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La question de savoir s'il faut changer la politique wallonne de l'emploi

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2011
  • N° : 119 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 21/11/2011
    • de STOFFELS Edmund
    • à ANTOINE André, Ministre du Budget, des Finances, de l'Emploi, de la Formation et des Sports

    Dans le Soir du 10 octobre 2011, le patron du Forem avertit : « Accompagner le chômeur, c'est bien; épauler le travailleur tout au long de sa carrière, c'est mieux ! Jean-Pierre Méan, l'ex-administrateur délégué du service public wallon de l'emploi et de la formation, s'exprime à l'occasion d'une « Semaine de l'emploi », une série de salons consacrés à la recherche d'un job, organisés dans sept villes. Pour Méan, l'accompagnement individualisé des chômeurs ne suffira pas à relever le taux d'emploi, qui reste singulièrement bas en Wallonie, même si le chômage recule. « On a affiné la relation avec le chômeur (...) Mais cela ne nous permettra pas d'atteindre les objectifs européens. Nous devons absolument nous engager sur la voie de la transition professionnelle », affirme Méan : accompagner le travailleur, de sa sortie de l'école jusqu'au moment où il quitte le marché du travail. ».

    Les propos de M. Méan ouvre une toute nouvelle perspective de travail du FOREM. Accompagner le travailleur tout au long de sa vie professionnelle ne s’apparente au travail actuellement réalisé qu’en théorie. La pratique quotidienne est loin de correspondre à la théorie.

    Si les propos de M. Méan relèvent de l’utopie en matière de politique d’emploi, la réalité budgétaire est de nature à nous ramener sur terre – à moins que pour une partie des efforts, on peut joindre les efforts publics aux efforts négociés dans le secteur (1.9 % de la masse salariale doit être affectée à la formation des travailleurs). En effet, l’accompagnement des travailleurs dans l’entreprise n’aura d’intérêt que s’il s’agit de mesures qualifiantes les mettant à l’abri d’un éventuel licenciement.

    L’accompagnement visant à les faire changer d’emploi peut ne pas être du même intérêt ni pour les travailleurs, ni pour l’entreprise. Dans un pareil contexte, l’utopie s’apparente déjà moins à un rêve non réalisable – sauf que les patrons n’ont pas respecté l’accord négocié.

    Faut-il changer la politique en matière d’emploi (et de formation) ? En y intégrant davantage les efforts à fournir par les patrons ? Et comment les encourager, voire même les obliger à respecter les accords négociés ? Avons-nous ou aurons-nous (après transfert des compétences actuellement encore fédérales) les moyens pour le faire ? Est-ce, aux yeux, de Monsieur le Ministre, une piste à suivre ?
  • Réponse du 26/01/2012
    • de ANTOINE André

    Gérer les transitions professionnelles relève-t-il de « l’utopie » ?

    Face à la globalisation, l’évolution de l’architecture du marché du travail, les changements démographiques et à l’assainissement budgétaire après la crise, les Pouvoirs publics devront certes faire davantage avec moins de moyens. Mais faut-il, pour autant, changer les politiques actuellement menées en matière d’emploi et de formation ?

    Je ne pense pas. Au contraire, il s’agira de les renforcer en adoptant des approches plus globales encore, avec une participation accrue au marché du travail et le développement d’une main-d’œuvre qualifiée répondant aux besoins du marché du travail par le biais de l’éducation et de la formation tout au long de la vie.

    Ainsi, à la place d’un simple rapprochement de l’offre et de la demande de main-d’œuvre, les Services Publics de l’Emploi seront de plus en plus amenés à offrir des “parcours” individualisés, souples et adaptés en matière d’éducation et de formation tout au long de la vie afin de faciliter les transitions entre les phases d’emploi, de chômage, d’assistance et d’apprentissage.

    Ce n’est donc pas une « utopie », mais une nécessité. En effet, les parcours professionnels évoluent au même rythme que le marché, c’est-à-dire rapidement. Il faut, dès lors, pouvoir à la fois agir au sein des entreprises en assurant la formation des travailleurs et préparer les demandeurs d’emploi à adapter régulièrement leurs compétences aux besoins des entreprises. Ce n’est pas nécessairement changer de métier, mais c’est parfois développer des compétences complémentaires dans son métier pour mieux rebondir ensuite sur le marché du travail.

    Plus particulièrement, les politiques d’emploi et de formation seront amenés à développer et/ou à renforcer certaines activités, dont :
    - les processus d’anticipation des nouvelles compétences et des emplois de demain, des métiers en tension /pénurie et des fonctions critiques / goulots d’étranglement ;
    - les processus de veille sur les nouveaux métiers et les nouvelles compétences (métiers verts, …), le développement d’analyses du marché de l’emploi (observatoires et services d’étude à l’interne des Services Publics de l’Emploi), le développement d’outils de monitoring des nouvelles fonctions, … ;
    - les processus d’identification et de validation des compétences acquises par l’expérience professionnelle ;
    - les processus de reconnaissance des compétences acquises en formation ;
    - les dispositifs d’information et d’orientation des personnes ;
    - l’adaptation permanente de l’offre de formation aux besoins du marché pour les demandeurs d’emploi ;
    - la mise à disposition d’une offre de formation à destination des travailleurs en vue d’adapter leurs compétences et de maintenir leur emploi, voire de favoriser leur mobilité professionnelle directement au sein de leur entreprise ;
    - les dispositifs spécifiques d’accompagnement des restructurations et de soutien en cas de chômage économique (actions de reconversion, soutenues par l’organisation de bilans professionnels, par l’accès à la formation, par l’organisation de sessions et programmes adaptés) ;
    - l’organisation de la gestion des parcours professionnels des personnes en recherche d’emploi (bilan, élaboration et suivi des plans d’actions) ;
    - le renforcement des coopérations et des instances de dialogue avec les secteurs professionnels.

    Faut-il « obliger les patrons à respecter les accords négociés » en termes de formation de leurs travailleurs ? Ces accords s’inscrivent au niveau de la concertation sociale fédérale, mais peuvent aussi se négocier au sein même des entreprises entre les travailleurs et les employeurs avec, au besoin, l’appui des représentants des travailleurs.
    En ce qui me concerne, je mets à la disposition des entreprises et de leur personnel des dispositifs d’aide à la formation. Je citerai ici le chèque formation et le crédit adaptation. Ainsi, en 2010,
    - pour le crédit adaptation, 380 dossiers ont été clôturés et ont concerné 299 entreprises (dont 70 % de PME) et 14.122 travailleurs (dont 46 % de peu qualifiés) ;
    - pour les chèques formation, 686.457 chèques ont été remboursés et ont concerné 9.455 entreprises et 23.488 travailleurs.

    Ceci ne prend pas en compte les autres dispositifs de formation que les entreprises auraient pu également mettre en place.

    Quant au transfert de compétences emploi vers les Régions, il doit se concevoir comme une opportunité pour la Wallonie. En effet, la Région pourra moduler sa politique de l’emploi en fonction de ses réalités socio-économiques et des objectifs à atteindre en la matière, que ce soit du côté de l’offre ou du côté de la demande d’emploi. Il y aura, dès lors, davantage de cohérence entre les objectifs visés et les moyens mis en œuvre. En outre, le budget rendu disponible pourra, au besoin, être réorienté vers des mesures en matière d’emploi à définir au sein des entités fédérées.