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Le redressement de la Wallonie en 10 ans

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2011
  • N° : 56 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 15/12/2011
    • de STOFFELS Edmund
    • à DEMOTTE Rudy, Ministre-Président du Gouvernement wallon

    « Vous louez le Plan Marshall sur le papier. Mais qu'en est-il de sa mise en oeuvre ? » - voilà une question posée par le journaliste aux patrons des patrons wallons. Sa réponse est globalement positive, quoique prudente : « Le Plan Marshall, c'est 30.000 emplois créés, avec 15.000 entreprises participantes ; ces 200.000 personnes qui ont suivi une formation ; et c'est un plan ambitieux dans ses moyens (2, milliards d'euros) et ses objectifs. Mais il ne peut porter ses fruits immédiatement, comme l'Alliance Emploi-Environnement d'ailleurs qui prendra du temps car il faudra former les gens. Or nous savons depuis l'accord sur la réforme de la Loi de financement (LSF) que la Wallonie n'a que dix ans pour accélérer son redressement économique avant de voir les transferts de l'Etat fédéral diminuer. Or une décennie, ce n'est pas suffisant à l'aune du Plan Marshall. Il faut donc l'élargir, l'amplifier. Les secteurs du Plan Marshall représentent 40 % de l'économie wallonne. Il importe donc de développer les autres secteurs, laissés de côté jusqu'ici par le Plan Marshall. » (Le Soir du 4 octobre 2011).

    La question est posée : une décennie suffira-t-elle pour redresser l’économie wallonne ? Décennie qui commence par un ralentissement conjoncturel juste après que nous ayons vécu une crise sans précédent dite crise bancaire qui a détruit des milliers d’emplois. Décennie qui commence par l’obligation en matière de rigueur budgétaire. Décennie qui est caractérisée par la fermeture d’outils industriels judicieux. Décennie qui nous pose devant le défi environnemental (réduction des émissions de GES, ...) ? Bref, une décennie dont les ingrédients ne sont pas de nature à faciliter la tâche d’un redressement.

    Monsieur le Ministre-Président est le pilote dans l’avion qui s’appelle PM 2.Vert. Ne lui semble-t-il pas que la Wallonie doit – beaucoup plus que jusqu’à présent – réduire les dépenses de consommation et augmenter les dépenses d’investissements ? Les uns sont, certes, utiles à permettre de mener – à court terme - une vie plus agréable, au-dessus du seuil de pauvreté. Les autres sont, par contre, de nature à préparer – à moyen terme - l’avenir et’aider à ce que la Wallonie se redresse. En d’autres termes, ne faudrait-il pas doter le PM 2.Vert de plus de moyens, et s’il le faut, au détriment de certaines politiques sectorielles classiques ? Ce qui serait l’effort nécessaire pour généraliser, comme le demande l’UWE, le PM 2.Vert à l’ensemble de l’activité économique ?
  • Réponse du 22/12/2011
    • de DEMOTTE Rudy

    Comme nous le savons, la réforme de l’Etat et plus particulièrement la nouvelle loi de financement telle que prévue dans cette réforme représente un réel défi mais aussi une formidable opportunité pour la Wallonie. En effet, plus de compétences et plus de responsabilité ne doivent pas être synonymes de désespoir mais bien de détermination à nous assumer pleinement, avec confiance, mais aussi, avec une énergie au travail renforcée devant l’ampleur de la mission que nous nous devons de réussir.

    De fait, comme l'honorable membre le souligne dans sa question, la réforme de la loi de financement prévoit, entre autre, qu’à l’avenir, le financement des régions, et donc de la Wallonie, soit principalement basé sur le rendement IPP de chaque région. Dès lors, plus encore qu’aujourd’hui, quand une région créera de l’emploi, son IPP augmentera, et les dotations qu’elle recevra seront importantes. Par ailleurs, un mécanisme de transition, qui garantit les moyens des entités les dix premières années est également prévu. Cette garantie s’éteignant toutefois progressivement, pour totalement disparaître dans les vingt ans.

    Devant cette situation, la question de savoir si une décennie sera suffisante pour redresser l’économie wallonne mérite d’être posée. Et ce, notamment au regard de la situation économique que nous connaissons aujourd’hui et qui, outre le ralentissement conjoncturel de notre économie, nous impose également de mener des politiques de rigueur budgétaire.

