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La politique industrielle

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2012
  • N° : 112 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 12/01/2012
    • de STOFFELS Edmund
    • à MARCOURT Jean-Claude, Ministre de l'Economie, des P.M.E., du Commerce extérieur et des Technologies nouvelles

    La crise qui frappe les travailleurs d’Arcelor Mittal a déclenché bon nombre de discussions. Au-delà des déclarations de solidarité (qui se traduisent sous forme de plans sociaux à négocier) avec les travailleurs qui viennent de perdre leur emploi, la question suivante a été évoquée : quelle politique industrielle devons-nous mener ?

    Devons-nous focaliser tous les efforts pour retrouver un repreneur ? Dans l’affirmative, lequel ? Et qui nous garantit que le repreneur est plus fiable que l’actuel ?

    Devons-nous abandonner l’outil et revendiquer l’assainissement de la friche ? Ou devons-nous chercher des alternatives ? Rappelons les propos de Monsieur le Ministre qui sont relayés dans la presse comme suit : « Le ministre wallon de l'économie, Jean-Claude Marcourt (PS), a de son côté fustigé «l'incapacité de l'UE à élaborer une politique industrielle». Il a rappelé les dossiers Opel et Ford Genk, où le Fédéral avait pu intervenir aussi, tout en soulignant que la Région wallonne "restait au cœur" du dossier. ».

    Puis-je demander à Monsieur le Ministre d’être un peu plus explicite sur la question ? Rappelons que pendant la présidence belge, la politique industrielle de l’UE était confiée entre les mains de la Région wallonne. Quels ont donc été les avancées et les freins en matière d’une politique industrielle européenne ?
  • Réponse du 31/01/2012
    • de MARCOURT Jean-Claude

    Bien que née de la Communauté économique du Charbon et de l’Acier (CECA), l’Union européenne n’a jamais, jusqu’au début des années 2000, construit une véritable politique industrielle, à l’instar de celle qu’elle a mise en place pour l’agriculture ou pour la pêche. Plusieurs Etats se sont en effet opposés à un interventionnisme communautaire en la matière. De plus, face à la montée de la globalisation dans les années 80 et 90, ces mêmes Etats voyaient l’avenir de l’Europe dans une économie de service, les activités industrielles étant reléguées dans les Etats émergents.

    Cette position n’a jamais été celle de la Belgique, Flandre et Wallonie étant sur ce point sur la même longueur d’onde. La Wallonie, comme la Flandre, a une tradition industrielle importante. La région n’a cependant pas échappé à la tertiarisation de l’économie et l’emploi industriel y a fortement régressé. L’examen des secteurs pourvoyeurs des emplois dans l’industrie met en évidence les éléments suivants :
    - la métallurgie, l’industrie d’équipement et la chimie restent les secteurs les plus pourvoyeurs d’emplois industriels ;
    - en revanche, si la métallurgie diminue, la chimie et l’industrie alimentaire restent des secteurs relativement stables.

    Pourtant, plusieurs études (1) ont mis en évidence tant le potentiel et les points forts de l’industrie wallonne que ses faiblesses. L’UWE cite notamment « un périmètre trop limité ». Cette analyse conforte l’importance d’un renforcement de l’espace européen et d’un marché unique pour les entreprises industrielles.

    Au niveau de l’Union européenne, la Belgique se situe dans le camp des pays qui plaide pour un maintien d’une industrie forte. Des industriels ont, en 2010, publié un Manifeste (2) mettant en garde les autorités contre les risques d’une désindustrialisation. Le point de vue des auteurs résume bien l’analyse qui a amené les décideurs de l’Union européenne à revoir sa position par rapport à la politique industrielle et à lancer une initiative phare en la matière. Ils estiment que l’affaiblissement du secteur industriel est une des raisons de l’affaiblissement du poids économique et politique de l’Europe dans le monde.

