valeur de l’éolien ainsi que les défis en matière d’innovation technologique ;
    * de réaliser une cartographie des acteurs wallons (entreprises, centres R&D, acteurs de formation,…), impliqués ou non dans le secteur de l’éolien, qui possèdent des compétences intégrables dans la chaine de valeur de l’éolien.

    Le cluster va maintenant pouvoir promouvoir ces compétences wallonnes aussi bien en Belgique qu’à l’étranger, répondre à des opportunités, et réaliser des offres conjointes wallonnes dans le secteur éolien. L’expérience portugaise est éclairante à cet égard. Le cluster ENEOP, qui a remporté l’appel d’offre pour 1200 MW au Portugal, comprend plusieurs acteurs industriels actifs dans différents segments de la valeur ajoutée des projets éoliens.

    Une démarche similaire vient d’être entamée, également avec le cluster TWEED, pour la filière photovoltaïque.

    Je terminerai par les suggestions de l’honorable membre relatives à l’utilisation potentielle de la rente nucléaire et des recettes issues de la mise aux enchères des quotas de CO2.

    Sur ce dernier point, le paquet « énergie – climat » européen, qui impose aux Etats membres divers objectifs en matière de sources d’énergie renouvelables et de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, prévoit effectivement une redistribution des recettes générées par la mise aux enchères des quotas de CO2 dans le cadre du système dit Emission Trading Scheme (ETS en abrégé). A titre indicatif, l’Europe considère que la moitié de ces revenus devrait être consacrée à des mesures en faveur de la protection du climat, mais ce chiffre n’est pas contraignant. Je remarque à ce sujet que le passage à un objectif de réduction d’émissions de 30% en 2020 augmenterait les revenus des enchères, l’efficacité énergétique et la part des renouvelables.

    Les divers éléments du paquet « énergie-climat » n’ont – faute de Gouvernement fédéral disposant de pleins pouvoirs - toujours pas fait l’objet d’une répartition entre le fédéral et les régions, ce qui est pourtant urgent. Les divers éléments du paquet sont intimement liés et le dossier doit à mon sens être traité dans sa globalité. Il est donc actuellement impossible de savoir quelle part des recettes liées à la mise aux enchères des quotas de CO2 reviendra à la Région wallonne et, partant, de se prononcer sur l’affectation de celle-ci. Rappelons à cet égard qu’une partie des recettes perçues devra être affectée au soutien financier de la part des pays industrialisés aux pays en développement dans le cadre de la lutte contre le changement climatique.

    Concernant la « rente nucléaire », le prélèvement d’une taxe sur les bénéfices indus (‘stranded benefits’ en anglais) des centrales nucléaires amorties est actuellement en discussion au niveau fédéral. La décision de l’affectation du produit d’une taxe fédérale relève de ce niveau de pouvoir, mais il me semblerait logique et indiqué que le montant récupéré serve à une politique ambitieuse en matière de climat, au financement d’investissements dans l’énergie renouvelable, l’efficacité énergétique et le développement des réseaux, ainsi qu’à la la lutte contre la précarité énergétique. Vu l’importance des montants à récupérer, d’une part, et les compétences régionales dans les matières précitées, d’autre part, il serait logique qu’une partie du montant de la taxe soit retournée aux régions.