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L'interprétation et l'étendue de la notion de gestion journalière en matière de passation des marchés publics

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2011
  • N° : 126 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 23/12/2011
    • de BINON Yves
    • à FURLAN Paul, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville

    L’article L1222-3 du CDLD prévoit que c’est le conseil communal qui est compétent pour choisir le mode de passation des marchés publics et en fixer les conditions. Il s’agit donc pour le conseil communal de décider si tel marché va être passé suivant la procédure d’adjudication ou d’appel d’offres, voire, si la situation le permet, par procédure négociée.

    Il existe deux exceptions à cette compétence du conseil communal :
    - celui-ci peut donner délégation au collège communal pour les marchés relatifs à la gestion journalière de la commune, dans les limites des crédits inscrits au budget ordinaire;
    - le collège communal peut exercer d'initiative ces deux compétences (choix du mode de passation et fixation des conditions) en cas d'urgence impérieuse résultant d'événements imprévisibles.

    Sa délibération est alors communiquée au conseil communal qui en prend acte lors de sa prochaine séance.

    Si le conseil communal donne en effet très souvent la délégation évoquée ci-dessus au collège, il ne lui donne cependant pas les pleins pouvoirs. Il ne s’agit que des marchés relatifs à la gestion journalière inscrits au budget ordinaire étant entendu que le caractère journalier ne se déduit pas ipso facto de l’inscription au budget ordinaire. Soit !

    Là où le bât blesse, c’est qu’aucune définition du champ couvert par la notion de « gestion journalière » ne se trouve dans le CDLD. Tout au plus, l'administration de Monsieur le Ministre tente-t-elle de définir cette notion en empruntant à la Cour de cassation qui propose la définition suivante pour les asbl : « la gestion journalière comme le pouvoir d'accomplir des actes d'administration ne dépassant pas les besoins de la vie journalière de l'asbl et qui, en raison de leur peu d'importance et la nécessité d'une prompte solution, ne justifient pas l'intervention du conseil d'administration. Les actes de gestion journalière sont donc ceux qui ne sont que l'exécution journalière de la ligne de conduite décidée par le Conseil d'administration et qui doivent être réalisés régulièrement pour assurer la bonne marche des activités de l'association ».

    Mais il ne s’agit pas d’une définition destinée aux communes.

    Mes questions sont les suivantes.

    Pourquoi la notion de gestion journalière et son étendue ne sont-elles pas définies dans le CDLD ?

    Sur quelle fréquence de marché se baser ? Sur quelle récurrence (mensuelle, annuelle, etc) ?

    S’agit-il d’une question de nature de marché ? Auquel cas, Monsieur le Ministre peut-il préciser une nomenclature des marchés concernés ?

    Dans ce contexte de « vide » décrétal, sur quoi et avec quelle légitimité s’appuyer pour estimer qu’un marché est ou n’est pas de la gestion journalière et doit dès lors , ou pas, être présenté au conseil communal ?

    Monsieur le Ministre pense-t-il que le cas par cas ou le bon sens suffisent dans ce cas ?

    Qu’en est-il de la régularité des marchés qui ont été passés sous « délégation » du conseil communal dans une commune et qui se verraient devoir être présentés au conseil dans une autre ? Ou encore qui auraient été passés sous délégation précédemment vu leur caractère récurrent et qui ne pourraient plus l’être aujourd’hui par décision de l'administration ? En d’autres mots, ne doit-on pas s’attendre à des conséquences jurisprudentielles d’un tel avis pour toute une série de marchés passés par un collège communal dans le cadre de la délégation accordée par le conseil ?

    Enfin, Monsieur le Ministre pourrait-il me proposer une définition claire et un cadrage de la notion de gestion journalière dans une commune ?
  • Réponse du 31/01/2012
    • de FURLAN Paul

    Effectivement, la notion de gestion journalière n’est pas précisée dans le Code de la démocratie locale et de la décentralisation.