    Ils insistent également sur l’importance de la R&D ainsi que sur le poids des PME. Selon eux, « trop longtemps, nous avons considéré que seuls les salaires bas pratiqués dans certains pays émergents, ou encore une sous-évaluation de la valeur de la monnaie conférait à des pays un avantage à ces pays. Nous vivions (…) avec l’illusion que les innovations technologiques resteraient l’apanage de l’Europe ». Et de prôner une plus grande gouvernance européenne au niveau global. Les auteurs de ce Manifeste affirment en conclusion qu’ «aucun Etat, ne résoudra seul et pour lui seul le problème dramatique de la désindustrialisation qui frappe l’Europe ». « Il faut affirmer avec force que l’Europe ne peut vivre exclusivement du secteur tertiaire ne serait-ce que parce que rien n’empêche des pays émergents de maîtriser le secteur tertiaire aussi bien qu’ils ne le font dans le cas du secteur secondaire », concluent-ils.

    Dans le cadre de sa nouvelle stratégie, connue sous le nom de Stratégie Europe 2020, la Commission a publié, en octobre 2010, l’initiative phare « Une politique industrielle à l’ère de la globalisation ». Cette communication est l’une des premières de la mise en œuvre d’Europe 2020. Sous la présidence belge, exercée de facto, par la Wallonie, le Conseil compétitivité, dans sa filière industrie, a produit des conclusions fortes sur cette initiative. Les membres du Conseil ont mis en avant l’importance de la dimension durable de la politique industrielle. Celle-ci est présentée comme un élément constitutif de la compétitivité des entreprises européennes sur les marchés internationaux. Les délégations ont salué l’initiative de la Commission en matière de politique industrielle et, en particulier, l’engagement d’ « assurer la transition vers une économie sûre et durable, économe en carbone, efficiente en matières de ressources et d’énergie et compétitive, basée sur la connaissance, avec un haut niveau de croissance et d’emploi ».

    En ce qui concerne la Belgique, ces conclusions ont fait l’objet d’une étroite concertation avec les autres régions, en particulier avec la Flandre. En février 2010, le message de la Flandre quant à la situation d’Opel Anvers a été relayé par la Wallonie. De même en octobre dernier, la Flandre – qui occupe désormais pour 12 mois le siège de la Belgique - a relayé le message de la Wallonie quant à la situation du haut-fourneau d’ArcelorMittal, à Liège. Ces deux exemples illustrent le propos des auteurs du Manifeste de l’Académie des Arts et des Sciences et démontrent l’importance d’une politique intégrée à l’échelle européenne. Sans celle-ci, en toute bonne logique, les entreprises globales joueront de la mise en concurrence des Etats pour minimiser leurs coûts et maximiser leurs bénéfices.

    La mise en œuvre d’une politique industrielle intégrée n’est pas simple. Elle ne peut en effet être isolée des politiques économiques et industrielles nationales ainsi que des matières, gérées encore à divers niveaux, qui impactent considérablement la compétitivité des entreprises comme l’énergie, l’accès aux matières premières, l’accès aux financements ou encore les infrastructures. C’est également dans ce contexte que doit s’insérer toute politique de soutien aux PME.

    En ce qui concerne l’hypothèse d’une reprise des activités du haut-fourneau d’ArcelorMittal à Liège, l’option est toujours d’actualité pour peu que le détenteur actuel accepte le transfert. Le cas d’ArcelorMittal montre l’importance d’une consolidation européenne qui permette un dialogue entre l’Union européenne et les grands groupes et non plus, une confrontation. Dans les instances de concertation diverses, la Wallonie continuera donc à plaider pour une intégration et un renforcement d’une politique industrielle d’avenir, c’est-à-dire tenant compte des nouveaux paramètres énergétiques, climatiques, environnementaux, sociétaux et démographiques.



    (1) Notamment, « Une industrie wallonne compétitive et stable », UWE, 2011.
    (2) « Manifeste – La désindustrialisation de l’Europe : nous n’avons plus de temps à perdre », Académie royale de Belgique, juillet 2010. Ont participé à la rédaction de ce document : Philippe BOURDEAU, Philippe BUSQUIN, Véronique CABIAUX, Luc CHEFNEUX, Jean-Pierre CONTZEN, Philippe DE WOOT, Christian JOURQUIN, Pierre HAUSER (au nom de Jean STEPHENNE), Jacques REISSE.