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Les sols comme ressource non renouvelable

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2011
  • N° : 262 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 08/12/2011
    • de STOFFELS Edmund
    • à HENRY Philippe, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité

    La gestion durable des terres est une préoccupation majeure de l’Union européenne. Dans le passé, elle a consacré des moyens à la lutte contre la dégradation des sols dans les pays en développement. La Commission européenne franchit maintenant un pas supplémentaire. Elle participe au lancement d'une initiative économique sur «les aspects économiques de la dégradation des sols». La dégradation des sols est un problème de plus en plus grave dans le monde, la part des terres soumise à une dégradation des sols et à la désertification étant en constante expansion.

    L’esprit de l’initiative consiste à évaluer le coût de la dégradation et de son assainissement comparé aux avantages d’une consommation, à court terme, des sols. C’est une initiative louable et – pour nous – d’autant plus qu’en tant que vieille région industrielle. Ce n’est pas uniquement un problème de chancres industriels, mais aussi un défi en termes de fertilité des sols destinés à l’agriculture – entraînant des questions sur le plan de la sécurité alimentaire, du changement climatique et de la perte de biodiversité.

    S’agit-il d’un problème exclusif des pays en voie de développement ou des pays émergents ? Evidemment que non ! Au sein de l'UE, quelque 12 États membres ont déclaré être concernés par la désertification et presque la moitié des terres européennes ne présente plus aujourd'hui que de faibles teneurs en matière organique. S’agit-il d’un programme auquel les Etats membres peuvent faire appel pour obtenir un co-financement lorsqu’ils s’investissent dans la gestion durable de leurs sols ?

    Une étude sera menée pour éveiller l’attention au problème de la dégradation des sols. Elle aide les décideurs politiques à mettre en oeuvre des stratégies efficaces. Pour assurer la réalisation d'une étude scientifique digne de ce nom, on a cherché la coopération aux ONG, aux entreprises internationales, aux institutions financières, aux agriculteurs et associations agricoles, ainsi qu’aux universités et instituts de recherche. Elle propose des mesures d'incitation pour investir dans des stratégies de gestion durable des terres. On peut lire que l'initiative bénéficie du soutien de la Commission européenne, du Gouvernement fédéral allemand et du secrétariat de la convention des Nations Unies. Pourquoi pas du nôtre ?

    La communication sur la politique de l’UE peut être un point de départ pour faire le bilan en la matière chez nous. Quelle est, au niveau de la Région wallonne, la teneur des terres en matière organique ? Quelle est, chez nous, la fertilité des sols agricoles ? Quelle est l’ampleur de l’érosion des sols ? Est-elle en danger ? Est-elle impactée par le changement climatique ?
  • Réponse du 29/02/2012
    • de HENRY Philippe

    La gestion des sols revêt non seulement la problématique de la pollution des sols, mais également d’autres formes de dégradation, d’ailleurs listées dans la Stratégie européenne pour la protection des sols et reprises dans le projet de Directive-cadre sur la protection des sols, à savoir :
    - l’érosion par l’eau ou par le vent ;
    - la diminution en matières organiques ;
    - la compaction ;
    - la salinisation ;
    - les glissements de terrain ;
    - l’acidification.

    De plus, la perte de biodiversité des sols ainsi que l’imperméabilisation des surfaces sont également pointées comme des processus limitant les diverses fonctions que peuvent assurer les sols. Le principal enjeu de la gestion des sols est donc de prévenir et remédier à ces formes de dégradations de manière intégrée, en priorité dans les zones à risques et dans une approche durable.

    Le dernier rapport analytique 2006-2007 sur l’état de l’environnement wallon fournit en son chapitre 11 un inventaire complet de l’état et de l’évolution des différentes altérations qui affectent les sols wallons (agricoles et forestiers), ainsi qu'un état de la situation concernant leur fertilité (1). L’inventaire sur l’état de fertilité des sols est par ailleurs complété régulièrement. L’asbl REQUASUD, financée par la Wallonie et encadrée par le CRA-W, GxABT et l’UCL, va éditer en février son troisième rapport de synthèse qui couvre la période 2003-2008 avec une analyse de tendance sur la période 1994-2008 pour les teneurs en matières organiques. Pour ce qui est de la fertilité générale des sols les observations les plus marquantes sont un déséquilibre dans le rapport K/Mg suite à une forte augmentation des teneurs en Mg un peu partout en Wallonie. On notera également une diminution importante des teneurs en K en Haute Ardenne.

    En 2006, les sols agricoles déficitaires par rapport au seuil critique de 2 % de matières organiques (valeur sous laquelle les agrégats du sol deviennent instables) représentaient 51 % des surfaces cultivées.