    Dans ce cadre, votre questionnement quant à l’opportunité de généraliser le PM2.vert à l’ensemble de l’activité économique est légitime. Cependant, la possibilité et l’efficience d’une telle politique l’est également. En effet, la politique Plan Marshall, mise en place en septembre 2005 pour entrer en application début 2006 et ensuite être amplifiée en décembre 2009 via le Plan Marshall 2.vert, tient sa force principale dans la concentration des moyens additionnels sans précédents qui y sont dédiés et ce, en complément des politiques dites classiques. En effet, pour rappel, le premier plan Marshall, c’était près d’1,2 milliard d’euros de crédit ordinaires et près de 600 millions d’euros de financement alternatifs pour 1,6 milliard d’euros de crédit ordinaires et 1,15 milliard d’euros de financement alternatifs pour le Plan Marshall 2.vert. Au total, ce sont donc des moyens de l’ordre de 2,7 milliards d’euros qui sont dédicacées spécifiquement et additionnellement à une politique ciblée et objectivée, notamment via le recours à des jurys internationaux, de développement d’activités et d’emplois.

    Peu de régions peuvent aujourd’hui se prévaloir d’un tel plan de développement économique, aux moyens conséquents au regard du leur budget respectif et préservé de toutes discussions budgétaires quant au montant qui lui est consacré. En complément, peu de région, dans l’élaboration de leur politique, se fixe, préalablement à la réalisation de celle-ci, des objectifs chiffrés à atteindre ainsi qu’un suivi trimestriel de sa réalisation et des évaluations indépendantes des actions menées.

    Cette réalité est à souligner car elle est non seulement saluée par les différents acteurs wallons directement concernés par ce plan et ses mesures mais aussi, à l’extérieur de la Wallonie où, en Flandre par exemple, la démarche et les résultats obtenus sont plus que salués.

    Du fait de cette réussite et de cette reconnaissance, la question de généraliser cette démarche et plus particulièrement le Plan Marshall 2.vert à l’ensemble des secteurs d’activités économiques wallons est pertinente. Cependant, son opportunité et son efficience amène à plus de réflexions. En effet, comme souligné précédemment, une des forces des politiques Marshall réside dans les moyens additionnels sans précédent dédicacés à des mesures et secteurs d’activités ciblés, sur base de l’avis d’un jury international, pour lesquels la Wallonie dispose d’un réel potentiel pour en devenir un des leader au niveau européen voir mondial. La réussite d’une politique telle que les pôles de compétitivité, et plus globalement celle du Plan Marshall 2.vert, ne peut donc se faire que via une concentration des moyens et un ciblage de ceux-ci. Dans le cas contraire, l’éparpillement de ceux-ci, ne pourrait qu’empêcher l’obtention de la taille critique nécessaire dans le cas des pôles ou encore assurer l’impact structurant de la politique Plan Marshall 2.vert sur l’économie wallonne.

    Un Plan Marshall 2.vert dédié à l’ensemble de l’activité économique wallonne est donc questionnable quant à sa réalisation et son opportunité notamment au vu, du besoin de cibler et concentrer les moyens sur des secteurs pour lesquelles la Wallonie dispose d’un réel potentiel de croissance à l’international.

    Ce qui est par contre nécessaire et plus que souhaitable est l’adéquation et la cohérence des mesures et des moyens mis en œuvre dans le cadre de politiques complémentaires au Plan Marshall 2.vert. Et c’est, ce que le gouvernement wallon met en œuvre en labélisant « Plan Marshall 2.vert » des politiques telles que « Creative wallonia » ou encore le plan « Action Industrie » qui peuvent être vues comme complémentaires aux actions Plan Marshall 2.vert.

    Enfin, et pour en revenir à la véritable question qui est la capacité de la Wallonie à pouvoir se redresser d’ici à un horizon de 10 ans, notamment au vu de la nécessité qu’implique la réforme de la loi de financement, un certains nombres de réalités non exhaustives se doivent d’être rappelées.