    Elle apparaît dans l’article L1222-3 du CDLD et permet au collège communal d’exercer les compétences en matière de choix du mode de passation des marchés quand la prestation en cause est inscrite au budget ordinaire et est relative à la gestion journalière de la commune.

    Je rappelle qu’en plus de ces conditions, il est nécessaire, pour utiliser cette possibilité de délégation, que le conseil communal prenne une délibération de délégation expresse en la matière qui doit être renouvelée régulièrement et à tout le moins à chaque début de législature. Certaines communes se référaient encore, il n’y a pas si longtemps, à des délibérations de délégation datant de 1978 !

    Comme l'honorable membre le signale, à juste titre, il est particulièrement important de ne pas assimiler la notion de gestion journalière à celle de budget ordinaire. En d’autres mots, nombre de prestations, relevant du budget ordinaire, ne constituent pas des marchés relatifs à la gestion journalière.

    Je suis bien conscient de cette problématique, qui sera d’ailleurs à l’ordre du jour d’une prochaine réunion du groupe de travail permanent Marchés publics, piloté par mon administration et qui comprend des représentants, tant des grades légaux que de juristes de divers horizons (UVCW, APW, intercommunales,…).

    Cette question me donne également l’occasion de rappeler qu’en cas d’utilisation de cette possibilité de délégation, visée à l’article L1222-3 du CDLD, le collège communal se doit de renseigner clairement dans la délibération, la base légale relative à la délégation ainsi que la délibération du conseil communal formalisant cette possibilité.

    Si aucune définition n’existe actuellement dans le Code de la démocratie locale, cette notion a, néanmoins, été abordée par plusieurs arrêts de la Cour de cassation, qui permettent aux communes d’en définir les contours.

    La Cour de cassation définit la gestion journalière comme « L’ensemble des actes qui ne dépassent pas les besoins de la vie quotidienne de la société, ou les actes qui, en raison tant de leur peu d’importance que de la nécessité d’une prompte solution, ne justifie pas l’intervention du conseil d’administration. »

    Certes, cette définition concerne a priori les sociétés, mais elle a également été utilisée dans une circulaire du 1er juin 2007 relative aux délégations de pouvoirs consenties par le conseil d’administration des intercommunales en matière de gestion journalière. Il est d’ailleurs clairement fait référence à l’arrêt de la Cour de Cassation du 17 septembre 1968. Cet arrêt a depuis été confirmé par un arrêt du 26 février 2009.

    Corollairement, la même notion s’applique aux autres pouvoirs locaux dont entre autre les communes.

    On ne peut donc pas considérer que la notion de gestion journalière n’est pas définie.

    Ainsi je rappelle que les sources du droit se composent des textes légaux, de la doctrine et de la jurisprudence (et dans une moindre mesure de la coutume). Ne pas donner une définition dans un texte légal permet à la doctrine et à la jurisprudence d’interpréter un texte et de faire évoluer la définition dans le temps et dans l’espace en fonction de l’évolution de la société.

    Inscrire pareille définition dans le CDLD ne permettrait plus pareille évolution.

    En ce qui concerne son application pratique, l’établissement d’une quelconque liste de marchés relevant de la gestion journalière ne me parait pas opportun en raison également de l’évolutivité de cette notion.

    Il appartient donc aux autorités communales, en fonction des éléments propres à leur commune, en fonction de la définition proposée par la Cour de cassation et dans le respect du principe d’autonomie communale, de déterminer si telle ou telle prestation constitue ou non de la gestion journalière.

    Mon administration reste à la disposition des communes pour les aider dans l’interprétation en fonction des circonstances particulières.

    Elle tient d’ailleurs compte de ces circonstances particulières dans l’analyse des dossiers soumis à tutelle, que ce soit dans le cadre de la tutelle à transmission obligatoire ou dans le cadre de l’une ou l’autre réclamation.