    Les sols cultivés des régions sablo-limoneuse, limoneuse et du Condroz ont enregistré des pertes en matières organiques parfois très importantes depuis 1960. Cette tendance est liée notamment à la teneur initiale des sols en carbone, à l’évolution du climat, à la diminution des surfaces de céréales, à l’augmentation de la profondeur de labour et à l’utilisation d’engrais minéraux au détriment des effluents d’élevage.

    Sur ce même point, le troisième rapport de synthèse de l’ASBL REQUASUD ne constate pas de diminutions notables du taux de carbone dans les sols agricoles sur la période 1994-2008. Confirmant le tableau de bord de 2010, les régions limoneuse, sablo-limoneuse et de campine hennuyère présentent les taux de carbone les plus faibles, avec 25 à 50 % de superficies agricoles où les sols possèdent un taux de carbone inférieur au seuil minimal. Pour les tendances, seule la région limoneuse est problématique car le taux moyen de carbone dans les sols est très faible et pourrait devenir problématique.

    Différentes initiatives ont cependant été prises ces dernières années pour améliorer le statut organique des sols cultivés. Il s’agit principalement de la mise en œuvre de programmes agro-environnementaux, du soutien à l’agriculture biologique et de la possibilité d’épandre des matières organiques exogènes (composts, boues d’épuration…), moyennant le respect de conditions particulières.

    Concernant l'érosion des sols, je me référerai aux travaux du projet GISER. Sur l’ensemble de la Wallonie, l’érosion hydrique moyenne (tous types d’occupation du sol confondus à l’exception des zones urbanisées, soit environ 65% de la superficie wallonne) est estimée à environ 6 t.ha-1an-1. On peut distinguer les zones à enherbement permanent (prairies, zones enherbées) pour lesquelles l’érosion moyenne est inférieure à 2 t.ha-1an-1 et les zones cultivées où les départs de terre peuvent atteindre près de 20 t.ha-1an-1.

    On peut également noter la différence qui existe entre le nord et le sud de la Wallonie. En effet, près de 70% des parcelles agricoles du sud subissent moins de 2 t.ha-1an-1 de pertes en sol contre seulement 35% pour l’ensemble du nord. Par ailleurs, le pourcentage de parcelles qui présentent des pertes en sol comprises entre 2 t.ha-1an-1 et 20 t.ha-1an-1 est de 38% dans le nord de la Wallonie, contre 15 % dans le sud.

    Outre le fait que la Wallonie dispose depuis plusieurs années d'une carte numérique des sols actualisée, inégalée et extrêmement détaillée, elle est également une des rares régions d'Europe à disposer dorénavant d'une connaissance et d'une vision relativement complètes de l'état de ses sols (à l'instar de l'eau et de l'air) et des dégradations qu'ils subissent, grâce aux nombreuses initiatives prises en la matière ces dix dernières années.

    En effet, la Wallonie s’est investie de plus en plus dans la problématique des sols en vue de connaître et d’améliorer et/ou de restaurer leur qualité. La stratégie s’articule :
    - sur différentes bases légales (Décret sols, Décret déchets, Code forestier, Code de l’environnement, Conditionnalités agricoles, PGDA, PDR…) ;
    - les inventaires (cartographie à l'appui) et la recherche (modèles, analyses prédictives, analyses de risques, études des propriétés et du fonctionnement des sols…..).

    Sur ce dernier point, je peux, notamment citer en exemple les projets :
    - de cartographie numérique des sols (PCNSW) ;
    - GISER, continuité du projet ERRUISOL, relatif à l’érosion hydrique des sols ;
    - d’inventaires de l'état de fertilité des sols agricoles établis ;
    - CAPASOL visant à mettre en place un outil de prédiction sur base cartographique des teneurs en éléments traces métalliques ;
    - SATUPHOS concernant la cartographie du taux de saturation en phosphore des sols agricoles et des perspectives d’évolution compte tenu des apports de matières organiques ;
    - CONTASOL sur l’évaluation des flux d’éléments polluants liés aux matières fertilisantes épandues sur les sols agricoles ;
    - DECISOL sur le suivi décisionnel des apports de matières organiques sur les sols et plus particulièrement des boues d’épuration ;
    - de l'Inventaire permanent des ressources ligneuses de Wallonie (IPRLW) ;
    - relatifs à la compaction des sols agricoles et forestiers, à l’imperméabilisation des sols, à la détermination d’indicateurs biologiques et à la qualité biologique des sols agricoles (QUALISOL) et forestiers ;
    - …



    (1) http://etat.environnement.wallonie.be/index.php?page=le-rapport-analytique-2006-2007