    Premièrement, et comme l’a encore rappelé le patron des patrons wallons, le Plan Marshall est source de résultats : plus de 15.000 entreprises soutenues, 30.000 emplois créés, plus de 200.000 formations suivies, plus de 46.000 bénéficiaires du Plan « Langues » ou encore 1.284 chercheurs supplémentaires financés. Que les résultats de certaines mesures ou encore que la réalisation globale des politiques Marshall au niveau macro-économique ne pourra s’observer qu’au cours du temps est également une réalité mais au contraire de résultats directement observables au niveau de l’économie wallonne, c’est le caractère structurant qu’auront ces mesures sur celle-ci qui importe.

    Deuxièmement, il est important de souligner que les dernières tendances observables pour nombres d’indicateurs sont favorables en Wallonie. Ainsi, si l’on regarde le nombre d’unités d’emplois créés entre 2004- 2009, on constate que ceux-ci ont augmenté de +70.512 unités soit une augmentation de +6,29% comparable à celle enregistrée en Flandre (+6,22%). Si l’on regarde, les revenus, au cours des dix dernières années, selon le SPF Economie, ceux-ci ont progressé plus vite au sud qu’au nord du pays, si l’on regarde les dépenses intra‐muros de R&D exécutées par les entreprises, selon le Bureau du Plan, plus de 85% des efforts R&D des entreprises étaient concentrées dans les branches à haute technologie. Ce niveau étant supérieur à celui observé, en moyenne, pour la Belgique et ses deux autres régions.

    Enfin, le redressement de la Wallonie se jouera également dans sa capacité à pouvoir garder et développer sur son territoire une véritable activité industrielle. En effet, la Wallonie a tout intérêt à continuer à fabriquer des produits innovants, qui font et feront la différence avec la concurrence. Car, c’est en ayant une économie compétitive que la Wallonie réussira à renforcer sa position en matière d’exportations et donc, pourra connaître une hausse de sa croissance économique, de ses recettes fiscales,... Or, comme l’indiquait encore récemment la Commission européenne, l’industrie fournit 80% des efforts de R&D au sein de l’Union, ce qui la place au centre du processus d’innovation. A cet égard, l’UWE rappelait, dans son édition 2011 d’« Etudes sur la situation de l'entreprise » que, en termes réels, depuis les restructurations des années 80, la place de l'industrie dans l'économie régionale wallonne était restée stable au contraire d’autres régions et que, aujourd’hui, de nombreuses entreprises industrielles wallonnes innovaient et contribuaient à relever les nouveaux défis sociétaux auxquels nous faisons face. A cet égard, des secteurs à haute valeur ajoutée tels que le secteur pharmaceutique ou encore le secteur de chimie verte seront importants pour la Wallonie. Au-delà de l’exemple particulier pris au travers de ces deux secteurs, l’innovation, la conception et la valorisation industrielle des produits qui nous développerons, nécessitera globalement que ceux-ci soient suffisamment basés sur la recherche et le développement. Or, la Wallonie, dans ce domaine, possède une position favorable. En effet, en pourcentage de PIB, ses dépenses R&D atteignent les 2,1% contre 1,9% au niveau belge et européen. Position qui ne pourra que se renforcer à termes via les politiques développées dans le cadre du Plan Marshall 2.vert et de « Creative Wallonia ». A noter également, que le tissu des entreprises industrielles actives en Wallonie montre aujourd’hui, par de très nombreux exemples de grandes et petites entreprises, qu’il s’ancre progressivement dans les domaines technologiques et les secteurs qui seront appelés à jouer un grand rôle dans l’économie mondiale des vingt ou trente prochaines années.

    Au vu de ces différents éléments, on peut donc affirmer que la Wallonie n’a pas attendu le ralentissement économique ou encore la réforme de la loi de financement et ses modalités à 10 ans ou 20 ans, pour mettre en place les politiques nécessaires au développement de son économie. Et ce, dans la logique d’un développement économique structurel, basé sur l’innovation, et prenant en compte les opportunités économiques telles que celles offertes par les enjeux liés au développement durable. Ces politiques nécessites néanmoins de pouvoir mobiliser et cibler les moyens disponibles afin de pouvoir atteindre des masses critiques au niveau international plutôt que de préconiser l’éparpillement de ceux-ci à l’ensemble des secteurs de l’économie et dès lors ne pas être en mesure de produire les effets structurants utiles au redéploiement et au positionnement à long terme de notre économie.